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La biographie de Jérôme-Adolphe Chicoyne – Épisode 13

Dans ce treizième épisode de notre série sur la biographie de J.A. Chicoyne, ancien maire de Sherbrooke à la fin du 19e siècle, on fait connaissance avec son ami, l’Abbé Victor Chartier, premier curé de La Patrie.

Le diocèse de Sherbrooke vient juste d’être créé en 1874 et Monseigneur Antoine Racine, évêque du nouveau diocèse, facilite les choses pour la venue de l’abbé Chartier dans cette nouvelle contrée à développer.

Cette série est tirée du livre de Denis Beaulieu:  »Jérôme-Adolphe Chicoyne, avocat, journaliste. agent d’immigration et de colonisation, entrepreneur, développeur, maire, député ».

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Temps de lecture estimé – 12 minutes

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SON AMI, L’ABBÉ VICTOR CHARTIER, PREMIER CURÉ DE LA PATRIE

Comme dans toute colonie ou lors du développement d’un nouveau village, en plus de la question de la formation de la municipalité, il y a la question de la fondation de la paroisse. Dans plusieurs cas au Québec, pour ne pas dire la majorité des cas, la paroisse fut fondée avant l’incorporation du village. C’est ainsi que plusieurs villages furent nommés du même nom que le nom de la paroisse, tel que Saint-Malo, Notre-Dame-des-Bois, Saint-Herménégilde, Sainte-Edwidge, Saint-Austin, Saint-Julien et bien d’autres, tant en Estrie qu’ailleurs au Québec.

Ainsi, J.A. Chicoyne se préoccupa de cette question dès les débuts de la colonie. De plus, il en discuta sûrement avec l’agent de colonisation pour les Cantons-de-l’Est, l’abbé Jean-Baptiste Chartier, le curé de Coaticook. Tous deux venaient de Saint-Hyacinthe et tous deux cherchaient dans leurs connaissances laquelle pouvait venir prendre charge de cette nouvelle paroisse.

Le 4 juin 1875, Mgr Antoine Racine, le premier évêque du nouveau diocèse de Sherbrooke qui venait d’être érigé un an plus tôt, vint à La Patrie constater la situation en vue de former une nouvelle mission et choisit l’emplacement de la première chapelle. Le 10 août 1875, il écrivit aux fidèles de La Patrie qu’il venait de décréter que la nouvelle mission serait placée sous le patronat et le vocable de Saint-Pierre[1].

Donc, dès l’été 1875, il s’agit alors de trouver un prêtre qui viendrait prendre la cure de La Patrie. J.A. Chicoyne, probablement à la suggestion du curé J.B. Chartier, prit contact avec l’abbé Victor Chartier, le frère du précédent et son ami de collège à Saint-Hyacinthe. Le 16 octobre 1875, l’abbé Victor Chartier écrivit à J.A. Chicoyne pour lui donner ses impressions et lui parler d’un futur docteur et d’un futur notaire[2] :

St-Simon Bagot; 16 octobre 1875

Mon cher ami,

J’ai reçu avec plaisir ta lettre datée du onze courant. Je venais de recevoir de tes nouvelles par madame Chicoyne que j’avais vue à St-Hyacinthe; elle m’a paru remplie de courage. Quant à moi, si Dieu conduit les événements pour que j’aille à La Patrie, je ne veux pas m’y objecter, mais je ne puis pas m’empêcher de te déclarer dans l’intimité que plus j’y songe, plus je crains de n’être pas apte à la tâche qui attend le Missionnaire de Ditton. Mr. L’Administrateur me laisse toujours libre de quitter le diocèse de St-Hyacinthe, cependant il m’insinuait hier que les braves colons de La Patrie pourraient trouver l’homme providentiel dans un prêtre qui a fait une promesse de consacrer sa vie aux Missions, le prêtre, qu’il ne m’a pas nommé, serait disponible cet automne. Il se fait beaucoup de prières de ce temps-ci pour demander que la Sainte volonté de Dieu se fasse; ayons confiance que les prières seront écoutées et que personne n’aura de reproche à se faire, chacun agissant pour le mieux.

J’irai si tu continues à penser que je puis faire quelque bien dans Ditton. Si l’offre de ce prêtre généreux, dont je te parlais il y a un instant peut te convenir, fais-moi le savoir et je ferai connaître la chose à Messire Moreau, et beaucoup ici seront contents de la tournure qu’auront pris les affaires.

