Cette chronique traite du patrimoine toponymique de la Ville de Sherbrooke. Ces chroniques régulières nous viennent de Jean-Marie Dubois, membre émérite de la Société de généalogie des Cantons-de-l’Est, et de Gérard Coté, membre de la Société d’histoire et du musée de Lennoxville-Ascot.
Nous vous présentons aujourd’hui la rue Florina, dans le secteur d’Ascot et plus particulièrement dans le développement domiciliaire Développement du Parc. Cette rue Florina a été nommée en l’honneur de Florina Gervais, Mère-Marie-du-Sacré-Coeur, vénérée fondatrice des Soeurs Missionnaires de Notre-Dame des Anges, décédée à Lennoxville en 1979, à l’âge de 91 ans.
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Rue Florina

Florina Gervais. Fondatrice des Sœurs Missionnaires de Notre-Dame des Anges (1888-1979)
Photo : Sœurs missionnaires de Notre-Dame des Anges (s.d.) Mère Marie-du-Sacré-Cœur : Fondatrice des Sœurs Missionnaires de Notre-Dame des Anges (1888-1979), p. 5
Anne-Marie Florina Gervais est née à Saint-Césaire, comté de Rouville, le 7 mars 1888. Elle est la deuxième des six enfants de Rosalie Martel (11-1861—Sherbrooke 30-09-1948), institutrice, et de Pierre Gervais (01-1861—Sherbrooke 13-03-1925), cultivateur de tabac. Ceux-ci s’étaient épousés en l’église de Saint-Césaire, à Saint-Césaire, le 18 août 1884. Florina poursuit et complète ses études au Mont-Notre-Dame en 1906, après les avoir commencées à Vaudreuil. Ses parents habitent tour à tour Saint-Césaire, Île-Perrot, Kingscroft (au moins en 1905) et Cherry River (1906?). Ils ne s’établissent à Sherbrooke qu’en 1906 ou 1907. Florina Gervais veut être missionnaire.
Elle entre chez les Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception, à Outremont, en 1907, sous le nom de sœur Saint-Alphonse de Liguori, passe quatre ans en Chine où elle est responsable d’un noviciat et demeure dans cette communauté jusqu’en 1914. Elle n’y prononcera cependant pas ses vœux perpétuels puisqu’elle diverge de point de vue avec cette Communauté sur la formation des jeunes filles chinoises (vierges catéchistes) destinées à aider à l’évangélisation de la population. Elle préconise qu’il ne faut pas essayer de les européaniser pour qu’elles puissent œuvrer efficacement dans leur milieu. En fait, elle vise la promotion religieuse et humaine de femmes chinoises comme auxiliaires d’apostolat.
Elle revient donc à Sherbrooke avec une compagne, Gabrielle Trudel. Les deux femmes n’envisagent que de retourner en mission en Chine. Malheureusement, Gabrielle Trudel doit s’occuper de ses parents dans le besoin, de sorte que c’est Laurence Lamoureux qui la remplace. Avec l’approbation de monseigneur Paul LaRocque, elles prennent l’habit de religieuse en 1915 sous le nom respectif de Marie du Sacré-Cœur et de Thérèse de l’Enfant-Jésus. Elles passent trois ans en Chine, de 1915 à 1918 et où les rejoint une jeune Chinoise, Chan Tsi Kwan, ancienne élève de Florina Gervais à Canton, en 1913, et qui devient sœur Marie-Gabriel. Malheureusement Laurence Lamoureux y décède de maladie.
De retour à Sherbrooke, les deux religieuses s’installent d’abord chez le père de Florina sur la rue Grove (qui deviendra rue du Couvent puis de la Cathédrale) et ne pensent qu’à trouver les moyens de retourner en Chine. En 1919, elles s’installent dans l’ancien presbytère de l’église de Saint-Antoine, sur la rue Church à Lennoxville, demeuré vacant et acheté par le père de Florina à la suite de la destruction de l’église par le feu, en 1917 : c’est la première maison-mère de la congrégation (actuel 43 de la rue Uplands). Comme le bâtiment est difficile à chauffer et qu’on était un peu à l’étroit pour loger les nouvelles aspirantes, en 1920, elles le vendent et le père de Florina les installe dans une maison de la rue Champlain à Sherbrooke (actuel 1123).
La congrégation prend le nom d’Institut des Sœurs missionnaires de Notre-Dame des Anges, institut qui sera incorporé civilement en 1921 et érigé canoniquement ainsi qu’intégré à la grande famille franciscaine en 1922. En 1921, l’Institut ayant pris un peu d’expansion prend en charge l’école primaire catholique de Saint-Antoine de Lennoxville (jusqu’en 1925) puis, en 1922, celle de Sainte-Edwidge (jusqu’en 1931). Aussi, à Victoriaville, l’Institut ouvre un foyer pour dames et jeunes filles en 1927 (jusqu’en 1952) et un jardin d’enfants en 1928 (jusqu’en 1972). En 1922, l’Institut transfère la maison-mère dans une résidence laissée par les Franciscains à Lennoxville. Agrandie en 1924, cette résidence (qui sera détruite par le feu en 2003) est laissée par l’Institut aux Sœurs Clarisses en 1952, quand une quatrième maison-mère est construite sur le site actuel du 323 de la rue Queen, toujours à Lennoxville.
