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Beauvoir, 100 ans de présence à Sherbrooke – 1ère partie

Voici la première de deux parties d’un texte écrit par Denis Beaulieu pour la revue L’Entraide généalogique en 2015. Ce long article raconte l’histoire d’une institution sherbrookoise, Beauvoir. Au cours des dernières années, il avait aussi écrit pour et avec des institutions religieuses. Cet article a été écrit dans le cadre du centenaire de ce lieu de pèlerinage en 2015. Cette première partie couvre la période entre 1915 et 1944. La suite sera publiée demain.

Temps de lecture estimé – 10 minutes

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La fondation de Beauvoir a eu lieu à l’été de 1915, au moment où l’abbé Joseph-Arthur Laporte fit l’acquisition de ses deux premiers terrains sur la montagne et qu’il y fit construire un petit chalet. Pour marquer le 100e anniversaire de cette fondation, voici un bref historique des principaux événements qui s’y sont déroulés au fil des années. De 1915 à 2015, sept propriétaires se sont succédé à Beauvoir : l’abbé Joseph-Arthur Laporte, mademoiselle Euphémie Charest, Gédéon Bégin, l’abbé Gérard Cambron, les Filles de la Charité du Sacré-Cœur de Jésus, les Pères augustins de L’Assomption et les Pères maristes.

DU TEMPS DE L’ABBÉ JOSEPH-ARTHUR LAPORTE | 1915-1921

L’abbé Joseph-Arthur Laporte (Collection Sanctuaire de Beauvoir)

Joseph-Arthur Laporte naquit dans la municipalité de Saint-Paul-d’Industrie, comté de Joliette, le 16 août 1857. Il fut ordonné prêtre par Mgr Édouard-Charles Fabre le 29 juin 1882 à l’église Saint-Pierre-Apôtre de Montréal. En 1891, à l’instigation de Mgr Antoine Racine, évêque de Sherbrooke, il fut incardiné au diocèse de Sherbrooke. De 1891 à 1902, il fut curé de la paroisse Sainte-Praxède de Bromptonville, en 1902 et 1903, il fut curé de la paroisse Saint-Edmond de Coaticook et de 1903 à 1921, année de son décès, curé de la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Sherbrooke.

À l’été de 1915, à l’âge de 58 ans, l’abbé Laporte voulut réaliser son rêve : avoir un chalet sur la colline du Rang 1 de Stoke, aux limites des paroisses de Bromptonville, Stoke et Sherbrooke. Du temps où il était curé à Bromptonville, chaque fois qu’il venait à Sherbrooke, il passait tout près de la colline et s’imaginait déjà pouvoir y demeurer et peut-être même, dans le fond de son cœur, y élever un lieu de pèlerinage au Sacré-Cœur, car il avait envers lui une grande dévotion.

Le 10 août de cette année-là, il acquit de monsieur Émile Lessard, le propriétaire de la ferme au pied de la montagne, deux premiers terrains sur la colline pour la somme de 32 $. À l’automne, il y fit construire un petit chalet de 20 pieds sur 20 pieds. Il nomma l’endroit « Beauvoir » et c’est ainsi qu’il en devint le premier propriétaire.

L’année suivante, il acheta deux autres lots afin d’agrandir quelque peu son petit domaine, soit un de monsieur Lessard et un de monsieur Alfred Henri St-Cyr, le propriétaire de l’autre côté de la colline. C’est au printemps de 1917 que la première grande statue du Sacré-Cœur fut installée sur son piédestal en pierres des champs devant le bocage, près du chalet, et que les gens commencèrent à venir y prier le Sacré-Cœur.

Au printemps de 1919, l’abbé Laporte signa un contrat avec monsieur Casimir Pinard pour l’agrandissement de son chalet. Ce fut le chalet qui exista jusqu’en 1943, au moment du premier incendie à Beauvoir.

Gauche :La première statue du Sacré-Coeur
Droite :La petite chapelle de pierre
(Collection Sanctuaire de Beauvoir)

C’est à l’été de 1920 que l’abbé Laporte fit construire la petite chapelle de pierre que Mgr Paul LaRocque, évêque de Sherbrooke, vint bénir le 24 octobre.

Au mois de mai de 1921, l’abbé Laporte tomba gravement malade et le 12 août, il entra à l’Hôpital St-Vincent-de-Paul. Le 20 août 1921, il décéda. Ses funérailles eurent lieu dans l’église St-Jean-Baptiste de Sherbrooke, le mercredi 24 août, et il fut inhumé dans la crypte de l’église.

