Nous entrons maintenant dans le coeur du sujet !
Après les débuts de sa carrière d’avocat à la fin de ses études classiques à Saint-Hyacinthe et son mariage avec Caroline Perrault en janvier 1868 avec laquelle il aura six enfants dont cinq vont mourir en très bas âge, ce 7e épisode de la biographie de Jérôme-Adolphe Chicoyne nous fait voir ses premiers pas dans l’oeuvre de la colonisation des Cantons-de-l’Est. C’est ainsi qu’on le retrouve rapidement à Coaticook, à Cookshire, ainsi que dans le Canton de Ditton et dans le Canton d’Emberton qui deviendront plus tard La Patrie et Chartierville.
Cette série est tirée du livre de Denis Beaulieu: »Jérôme-Adolphe Chicoyne, avocat, journaliste. agent d’immigration et de colonisation, entrepreneur, développeur, maire, député ».
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Ses premiers pas dans l’oeuvre de la colonisation
En août 1866, les 2 et 9 août, deux assemblées de formation de la Société de Colonisation de Saint-Hyacinthe se sont tenues. J.A. Chicoyne fut présent à chacune et prit une part active dans cette formation[i]. C’est ainsi qu’à l’âge de 22 ans, il s’intéressa grandement à l’œuvre de la colonisation dans la province de Québec.
En septembre 1868, il fut élu secrétaire-trésorier de la Société de Colonisation qui, en août 1869, est reconnue officiellement par le gouvernement : 26 Août – J’ai aujourd’hui reçu la charte d’une société de Colonisation en voie de formation depuis le 19 juin 1869 et dont je suis le secrétaire-trésorier, écrivit J.A. Chicoyne.
Le premier rapport annuel qu’il envoya au gouvernement, au Ministre de l’Agriculture et des Travaux publics, en tant que secrétaire-trésorier, parut dans le journal Le Courrier de St-Hyacinthe, le 31 décembre 1870. À la deuxième partie, dans ses écrits, au document # 3, nous retrouverons une transcription de ce rapport dont voici les grandes lignes.
Le 22 avril 1870, la Société avait reçu une réserve de plus de 80 lots dans le canton d’Emberton, voisin des cantons de Ditton et de Chesham, dans le comté de Compton, qu’elle devait défricher et vendre aux colons qui désiraient venir s’y installer. Ces lots, de 100 à 218 acres chacun, totalisaient 12 051 acres. Dans le document # 3, nous retrouverons la liste de ces lots.
Au mois de juin 1870, un groupe de représentants de la Société, composé de O. Chalifoux, C. Lussier, E. Brodeur et J.A. Chicoyne, alla explorer les terres du canton d’Emberton. En même temps, un groupe de la Société de Colonisation de Bagot qui allait, lui aussi, explorer les terres du canton de Ditton, se joignit au premier groupe.
Parti de Saint-Hyacinthe, le 13 juin, le groupe d’explorateurs se rendit, par train, à Coaticook pour rencontrer l’abbé Jean-Baptiste Chartier, le curé de la paroisse Saint-Edmond qui voulait lui aussi les accompagner.
Le lendemain, l’arpenteur M. Lippé se joignit à eux et tous partirent en voiture pour aller à Cookshire, rencontrer le curé Gendreau qui se joignit à eux. De là, ils se rendirent à l’hôtel d’Horace French, à l’entrée du canton de Ditton. Là, ils purent manger et dormir.
»Nous étions rendus à la mine d’or de M. Pope, située à peu près sur le lot 40 du 9ème rang de Ditton. Nous étions rendus sur les confins de la civilisation. »
J.A. Chicoyne écrivit : Le lendemain matin, 15 juin, nous nous levâmes au premier chant du coq, et au bout d’une couple d’heures nous étions rendus à la mine d’or de M. Pope, située à peu près sur le lot 40 du 9ème rang de Ditton. Nous étions rendus sur les confins de la civilisation. Le chemin est carrossable jusque là[ii]. Les explorateurs avaient parcouru une quinzaine de kilomètres, de l’hôtel à la mine d’or. Ils s’y reposèrent, prirent une bouchée et repartirent à pied, les chevaux ayant été mis dans un pâturage jusqu’à leur retour. Vers 10 heures, ils atteignirent la ligne de division entre les cantons de Ditton et d’Emberton. À l’annexe 2 du livre, nous retrouverons une carte des deux cantons. L’arpenteur Lippé ouvrit la marche et plaqua le chemin jusqu’au tracé du chemin Verchères. Après avoir atteint les bords d’une petite rivière, ils montèrent leur campement pour la nuit, plantèrent une croix et érigèrent une table d’autel sur laquelle, le lendemain, le 16 juin, jour de la Fête Dieu, le curé J.B. Chartier dit la première messe dans le canton d’Emberton, à l’endroit où le futur village de Chartierville sera érigé.
Après la messe, une partie du groupe, dont J.A. Chicoyne et l’arpenteur, visita, durant toute la journée, les différents rangs où se trouvaient les lots de la Société, baptisant, au passage, les différents cours d’eau qu’il rencontra : rivières Tétreau, Chalifoux, aux Castors.