Quoiqu’il advienne à la fin, je m’intéresse vivement au sort de La Patrie. J’ai vu le Dr Talbot, il brûle d’aller à Ditton pour la raison qu’il espère obtenir un lot, qu’il entend défricher lui-même, car c’est un petit homme à muscles d’acier; c’est l’inaction qui le fait partir de St-Judes. Ne pouvant pas avoir de Médecin marié, je ne crois pas qu’il soit possible de trouver quelqu’un mieux doué que le Dr Talbot, bon médecin, bon chrétien, ne buvant que de l’eau pure; voilà ce qu’il est.

Ainsi il est prêt à partir aussitôt qu’il saura que tu lui as obtenu un lot dans une position assez commode pour l’exercice de sa profession.

J’ai vu aussi le Notaire Lessard, qui sera prêt à aller se fixer à La Patrie aussitôt qu’il y aura une école; il offre les services de sa femme et même les siens pour l’enseignement espérant se faire une position.

Rien n’est venu de Rome, je commence à perdre l’espoir d’obtenir la cloche de St-Simon; certains gros bonnets paraissent vouloir s’opposer à vos projets.

Toutes nouvelles de La Patrie seront toujours reçues dans le plus grand intérêt par ton meilleur ami.

V. Chartier ptre

Un mois plus tard, le 15 novembre 1875, Mgr Antoine Racine écrivit à J.A. Chicoyne[3] :

Sherbrooke, 15 Nov. 1875

Mon cher Monsieur,

Je viens de recevoir de Monseigneur L.Z. Moreau, Évêque élu de St-Hyacinthe, que Mr Chartier sera libre la semaine prochaine et qu’il pourra se mettre en route pour la « Patrie ». Deo gratias !

Je m’empresse de vous communiquer cette nouvelle qui doit vous réjouir et qui portera la joie dans les cœurs des braves colons de Ditton.

J’écris de suite à Mr Chartier, Vic. à St-Simon, afin de le presser et de connaître quel jour il sera à Sherbrooke. Je vous avertirai dès que j’aurai la date de son arrivée.

Travaillez toujours comme un bon patriote, ouvrez le chemin qui conduit à Piopolis, emparons-nous du sol, et profitons des avantages qui nous sont offerts par le gouvernement.

Votre très dévoué

†Antoine, Évêque de Sherbrooke

À Mr Chicoine

« La Patrie »

Mgr Moreau a reçu de Rome la nouvelle de sa promotion à l’évêché de St-Hyacinthe.

Trois jours plus tard, Mgr Racine écrivit de nouveau à J.A. Chicoyne pour lui annoncer l’arrivée du premier curé résident de La Patrie[4] :

Sherbrooke, 18 Nov. 1875

Monsieur,

Je viens de recevoir une lettre de Mr Victor Chartier qui m’annonce qu’il sera à Sherbrooke, le premier décembre d’où il partira le lendemain pour Cookshire et Ditton.

Ainsi, dans une quinzaine de jours, « La Patrie » aura son curé résident.

Mr V. Chartier espère que la paroisse de St-Simon lui fera cadeau de son ancienne cloche.

Comme tous les effets de culte que le nouveau curé emportera avec lui pour la colonie, entraîneront quelques dépenses, j’espère que Mr l’Agent de la colonisation, s’il le peut, couvrira ces dépenses.

Il faudra que quelques voitures de Ditton soient à Cookshire le deux décembre, vers neuf heures, pour le Curé et les effets qu’il emportera avec lui. Mr V. Chartier espère emporter divers objets pour le culte.

Maintenant prenez patience en attendant votre bon curé. Je souhaite que la paix de N. S. Jésus-Christ soit avec vous tous.

Votre très dévoué

†Antoine, Évêque de Sherbrooke

Qui était l’abbé Victor Chartier, le premier curé de la mission et de la paroisse Saint-Pierre de La Patrie ?