DU TEMPS D’EUPHÉMIE CHAREST | 1921-1923

Euphémie Charest (Source: La Tribune, édition du 21 juillet 1987)

Le testament de l’abbé Laporte spécifiait : Je lègue et donne à la Corporation Épiscopale Catholique Romaine du diocèse de Sherbrooke, ma chapelle du Sacré-Cœur de Jésus de Beauvoir, mon chalet et tout le terrain où ils sont construits, ainsi que tous les vases sacrés, les ornements du culte, et tout ce qui sert au culte divin … Le testament ajoutait : à la charge par ladite Corporation : 1e – de faire en sorte que ce lieu continue d’être un lieu de piété à l’égard du Sacré-Cœur de Jésus; 2e – de payer à ma succession la somme de trois mille cinq cents piastres pour aider à payer les dettes que j’ai contractées pour construire Beauvoir et le mettre dans l’état où il se trouve aujourd’hui.

De plus, par ce testament, l’abbé Laporte faisait de sa ménagère, Mlle Euphémie Charest sa légataire universelle et résiduaire. Il lui légua tous ses biens meubles et immeubles et toutes ses polices d’assurance. Enfin, il nommait Gédéon-Éloi Bégin, comptable de la cité de Sherbrooke, son exécuteur testamentaire et administrateur fiduciaire. Toutefois, la Corporation épiscopale de Sherbrooke renonça purement et simplement au legs fait par l’abbé Laporte. Par cette renonciation, Beauvoir et toutes ses dépendances devenaient la propriété de Mlle Euphémie Charest, la légataire universelle et résiduaire de l’abbé Laporte. C’est ainsi que, le 16 septembre 1921, Mlle Charest, la ménagère de l’abbé Laporte, devint la deuxième propriétaire du domaine de Beauvoir.

Mlle Charest était la fille de Guillaume (William) Charest et de Rose-de-Lima Bernier, tous deux de Sherbrooke. La famille Charest demeurait dans la paroisse Saint-Jean-Baptiste. Euphémie était née le 7 août 1892 et fut baptisée le 9 août à l’église Saint-Jean-Baptiste de Sherbrooke.

Après le décès de l’abbé Laporte, le chalet et la chapelle de Beauvoir demeurèrent fermés, ce qui n’empêcha pas les fervents du Sacré-Cœur d’y monter faire leur pèlerinage habituel. Entretemps, Mlle Charest, n’ayant pas les moyens de payer les dettes contractées par l’abbé Laporte, tenta de vendre le domaine de Beauvoir. Au mois de septembre 1923, Gédéon Bégin, l’homme de confiance et l’exécuteur testamentaire de l’abbé Laporte, acheta le domaine pour la somme de 3 000 $ et devint le troisième propriétaire de Beauvoir.

DU TEMPS DE GÉDÉON BÉGIN | 1923-1942

Monsieur Gédéon Bégin (Collection Filles de la Charité du Sacré-Coeur de Jésus, Sherbrooke)

De 1923 à 1929, le chalet et la chapelle de Beauvoir demeurèrent fermés et abandonnés. Ce n’est que le 9 juillet 1929 que la famille de Gédéon Bégin vint faire une première visite à Beauvoir et y passa quelques semaines de vacances. De 1930 à 1941, chaque été, Gédéon Bégin et sa famille vinrent séjourner à Beauvoir. Son frère, l’abbé Pierre-Achille Bégin, était le « gardien de Beauvoir ». Chaque jour, il célébrait la messe dans la petite chapelle et y recevait les pèlerins. C’est ainsi que le rêve de l’abbé Laporte évita d’être anéanti et que Beauvoir a pu reprendre vie.

Le 2 octobre 1932, la statue de Notre-Dame du Sacré-Cœur qui est placée sur un piédestal en pierres des champs à l’entrée du bocage fut bénite par Mgr Letendre, curé de la cathédrale de Sherbrooke. Cette statue avait été donnée par M. et Mme Louis Codère de Sherbrooke, en souvenir de leur fille adoptive Berthe Simard qui décéda de la tuberculose.

À l’été de 1934, l’abbé Pierre-Achille Bégin commença la rédaction de ses chroniques de Beauvoir qu’il écrivit jusqu’en 1942. C’est grâce à ces chroniques que nous pouvons connaître ce qui s’est passé à Beauvoir du temps de Gédéon Bégin. C’est aussi en 1934, le 19 août, que la croix de chemin située vis-à-vis la montée de Beauvoir fut bénite par l’abbé Dolor Biron, curé de la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Sherbrooke.

