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La biographie de Jérôme-Adolphe Chicoyne – Épisode 5

Dans le précédent épisode de la biographie de Jérôme-Adolphe Chicoyne, nous avions complété ses mémoires de jeunesse durant les années 1860. Dans ce 5e épisode et dans le prochain qui suivra, nous couvrons les années 1866 à 1872 qui correspondent à son mariage et aux débuts de sa carrière d’avocat.

Cette série est tirée du livre de Denis Beaulieu:  »Jérôme-Adolphe Chicoyne, avocat, journaliste. agent d’immigration et de colonisation, entrepreneur, développeur, maire, député ».

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Ses débuts comme avocat et son mariage

Contrairement à ses mémoires, J.A. Chicoyne ne nous dit que peu de choses dans son journal. Celui-ci ne couvre que la période du 1er août 1866 au 10 mars 1870, à peine quatre ans. De plus, la majeure partie du journal concerne uniquement les années 1866 et 1867. À peine deux pages couvrent les années 1868, 1869 et 1870. À la deuxième partie, dans ses écrits, au document # 2, nous en retrouvons une transcription[i]. Voici, dans l’ordre chronologique, les quelques éléments intéressants de ce journal.

Le 22 août 1866, la journée de son 22e anniversaire de naissance, J.A. Chicoyne nota dans son journal : Pour moi, quand je considère que je suis parvenu à l’âge de 22 ans, c-à-d que j’ai parcouru au moins le tiers de la carrière, qu’un homme constitué comme moi peut espérer de parcourir,… , sans le savoir il disait très juste, car il décèdera à l’âge de 66 ans.

Le 3 septembre de la même année, il a agi comme avocat pour la première fois et, le 18 septembre, il plaida sa première cause, qu’il gagna. Il ne faut pas oublier que J.A. Chicoyne était toujours à l’étude de la Loi et que ce n’est que deux ans plus tard qu’il sera admis au barreau. Toutefois, à partir de ce moment, et surtout au cours de 1867, il plaida régulièrement devant la Cour des Magistrats et la Cour des Commissaires de Saint-Hyacinthe, de Saint-Pie et de quelques autres villes et villages des environs. Mais dès les débuts de sa carrière d’avocat, J.A. Chicoyne ne sembla pas extrêmement intéressé à poursuivre dans cette voie. Le 21 septembre 1866, il nota qu’il avait fait application pour le poste de secrétaire-trésorier de la municipalité et le poste de secrétaire-trésorier des ‘’Écoles’’, probablement la commission scolaire. Le poste ne lui ayant pas été accordé, il poursuivit sa carrière d’avocat.

J.A. Chicoyne, au début de sa carrière. Source: Andrée Benoît et Richard Flibotte, collection privée, Saint-Hyacinthe, (Photo tirée de l’album personnel de J.A. Chicoyne, p. 11).

Voici ce que J.A. Chicoyne nous dit de sa rencontre et de ses fréquentations avec Caroline Perrault, sa future épouse.

Le 23 septembre 1866, il nota : J’ai rencontré aujourd’hui dans un salon (chez M. Gladu) Dlle Caroline Perrault, je l’ai trouvée charmante, il faut que j’aille la visiter. Ce fut la première fois que J.A. Chicoyne rencontra Caroline Perrault. Le 30 du même mois, il nota : J’eus le bonheur et l’honneur d’aller rendre visite à Dlle Perreault en compagnie de M. M.A. Kéroack, elle m’a encore plu davantage. Qui sait si je n’y retournerai pas ? Le 25 novembre, on lit : J’ai passé une agréable veillée chez Dlle Perreault, pour dire vrai, j’ai un commencement d’amour pour elle.