L’abbé Victor Chartier[5] (Collection privée Andrée Benoît et Richard Flibotte)

Au sujet de l’abbé Victor Chartier, l’abbé Allaire écrivit[6] :

CHARTIER (L’abbé Victor), né à la Présentation, comté de Saint-Hyacinthe, le 28 juillet 1845, de Joseph Chartier, cultivateur, et de Marguerite Chenette, fit ses études à Saint-Hyacinthe, moins sa dernière année de théologie à Iberville; fut ordonné à Saint-Hyacinthe par Mgr C. Larocque, le 1 mars 1868. Vicaire à Saint-Jude (1868-1872), à Saint-Simon-de-Bagot (1872-1875); premier curé de La Patrie (1875-1880), où il a bâti un presbytère et commencé une église; en même temps de 1875 à 1880, missionnaire à Notre-Dame-des-Bois et à Chartierville, endroits où il a construit des chapelles; curé de Sainte-Madeleine (1880-1902), de Saint-Hugues (1902-1908); retiré au séminaire de Saint-Hyacinthe (1908-1918).

D’une belle réserve, d’une régularité remarquable, d’une grande bonhomie, il sut partout plaire et rendre service; il a été particulièrement le modèle du bon curé de campagne, ami constant de la paix et excellent conseiller. Comme il connaissait bien chacune de ses familles et s’intéressait vivement à leur bonheur ! Il s’est doucement éteint au séminaire de Saint-Hyacinthe, après vingt-quatre heures seulement de maladie, le 15 octobre 1918.

Toutefois, ce ne fut que le 21 janvier 1878 que Mgr Racine décréta l’érection canonique de la paroisse Saint-Pierre de La Patrie[7] et le 3 octobre 1889 que le lieutenant-gouverneur de la province de Québec érigea civilement la paroisse.

En décembre 1875, la femme de Jérôme-Adolphe Chicoyne quitta Saint-Hyacinthe avec sa petite fille, Émélie, et vint s’établir dans les Cantons-de-l’Est, à La Patrie, sur la terre et dans la maison que son mari avait achetées au mois de septembre. Comme il lui avait dit dans sa lettre du 27 septembre, le curé demeura avec eux jusqu’à ce que le premier presbytère soit construit, en 1876.

Le curé Victor Chartier quitta la cure de La Patrie au mois de décembre 1880 et l’abbé François Desrosiers vint le remplacer et y fut curé jusqu’en 1888.

Le curé François Desrosiers[8] (Collection privée Andrée Benoît et Richard Flibotte).

La Patrie en 1878 : la première chapelle construite en 1873 et le presbytère construit en 1876 (Collection René-Brochu, La Patrie).


[1] REGROUPEMENT DES ARCHIVES DU SÉMINAIRE DE SHERBROOKE ET DE L’ARCHIDIOCÈSE DE SHERBROOKE. Correspondance de l’évêque, en date du 10 août 1875, 2 p.

[2] CENTRE D’HISTOIRE DE SAINT-HYACINTHE. Fonds Jérôme-Adolphe-Chicoyne : CH008/000/000/005.021 : 16 octobre 1875, lettre de l’abbé Victor Chartier à J.A. Chicoyne. 4 p.

[3] CENTRE D’HISTOIRE DE SAINT-HYACINTHE. Fonds Jérôme-Adolphe-Chicoyne : CH008/000/000/005.024 : 15 novembre 1875, lettre de l’évêque de Sherbrooke, Antoine Racine, adressée à Jérôme-Adolphe Chicoyne et portant sur la nomination de l’abbé Victor Chartier à Ditton. 2 p.

[4] CENTRE D’HISTOIRE DE SAINT-HYACINTHE. Fonds Jérôme-Adolphe-Chicoyne : CH008/000/000/005.025 : 18 novembre 1875, lettre de l’évêque de Sherbrooke, Antoine Racine, adressée à Jérôme-Adolphe Chicoyne et portant sur l’installation de l’abbé Victor Chartier à Ditton. 3 p.

[5] Andrée Benoît et Richard Flibotte, collection privée, Saint-Hyacinthe, (Photo tirée de l’album personnel de J.A. Chicoyne, p. 37).

[6] ALLAIRE J.-B.-A. abbé. Le clergé canadien-français – Revue mensuelle – Nos prêtres anciens et actuels, Saint-Hyacinthe, Volume 1, numéro 3, mars 1919, p. 53-54

[7] REGROUPEMENT DES ARCHIVES DU SÉMINAIRE DE SHERBROOKE ET DE L’ARCHIDIOCÈSE DE SHERBROOKE. Décret d’érection canonique, le 21 janvier 1878, évêché de Sherbrooke.

[8] Andrée Benoît et Richard Flibotte, collection privée, Saint-Hyacinthe, (Photo tirée de l’album personnel de J.A. Chicoyne, p. 15).

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Dans le prochain épisode, ce sera la fin de son mandat d’agent de colonisation.

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