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La généalogie comme transmission culturelle

Cet article a été écrit par Olivier Berger et publié dans L’Entraide généalogique au printemps de 2019. Il a valu à son auteur l’un des Prix Raymond-Lambert pour le meilleur article de l’année. Il en a reçu d’ailleurs un deuxième au cours de la même année avec son autre article: ‘Huntingville avant la famille Hunting’.

Temps de lecture estimé – 7 minutes

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Introduction

L’étude de la science généalogique nous amène également à réfléchir sur les composantes de la culture d’avant. L’étude de cet aspect demeure fort intéressante puisque « chacun-e possède un bagage culturel qui lui est propre et que ce bagage modifie notre regard » (Latour, 2016, p. 39). Certes, s’attarder à la généalogie culturelle nous permet d’ailleurs de songer à l’histoire des mentalités et des traditions, à l’évolution des modèles familiaux ainsi qu’à retracer la microhistoire par la transmission culturelle. « La généalogie recouvre également la genèse historique ; elle est aussi l’instrument qui permet par l’étude de l’histoire d’un phénomène de culture, de montrer sous l’effet de quelles forces il s’est constitué et transformé, de comprendre dans quelle direction tel ou tel type de valeur oriente le développement de l’homme. » (Latour, 2016, p. 21).

Aller à la rencontre des mentalités d’alors

Avant tout, se pencher sur la généalogie comme transmetteur culturel favorise la réflexion sur les mentalités d’alors. Lorsqu’on travaille dans le domaine de la généalogie, il est très intéressant de se pencher sur la manière dont nos ancêtres vivaient. En ce sens, force est de constater qu’en étudiant le passé par la généalogie, on s’intéresse également à la manière dont vivaient nos ancêtres. Par exemple, au Québec, retracer la généalogie, c’est aussi témoigner de l’importance que jouait l’Église à l’époque. Effectivement, si on retrouve autant d’informations pour baser les recherches, c’est grâce aux actes (baptême, mariage et sépulture) que rédigeait l’Église. De plus, en se basant sur les sources et les archives, on peut dégager une évolution sociologique des mentalités. Le chercheur est alors amené à s’interroger sur les pratiques culturelles du temps, mais aussi sur les impacts que celles-ci peuvent avoir eu sur les familles. Dans le même ordre d’idées, cet exemple témoigne d’une pratique culturelle ayant marqué la société d’alors. Il n’est pas rare d’entendre qu’avant, le curé de la paroisse faisait une tournée des familles et rencontrait les mères pour qu’elles aient plus d’enfants. Certes, cette pratique demeure ancrée dans la mémoire collective québécoise. Or, il s’agit d’une coutume ayant marqué l’histoire des familles québécoises et, puisque dans les croyances du temps, l’Église avait une importance pour la population, on obéissait… Ceci explique, dans une moindre mesure, pourquoi on retrouvait des familles québécoises très nombreuses.

L’évolution du modèle familial

Ensuite, pratiquer la généalogie, c’est également prendre connaissance de la culture propre du phénomène de la famille. Ainsi, on est amené à percevoir une certaine évolution en ce qui concerne les modèles familiaux, et ce, « en mettant l’emphase sur l’origine d’un phénomène et sur ses différentes bifurcations au fil du temps » (Latour, 2016, p. 21). À première vue, en étudiant les familles d’alors, le chercheur témoigne d’une certaine homogénéité desdits modèles. Effectivement, avant les années 1950, on remarque une prédominance nette de la famille dite traditionnelle, caractérisée par la famille nombreuse où les rôles sont marqués par le genre.

À l’époque, la famille recomposée est marginale et n’a raison d’exister que pour son côté pratique : subvenir aux besoins (Dumont et Bitaudeau, 2005). Puis, en retraçant les générations plus récentes, on remarque une importante transformation des modèles familiaux, et ce, dès les années 1950. À ce moment, apparaît dans la foulée de l’urbanisation, le modèle de la famille moderne : celle dite nucléaire. Et finalement, avec la postmodernité, on remarque un véritable éclatement des modèles familiaux : familles contemporaines, recomposées, homoparentales, monoparentales, pour ne nommer que celles-là. En ce qui a trait à l’éclatement des modèles familiaux, Harvey nous dit que les chercheurs intéressés à la généalogie seront rapidement « confrontés à différents modèles de filiation au-delà des liens de sang » (Harvey, 2005, p. 291). Ce phénomène sera alors extrêmement intéressant à étudier d’ici quelques années et complexifiera grandement le travail des généalogistes.