Le 1er janvier 1867, il rendit visite à Caroline et ses parents. Le 22 février, il nota : J’ai fait une curieuse de convention cette après-midi. Je me suis obligé envers dlle Marie-Rose Caroline Perreault et dlle Marie-Louise Pigeon à réciter tous les jours pour chacune d’elles une ave maria, et ce durant toute ma vie, et elles de leur côté se sont engagées à faire la même chose pour moi. Deux jours plus tard, le 24 février, il nota : J’eus occasion de m’entretenir assez longuement aujourd’hui avec dlle Perreault, elle m’a plu autant et peut-être plus que jamais, où s’arrêtera la propension que j’ai pour elle ? Je n’en sais rien. Le 5 mars suivant, à peine cinq mois et demi après avoir rencontré Caroline Perrault, il nota : Mardi gras. – Le Carnaval ne pouvait mieux se terminer pour moi. J’ai passé l’après-midi en une agréable promenade en voiture avec la personne qui règne en reine sur mon cœur. Les mots sacrés ‘’Je vous aime’’ ont été échangés pour la première fois. L’amour, voilà une passion qui est la source infaillible du bonheur ou du malheur. Me rendra-t-elle malheureux ou heureux ? Voilà une question que je me fais naturellement, mais à laquelle je ne puis répondre. La personne vers laquelle mon âme soupire peut seule le faire.

Le 21 avril, jour de Pâques, il nota : cependant cette après-midi l’atmosphère s’est dégagé et m’a permis de faire une promenade passablement agréable avec dlle Perreault.

Entre le 21 avril et le 19 septembre 1867, il a sûrement revu plusieurs fois Caroline Perrault, cependant il n’en dit aucun mot. Le 19 septembre, il nota : une bienveillante Providence a voulu que je passasse l’après-midi avec une charmante et aimable demoiselle, depuis longtemps maîtresse de mon cœur.

Le 27 octobre, J.A. Chicoyne nota une drôle de réflexion : J’ai passé la plus grande partie du jour avec une demoiselle que j’aime sincèrement. Je lui ai dit adieu pour longtemps, car certaines lois qu’on lui impose lui interdisent toutes relations avec qui que ce soit. La vie humaine est un chemin de privations, il faut s’y habituer. – [Ajouté par Caroline] : Nous nous sommes promenés trois heures.

Le 7 janvier 1868, il nota : Aujourd’hui a eu lieu la célébration de mon mariage avec ma chère Caroline, les sentiments éprouvés en ce jour ne sont pas de nature à être exprimés ici.

Entre le 23 septembre 1866 et le 7 janvier 1868, ce sont les seules annotations que J.A. Chicoyne a faites dans son journal concernant Caroline Perrault. Il ne parla nullement des parents de Caroline, ni de l’histoire de sa famille.

Décidément, lorsqu’il s’agit de sa famille, J.A. Chicoyne fut presque muet. En aucun moment, il ne nous dévoila ou présenta de façon un peu plus ouverte ses parents, son oncle et sa tante, sa femme et ses beaux-parents. Il nous semble que, pour J.A. Chicoyne, la famille est une chasse gardée; on n’en parle pas, on n’y touche pas …

Entre ses études, son début de pratique et ses rencontres avec Caroline Perrault, J.A. Chicoyne se mêla à toutes sortes d’organisations sociales et politiques.

Le 16 décembre 1866, il fut proclamé membre actif de ‘’l’Union Catholique’’, une société, appuyée par le Séminaire, où les membres assistaient à des conférences sur divers sujets. Un mois plus tard, le 20 janvier 1867, il y présenta son premier essai qui portait sur Mgr Joseph-Octave Plessis.

Ainsi, J.A. Chicoyne aimait bien les soirées littéraires, les soirées musicales et les concerts.

De plus, J.A. Chicoyne a toujours été attiré par la ‘’Milice’’ et les exercices militaires. On se souvient qu’au Séminaire de Saint-Hyacinthe, à deux reprises, il organisa une milice. À cette époque, à Saint-Hyacinthe, il existait la Compagnie des Volontaires et, évidemment, il en faisait partie et participait à toutes les activités de parade, de sortie et de présentation.

J.A. Chicoyne dans son costume de Volontaire. Source: Andrée Benoît et Richard Flibotte, collection privée, Saint-Hyacinthe, (Photo tirée de l’album personnel de J.A. Chicoyne, p. 20).

Le 1er juillet 1867, J.A. Chicoyne nota, d’un ton très ‘’conservateur’’ : La Confédération.  Aujourd’hui commence à fonctionner le nouveau système gouvernemental qui vient de nous être octroyé par l’Angleterre. Cette question de la Confédération qui a excité tant de divisions, tant d’espérance, tant d’anxiétés feintes ou réelles, est maintenant sortie du domaine de la discussion. Tous les vrais Canadiens, libéraux comme conservateurs doivent se soumettre franchement à l’ordre établi, s’opposer plus longtemps à une mesure devenue loi serait manquer de loyauté et de patriotisme.