Toujours en 1922, les cinq premières missionnaires sont envoyées en Chine pour collaborer avec les Pères des Missions-Étrangères de Paris, au diocèse de Kweiyang, province du Kweichow. En 1925, un deuxième départ de quatre sœurs permet de renforcer le groupe de missionnaires de Kweiyang et, en 1926, un troisième départ de huit sœurs (avec d’autres départs qui suivront, 45 sœurs auront été à l’œuvre en Chine en 1932) permet de nouvelles fondations à Hong Kong, Macao et Nanning (au Kwangsi), où l’œuvre principale consiste dans la formation des jeunes filles chinoises (vierges catéchistes). Entre autres, les sœurs s’occupent de l’école Sainte-Claire à Hong Kong depuis 1927. Un noviciat chinois est fondé à Macao en 1928, lequel fonctionnera jusqu’en 1945, ainsi qu’une école. À ces endroits, l’Institut œuvre non seulement dans des écoles mais aussi dans des dispensaires, des crèches, des orphelinats, des hôpitaux et des léproseries, jusqu’à ce que le régime communiste l’expulse de la Chine continentale en 1953. Cependant, à Nanning comme à Kweiyang, l’œuvre des vierges catéchistes, devenue autonome, survit au régime communiste jusqu’à nos jours car elle a engendré des communautés religieuses diocésaines. L’Institut est alors très florissant et se lance, à partir de 1949, dans un très grand nombre de pays d’Afrique, d’Océanie, d’Asie et d’Amérique du Sud.
Florina, elle, demeure supérieure générale de l’Institut seulement jusqu’en mars 1946 mais, de 1953 à 1957, elle sera supérieure locale d’une maison de l’Institut au Pérou. En 1967, l’Institut devient de droit pontifical et non plus simplement de droit diocésain. Florina Gervais décède à Lennoxville, le 1er août 1979. En 2006, l’Institut avait formé près de 200 religieuses. En mars 2017, il en compte 133, en plus de 3 novices et 12 pré-novices. Ces personnes sont de 16 nationalités différentes et l’Institut œuvre dans 17 maisons dans 12 pays.

Monument funéraire de Florina Gervais, Cimetière St-Michel, Sherbrooke QC
Cette rue est ouverte en 2009 dans le système odonymique des prénoms féminins du secteur d’Ascot, dans le développement domiciliaire Développement du Parc. Le nom est attribué par le conseil municipal de Sherbrooke lors de sa réunion du 21 avril 2008. Le toponyme est officialisé par la Commission de toponymie du Québec, le 10 juin 2009.
Renseignements
Annuaires de Sherbrooke de 1906-1907 et 1917-1918, conservés à la Société d’histoire de Sherbrooke.
Bacon, René et Desloges, Gisèle (1996) Sœurs missionnaires de Notre-Dame des Anges. De l’intuition à l’institution (1905-1922). Sœurs missionnaires de Notre-Dame des Anges, Lennoxville, 171 p.
Bacon, René et Desloges, Gisèle (1999) Sœurs missionnaires de Notre-Dame des Anges. Se faire Chinoises avec les Chinois (1927-1932). Sœurs missionnaires de Notre-Dame des Anges, Lennoxville, 423 p.
Bureau, Marcel (2002) Fiche de renseignements toponymiques. S.S.J.B. de Sherbrooke, 30 octobre 2002.
Desloges, Sœur Gisèle (2006) Rencontre et échanges et document complémentaire : 14 et 19 août 2006.
Dubois, Jean-Marie (2007) Florina Gervais : seule Sherbrookoise à avoir fondé une congrégation religieuse. Le Confluent (Société d’histoire de Sherbrooke), no 55, été 2007, p. 6-7.
Dubois, Jean-Marie (2010) Toponymie : La rue Florina : Une religieuse exceptionnelle. Regards (Journal communautaire du quartier d’Ascot), vol. 5, no 8, mai 2010, p. 16.
Dubois, Jean-Marie (2017) Visages estriens : Lennoxville, Florina Gervais. La Tribune, vol. 108, no 174, 16 septembre 2017, p. W23.
Généalogie Québec, Famille Gervais. Fichier Connolly :
https://www.genealogiequebec.com/membership/searchConnolly.aspx, consulté le 17 novembre 2015.
Gervais, Émile (1937) Un mois en Chine avec les Sœurs missionnaires N.-D. des Anges du diocèse de Sherbrooke. Messager Saint-Michel, Sherbrooke, 129 p.
Gervais, Émile (1963) Les Sœurs missionnaires Notre-Dame des Anges (congrégation religieuse sherbrookoise) : ses origines, son esprit & son oeuvre. Sherbrooke, 176 p.
Ministère des affaires extérieures et de la coopération internationale du Canada (2006) La représentation du Canada à Macao. Ottawa, http://dfait-maeci.gc.ca, consulté le 25 mars 2009.
Mme J. A. Ouellet [Armande Biron] (s.d. ca 1950) Soeurs missionnaires de Notre-Dame des Anges. Manuscrit, 2 p.
Recensements du Canada de 1871, 1881, 1891, 1901, 1911 et 1921.
Rencontre et renseignements historiques sur la communauté, par soeur Gisèle Desloges à Jean-Marie Dubois, en août et septembre 2006 et par soeur Isabelle Murphy, les 27 février et 13 mars 2017.
Sœurs missionnaires de Notre-Dame des Anges (s.d.) Mère Marie-du-Sacré-Cœur : Fondatrice des Sœurs missionnaires Notre-Dame des Anges (1888-1979). S.l., 31 p.
Jean-Marie Dubois (Université de Sherbrooke) et Gérard Coté (Société d’histoire et du musée de Lennoxville-Ascot) ; 17 septembre 2017.
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