L’évolution de la transmission des noms

Dans un autre ordre d’idées, alors que les modèles familiaux éclatent, le mode de transmission des noms évolue tout autant. En produisant des recherches en généalogie, on est amené à constater que, non seulement les prénoms changent (alors qu’il n’était pas rare de transmettre le prénom des parents ou grands-parents), mais surtout que le nom de famille a largement évolué. D’abord, si on parlait jadis de patronyme, aujourd’hui on utilise davantage le terme nom de famille. Autrefois, la coutume voulait que le nom soit transmis en reprenant le prénom du père afin de souligner que l’enfant était « le fils de », ainsi Mathieu fils de Raymond devenait Mathieu Raymond (Lang, 2018) « Pendant de nombreuses générations, ces “noms de famille” n’étaient pas transmis à la génération future ; chaque génération prenait le prénom de son père comme nom de famille, et ce, jusqu’à la promulgation par le [gouvernement] d’un décret ordonnant leur transmission héréditaire. Après cette réforme, le nom de famille a en grande partie commencé à être transmis de génération en génération » (Lang, 2018).

Puis, on s’intéresse par la suite au patronyme qui prend alors de l’importance dans les registres. Celui-ci se transmet par le père. Dans la foulée des mouvements de libération de la femme, au cours des années 1960, on voit apparaître également le matronyme, qui est le nom transmis par la mère (Harvey, 2006, p. 291). Dans ce même mouvement apparaissent les noms de famille composés réunissant celui du père et de la mère, et ce, dès la mise en place d’une réforme en 1981. « Nous avons hérité d’une loi qui permet toutes les possibilités : un ou les deux noms de famille, dans n’importe quel ordre ; et pour couronner le tout, les enfants d’une même famille peuvent tous et toutes avoir des “noms de famille” différents ! » (Cousteau Serdongs, 2008, p. 140). Cette même loi vient également changer l’identité légale de la femme. À l’époque, une fois mariées, les femmes perdaient leur nom de famille au profit de celui de leur mari. Avec la mise en place de cette loi, la coutume est désormais révolue sur le plan juridique (mais peut être conservée sur le plan social) (Tremblay, 2005). Quoi qu’il en soit, réfléchir à la généalogie, c’est également prendre connaissance de l’évolution de la famille autant dans sa composition que par l’évolution de la transmission des noms.

La généalogie : voie de transmission

Par ailleurs, la généalogie aborde l’aspect de la culture dans une optique de transmission.

« Que cherche, en effet, le généalogiste sinon à une mémoire familiale » (Harvey, 2005, p. 293). Sur ce plan, une telle recherche apporte de nombreux bienfaits. En premier lieu, en produisant un ouvrage de généalogie, le chercheur rédige ce qu’on nomme la microhistoire (histoire de la localité) : il favorise de même à la rédaction, voire à l’enrichissement de l’historiographie de ladite localité. En second lieu, rédiger une généalogie, c’est transmettre. D’ailleurs, bien que cette science se trouve à avoir pour objet d’étude le passé, elle agit comme transmetteur d’une culture pour les générations futures. Transmettre une mémoire, transmettre des valeurs, transmettre une histoire, transmettre une culture. En ce sens, l’ouvrage généalogique assure que la mémoire soit conservée et diffusée aux générations futures. Pour terminer, voici une réflexion éloquente que nous laisse Harvey : « Au fond, le généalogiste ne reprend-t-il pas à sa manière la quête de sens à l’origine de toute culture dans un contexte de modernité, alors que les anciens repères de la tradition se sont plus ou moins effacés depuis le XIXe siècle ? » (Harvey, 2005, p. 299).

Bibliographie

Ancestry. (2016, octobre 6). Il existe 4 types de noms de famille français. Quel est le vôtre ? Consulté le 27 avril 2018, à l’adresse https://blogs. ancestry.ca/cm/il-existe-4-types-de-noms-de- famille-francais-quel-est-le-votre/

Archives et Culture / Vie quotidienne. (2018). Consulté le 27 avril 2018, à l’adresse https://www.archivesetculture.org/ histoire-de-la-vie-quotidienne

Latour, G. (2016). La méthode généalogique: à la rencontre de la sociologie, la philosophie et l’histoire, 113 p.

Québec (Province), Conseil de la famille et de l’enfance, Dumont, C., & Bitaudeau, I. (2006). Prendre en compte la diversité des familles [avis. Québec: Conseil de la famille et de l’enfance. Consulté à l’adresse http://accesbib.uqam.ca/cgi- bin/bduqam/transit.pl?&noMan=25155341

Tremblay, F. (2005). Une épouse peut-elle porter le nom de son mari? – Articles – Ressources pour tous – SOQUIJ. Consulté le 27 avril 2018, à l’adresse http://soquij.qc.ca/fr/ressources-pour-tous/ articles/une-epouse-peut-elle-porter-le-nom-de- son-mari

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