Le lendemain, le 17 juin, les explorateurs laissèrent leur campement pour revenir vers la mine d’or. Une partie du groupe explora la partie ouest du canton et rejoignit les autres à la mine. À 3 heures de l’après-midi, tous reprirent leurs chevaux pour se rendre à Coaticook, où ils arrivèrent le lendemain, vers 6 heures du soir. En compagnie du curé J.B. Chartier qui était l’agent de colonisation pour toute la région, ils consignèrent sur papier les conclusions de cette exploration.

Emplacement de la première messe dans Emberton. Source: Denis Beaulieu, 2009.
De retour à Saint-Hyacinthe, J.A. Chicoyne termina la rédaction du rapport d’exploration qu’il signa en date du 20 juin 1870.
Au début du mois de novembre, après que le gouvernement eut tracé et ouvert les premiers chemins, la Société a pu commencer le défrichement de quelques lots. Seize acres de terrain furent défrichés et étaient prêts pour l’ensemencement.
Dans son rapport annuel, daté du 29 décembre 1870, J.A. Chicoyne insista sur l’urgence d’ouvrir et de terminer les chemins dans le canton afin que les colons puissent venir s’y installer. De plus, il prévoyait qu’au printemps suivant, la Société défricherait plusieurs lots et qu’elle encouragerait la colonisation du canton. Il termina son rapport annuel par un état financier des opérations qui totalisaient 603,63 $ de revenus, 173,16 $ de dépenses et 430,47 $ en caisse.
Vous remarquerez que dans le texte du journal, comme dans plusieurs documents de cette époque, le nom de Chicoyne est écrit avec un « i » : Chicoine. Toutefois, je vous rappelle que Jérôme-Adolphe a toujours signé Chicoyne, avec un « y ».
Dans ce rapport, J.-A. Chicoyne mentionne les noms de deux personnages : le Rév. Messire Chartier et M. Pope. Ces deux personnes méritent bien que l’on précise un peu plus qui elles étaient, car il semble bien qu’elles l’aient impressionné grandement.
Ses modèles: L’Abbé Jean-Baptiste Chartier et John Henry Pope
Le Rév. Messire Chartier était l’abbé Jean-Baptiste Chartier, curé de Coaticook et l’agent de colonisation du gouvernement pour les Cantons-de-l’Est.
L’abbé J.-B.-A. Allaire, dans son Dictionnaire du Clergé canadien-français, écrit que Jean-Baptiste Chartier était né, le 14 mai 1832, à la Présentation, dans le comté de Saint-Hyacinthe. Il était le fils de Joseph Chartier, cultivateur et de Marguerite Chenette. Il fit ses études au Séminaire de Saint-Hyacinthe et fut ordonné dans sa paroisse natale par Mgr M. Blanchet, le 12 octobre 1856. Au Séminaire, il fut professeur de 1856 à 1860 et directeur des élèves de 1860 à 1862[iii].

L’abbé Jean-Baptiste Chartier. Source: Collection de la Société d’histoire de Sherbrooke, IS4 CV 41A 1.
L’autre personnage, M. Pope, propriétaire de la mine d’or, était nul autre que John Henry Pope de Cookshire. P. B. Waite en a fait une description biographique très complète dans le Dictionnaire biographique du Canada[iv]. Voici les grandes lignes de ce texte:
John Henry Pope, naquit le 19 décembre 1819, à Cookshire, dans le canton d’Eaton. Il était le fils de John Pope et de Sophia Laberee. Le 5 mars 1845, il épousa Percis Maria Bailey et ils eurent trois enfants, dont deux parvinrent à l’âge adulte. J.H. Pope fut un fermier dont la grande ambition était d’avoir la meilleure ferme du district. En vertu de la loi de la milice de 1855, il fut nommé capitaine de la Cookshire Troop of Volunteer Militia Cavalry. J.H. Pope était un antiaméricain, et il prit fermement position contre le mouvement annexionniste qui se manifestait alors dans les Cantons-de-l’Est.
[i] CENTRE D’HISTOIRE DE SAINT-HYACINTHE. Fonds Jérôme-Adolphe-Chicoyne : CH008/000/000/008/005 : Procès-verbal de l’assemblée de formation de la Société de Colonisation de St. Hyacinthe, le 9 août 1866.
[ii] CENTRE D’HISTOIRE DE SAINT-HYACINTHE. Fonds Jérôme-Adolphe-Chicoyne : CH008/000/000/108 : Copie du journal Le Courrier de St. Hyacinthe, 31 décembre 1870, relatant le premier rapport de la Société de Colonisation No. 1 de St. Hyacinthe.
[iii] ALLAIRE J.-B.-A. abbé. Dictionnaire biographique du clergé canadien-français-Les contemporains, St-Hyacinthe, Imprimerie de « La Tribune », 1908, p. 121.
[iv] WAITE, P.B.. Pope John Henry, Dictionnaire biographique du Canada, Volume XI, 1881-1890, Toronto, University of Toronto/Université Laval, c1982, pp. 781-784.
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On en apprendra davantage sur ces deux importants personnages dans la vie de Jérôme-Adolphe Chicoyne dans notre prochain épisode.
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