Dans ce neuvième épisode, on nous parle davantage de la mine d’or de John Henry Pope, au bout du chemin du canton de Ditton.
Cette série est tirée du livre de Denis Beaulieu: »Jérôme-Adolphe Chicoyne, avocat, journaliste. agent d’immigration et de colonisation, entrepreneur, développeur, maire, député ».
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Dans son rapport de 1870, J.A. Chicoyne parle de la mine d’or de M. Pope, au bout du chemin du canton de Ditton. P.B. Waite, dans sa biographie de John Henry Pope, parle lui aussi de la mine d’or et surtout de la manière dont Pope aurait acquis les terres en question. Mais qu’était cette mine d’or ? Où était-elle située ? En quoi consistaient les travaux et les valeurs qui en ont été retirées ?
Le meilleur rapport que j’ai pu trouver pour répondre à la majeure partie de nos questions, est le document qu’a écrit, en 1936, H. W. McGerrigle, géologue pour le Service des Mines de Québec, concernant les Placers aurifères des Cantons de l’Est[i]. Il nous résume toute l’histoire de la mine d’or du canton de Ditton, jusqu’en 1935 :
Les placers ont été exploités à diverses époques le long des cours d’eau précités, et trois de ces entreprises auraient rapporté chacune plusieurs milliers de dollars. Cependant nous ne possédons que très peu de détails sur la production réelle et ils se rapportent presque entièrement au ruisseau Mining. Les renseignements suivants sur l’exploitation des placers sont résumés d’après les rapports énumérés dans la bibliographie, à la page 9 : 1 (b, c, d, g, h, j,), 2 (g, j, k, m), 3a, 6d, 9 (a, b), 10, 16b.
Les placers de Ditton ont été découverts en 1863 par un indien, Archie Anniss, qui était alors étudiant au collège de Darmouth (10). L’hon. J. H. Pope fit l’acquisition de la plus grande partie du terrain d’alluvion et il obtint, en 1868, les droits miniers sur une étendue d’environ 5,000 acres (16). Il concentra ses principaux travaux sur le ruisseau Mining, près du pont là où la route La Patrie-Chartierville le traverse. En 1866, il fit rapport (1b), qu’environ $800 d’or étaient extraits comme résultat du travail de quatre ou cinq hommes et que la plupart de cet or provenait du rang IX, lots 39 à 46, de Ditton. Le temps requis pour cette récupération n’est pas indiqué.
Ells (9a) en 1886, dit : ‘’ On prétend y avoir trouvé des pépites variant en valeur de $50 à $150 ». Sur le ruisseau Mining, que beaucoup de travaux ont été effectués jusqu’en 1886 et que « l’ont y ait obtenu une grande quantité d’or’’. Il mentionne aussi dans son rapport la présence de l’or rugueux dans des cailloux de quartz.

Chartierville. Collection Denis Beaulieu.
Pope poursuivit ses opérations pendant quinze ou vingt ans. Les rapports varient quant à la quantité d’or retirée de ses mines. Chalmers (6d) dit que Pope a récupéré $75,000 d’or du ruisseau Mining ‘’ juste en amont du pont sur le chemin qui mène de La Patrie à Chartierville’’. Cela ne s’applique, naturellement, qu’à une petite partie des travaux, mais apparemment à l’endroit le plus intensivement exploité. D’après Obalski (16b), on estime ‘’ qu’il a été extrait près de $100,000 sur une surface d’environ 2 acres et par des procédés élémentaires durant une dizaine d’années’’. Les chiffres d’Obalski et de Chalmers se rapportent probablement aux mêmes travaux sur le ruisseau Mining. Il ne nous fut pas possible d’obtenir de données officielles de la quantité d’or récupérée, mais Goodwin (10) est d’avis que ‘’ les preuves indiquent qu’elle fut d’environ $500,000. Des relevés récents démontrent que l’étendue fouillées fut de 2,200 pieds de longueur sur 100 pieds de largeur ; par conséquent les valeurs obtenues sont en moyenne de $200 par pied linéaire du cours d’eau, ou $2 par pied carré du terrain retourn’’.