Au mois d’août et de septembre 1867, il y eut des élections provinciales auxquelles J.A. Chicoyne participa activement, prononçant des discours, allant supporter les candidats conservateurs dans les comtés et faisant beaucoup de cabale. Depuis le début du mois de juin, il était entré au journal Le Courrier de Saint-Hyacinthe, comme sous-rédacteur et régulièrement il signa des articles sous le pseudonyme Un Passant.

Après son mariage, en janvier 1868, J.A. Chicoyne ne nota que six événements dans son journal pour l’année 1868, événements sans aucune importance, que sept pour 1869 et que deux pour 1870. Pourtant, en septembre 1868, J.A. Chicoyne fut admis au barreau et débuta sa pratique à Saint-Hyacinthe. Il n’en dit encore aucun mot. Il exerça sa profession pendant quatre ans, jusqu’au moment où il devint agent du gouvernement. De plus, au début du mois d’août 1866, il fut élu secrétaire-trésorier de la nouvelle société de colonisation de Saint-Hyacinthe. Sur ce, aucun mot.

Le 18 août 1869, il nota : Société entre Bernier et moi de ce jour. Assez laconique comme ton pour un événement qui a quand même une certaine importance, l’ouverture d’un premier bureau d’avocats. J.A. Chicoyne n’ouvrit pas la porte aux confidences. Pourtant, à plusieurs reprises, il parla de son ami J.A. Bernier qui était son confrère.

C’est avec ce même Bernier que, le 18 septembre 1869, il commença à rédiger un journal agricole qui fut imprimé par le journal Le Courrier et il nota : Je commence à rédiger un journal agricole conjointement avec mon ami Bernier pour le salaire énorme de $100.00 !!! Il est publié par M. Camille Lussier. C’est une bagatelle, mais c’est une chance de faire un petit salaire, à part les revenus encore si limités de ma profession, et me permettre de vivre.

Son ami J.A. Bernier. Source: Andrée Benoît et Richard Flibotte, collection privée, Saint-Hyacinthe, (Photo tirée de l’album personnel de J.A. Chicoyne, p. 36).

Le 22 octobre suivant, il nota : J’ai aujourd’hui fait l’acquisition d’un piano de Mess. Lecompte, Procureur du Séminaire de St-Hyacinthe. Il y a 5 ans que ma femme n’a pas pratiqué la musique qu’elle avait apprise durant quatre ans au couvent de St-Denis et de St-Hyacinthe. Ce piano l’empêchera d’oublier ce qu’elle a appris. J.A. Chicoyne n’était pas riche, la profession d’avocat n’était pas lucrative, mais pour l’amour de sa femme et pour l’amour de la musique, il acheta le piano.

En 1870, les deux seules annotations qu’il a faites sont celles du 9 et 10 mars, le jour de la naissance et du baptême de son deuxième enfant, Caroline-Hermine. L’année auparavant, en février 1869, le couple Chicoyne avait eu un premier enfant, Hector, mais il ne le mentionna même pas dans son journal. C’est sa femme, Caroline, qui, beaucoup plus tard, inscrivit à la fin du journal de J.A. Chicoyne, la liste des dates de naissance et de décès de leurs six enfants. C’est aussi elle qui écrivit : le 27 février 1868 Mr. Charbonneau est mort à 8 hres matin. Pourtant, c’était son oncle avec qui il demeura depuis l’âge de trois ans. Aucun mot. C’est dans la maison de ce même oncle Charbonneau qu’il habita et qu’il habitera jusqu’à ce qu’il déménage la famille à La Patrie. Toutefois, Caroline Perrault fit erreur sur l’année du décès de l’oncle Joseph Charbonneau. À l’acte de sépulture, on constate que c’est en 1869 que Joseph Charbonneau décéda et fut inhumé. C’est donc dire que les notes ajoutées par Caroline le furent plusieurs années plus tard.

Ainsi, au début de 1870, J.A. Chicoyne n’eut plus le temps de rédiger son journal et il cessa toute annotation sur ce qui se passa dans sa vie.


[i] CENTRE D’HISTOIRE DE SAINT-HYACINTHE. Fonds Jérôme-Adolphe-Chicoyne : CH008/000/000/013 : Manuscrit du journal de Jérôme-Adolphe Chicoyne, Saint-Hyacinthe, 1866 à 1870, 30 p.

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