Tout au long de la période durant laquelle Gédéon Bégin fut propriétaire de Beauvoir, celui-ci tenta à plusieurs reprises d’inciter les autorités religieuses à acquérir le domaine de Beauvoir, mais sans succès. Ni Mgr LaRocque, ni Mgr Gagnon, ni Mgr Desranleau ne voulurent impliquer directement l’évêché de Sherbrooke dans le projet de Beauvoir, car tous affirmaient que c’était le peuple chrétien qui crée un lieu de pèlerinage, inspiré par l’Esprit Saint. Selon l’adage qui veut que la cause d’un mouvement demeure la même du début à la fin, ce sera toujours le peuple chrétien et non l’Autorité ecclésiastique qui maintiendra toujours vivant un lieu de pèlerinage. Toutefois, durant toute cette période de temps il refusa de vendre le domaine de Beauvoir à quiconque ne poursuivrait pas l’œuvre de l’abbé Laporte.

C’est sur son lit de mort que finalement il réussit, in extremis, à s’acquitter complètement de sa tâche d’exécuteur testamentaire : confier Beauvoir à quelqu’un qui poursuivrait l’œuvre de l’abbé Laporte. Le 2 février 1942, l’abbé Gérard Cambron acheta de Gédéon Bégin le domaine de Beauvoir pour la somme de 3 500 $. Le 25 février, Gédéon Bégin décéda à 1 h 30 du matin.

DU TEMPS DE L’ABBÉ GÉRARD CAMBRON | 1942-1944

L’abbé Gérard Cambron (Collection Filles de la Charité du Sacré-Coeur de Jésus, Sherbrooke)

C’est ainsi que le jeune abbé Cambron, devant le refus de l’évêque, Mgr Philippe Desranleau, de se porter acquéreur de Beauvoir et voulant poursuivre coûte que coûte l’œuvre du Sacré-Cœur dans le diocèse de Sherbrooke, acheta de Gédéon Bégin le domaine de Beauvoir, sauvant ainsi le sanctuaire de la disparition pour une troisième fois.

Le 25 juillet 1943, un incendie détruisit complètement le chalet de l’abbé Laporte. Mais dès le mois d’août, les travaux de construction d’une nouvelle maison débutèrent. Ce fut la Corporation épiscopale de Sherbrooke qui cette fois défraya les coûts de cette construction.

Le 4 février 1944, dans une lettre pastorale, Mgr Desranleau mit sur pied et installa en permanence à Beauvoir le Secrétariat central des œuvres diocésaines du Sacré-Cœur et désigna les Filles de la Charité du Sacré-Cœur de Jésus en tant que responsables. Ce fut à ce moment que Beauvoir fut déclaré sanctuaire diocésain.

C’est ainsi qu’au mois de juillet de la même année, quatre religieuses des Filles de la Charité du Sacré-Cœur de Jésus de Sherbrooke furent nommées pour prendre officiellement la charge de Beauvoir : Sr Marie-Conrad (Rachel Drainville), Sr Bertrand du Sacré-Cœur (Geneviève DeCurafel), Sr Rolland-Marie (Marie Lessard) et Sr Imelda-des-Anges (Noëlla Dionne). Elles arrivèrent à Beauvoir le 25 juillet. Mais ce n’est que le 26 octobre suivant que le contrat de vente entre l’abbé Cambron et les Filles de la Charité fut signé. Ainsi, les religieuses devinrent les cinquièmes propriétaires du domaine de Beauvoir qu’on appellera dorénavant le Sanctuaire de Beauvoir.

L’abbé Cambron aura été, bien malgré lui, l’instrument par lequel Beauvoir a finalement trouvé ses premières assises stables. Par son dynamisme et son enthousiasme, il a su donner un nouveau souffle de vie et un nouveau départ à l’œuvre de l’abbé Laporte.

Au cours de cette courte période, il faut bien le reconnaître, ce fut Mgr Desranleau qui a toujours agi dans l’ombre, et ce jusqu’à son décès.

Monseigneur a constamment supporté l’œuvre de Beauvoir de façon toujours discrète et anonyme. C’est lui qui y amena les Filles de la Charité du Sacré-Cœur de Jésus, puis les Pères augustins de L’Assomption.

L’abbé Cambron, en remplissant bien sa tâche d’intermédiaire, a permis au sanctuaire de Beauvoir de devenir ce qu’il est aujourd’hui.

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La suite du récit sera publiée demain, mardi, et couvrira les époques allant de 1944 à 2015.

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