L’ancienne propriété Pope a été exploitée sans méthode et sans suite depuis sa mort. Obalski (16b) rapporte qu’en 1889 trois équipes de mineurs étaient à l’œuvre sur trois petits claims et qu’elles avaient récupéré de l’un d’eux en un jour une valeur d’or de $30, y compris un morceau de $15. Les mines furent vendues à la Ditton Gold Mining Company de Toronto, en 1891. Cette compagnie fonça quelques puits et fit installer des machines juste en amont du pont sur le ruisseau Mining, mais son entreprise n’ayant pas réussi elle abandonna les travaux en 1893.
Pendant presque quarante ans, il ne s’y effectua d’ouvrage de prospection ou extraction que par des particuliers, sauf en 1910 alors que l’Alleghany’s Gold Mining Company entreprit des recherches dans le canton de Ditton. Il n’existe aucun registre officiel de leurs trouvailles. Dans le rapport du Service des Mines de 1932 (3a) on y lit : ‘’Les placers aurifères des rivières Ditton et Little Ditton (ruisseau Mining), dans le canton de Ditton, ont été l’objet de travaux de prospection et d’expériences qu’y a effectués le Gold River Syndicate qui s’était formé à cette fin. On a pratiqué sur les lots 42 et 43, rang VIII, des tranchées sur une longueur de 1,000 pieds. On fonça un puits sur le lot 42 du rang IX et perça des galeries sur une longueur de 40 pieds jusqu’au milieu de l’ancien chenal sur la roche de fond. On effectua des travaux d’excavation et des essais au sluice sur le lot 14 des rangs X et XI’’.
Goodwin, en 1933 (10), dit ce qui suit des travaux de cette compagnie : ‘’À l’été de 1931, Roy Stewart et Robert Harvie, de Montréal, s’intéressèrent à la région de Ditton (et) ils contrôlent maintenant toute la partie centrale de l’étendue alluvionnaire de Ditton’’. En 1932 Harvie retraça le lit du cours d’eau préglaciaire le long de la partie inférieure de la vallée du ruisseau Mining. En 1933, Stewart et Harvie organisèrent la Gold River Mining Company, Limited, en vue d’exploiter les placers.
Il ne s’est fait véritablement que du lavage aux sluices pendant une partie de la saison de 1933 sur le ruisseau Mining, à quelques centaines de pieds en amont du pont (route La Patrie-Chartierville). Il n’y eut aucune exploitation en 1934 et 1935 et quelques travaux de développement seulement. Quelques-uns des lots fouillés comme concessions minières individuelles ont été remis à la succession Pope, alors que les autres sont détenus par Harvie.
La mine du ruisseau Mining fut opérée jusqu’au début des années 1940, puis fut abandonnée. Toutefois, tous les terrains sont encore sous baux miniers (claims). Tous les anciens de Chartierville se rappellent encore de la mine et de leurs pères ou de leurs grands-pères qui y ont travaillé. D’ailleurs un petit musée a été installé près du ruisseau Mining afin de garder vivant le souvenir de cette mine et des hommes qui y ont travaillé.
Voilà deux hommes qui ont sûrement impressionné J.A. Chicoyne : un colonisateur, l’abbé Chartier, et un grand homme d’affaires et un politicien réputé, J.H. Pope. J.A. Chicoyne n’a pas mis beaucoup de temps à les imiter. À partir de 1872, il devient, lui aussi, un colonisateur et un homme d’affaires; une nouvelle carrière s’ouvrit devant lui.
Mais pour combien de temps ?
[i] MCGERRIGLE, H.W.. Placers aurifères des Cantons de l’Est, dans : Rapport annuel du Service des Mines de Québec pour l’année 1935, Partie E, Québec, Ministère des Mines et des Pêcheries, 1936, pp. 23-25.
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Dans le prochain épisode, l’histoire se déplace vers Saint-Hyacinthe et Montréal où J.A. Chicoyne est assigné comme agent d’immigration et de colonisation.
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