Dans ce nouvel épisode, ce sera la fin du mandat d’agent de colonisation pour J.A. Chicoyne. Il devient aussi le premier maire des Cantons unis de Ditton, Chesham et Clinton en 1876.
Cette série est tirée du livre de Denis Beaulieu: »Jérôme-Adolphe Chicoyne, avocat, journaliste. agent d’immigration et de colonisation, entrepreneur, développeur, maire, député ».
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LA FIN DE SON MANDAT D’AGENT DE COLONISATION
Le 14 février 1876, lors d’une assemblée publique convoquée par le préfet du comté de Compton, les premiers représentants municipaux des Cantons unis de Ditton, Chesham et Clinton furent choisis[1]. C’est ainsi que, le 29 février 1876, J.A. Chicoyne fut élu premier maire de la municipalité des Cantons unis. Il le resta jusqu’au mois de mars 1878[2].
Toutefois, dès le mois d’avril 1876, J.A. Chicoyne écrivit au Commissaire de l’Agriculture pour l’informer de ses réalisations et de ses projets pour l’avenir, puisque son mandat se terminerait bientôt.[3]
À la deuxième partie du livre, dans ses écrits, au document # 5, nous retrouvons une transcription du manuscrit de la lettre de J.A. Chicoyne. Voici les grandes lignes de sa lettre. Il expliqua au Commissaire de l’Agriculture qu’il était venu s’installer à La Patrie sur un lot qu’il entendait défricher et cultiver lui-même et qu’il avait mis en vente sa propriété de Saint-Hyacinthe. Il lui dit qu’il avait fait construire un grand hangar pour entreposer les grains qu’il avait achetés, en vue de les revendre aux colons, et qu’il avait acheté une certaine quantité de billots qu’il fera scier et qu’il vendra pour la construction des bâtisses. Le grand projet qu’il voulait réaliser était de former une Compagnie au capital de $10 000 pour construire un moulin à scie et transformer son hangar en un grand magasin général. Finalement, il lui disait que, selon lui, dans deux mois il ne resterait plus de lots à vendre et son travail serait terminé. Ainsi, il devait prévoir son avenir et demandait au Commissaire si celui-ci avait des objections quant à ses projets.
Le 12 mai suivant, l’assistant du Commissaire, S. Lesage, lui répondit d’un ton plutôt sec et laconique[4] :
Département de l’Agriculture et des Travaux Publics
Québec, 12 Mai 1876
Monsieur,
Je suis chargé par l’honorable Commissaire d’accuser réception de votre lettre du 29 Avril dernier dans laquelle vous désirez savoir si le Gouvernement a objection à ce que vous formiez une Compagnie Commerciale pour construire une scierie et ouvrir un magasin de provisions, etc.
En réponse à votre demande je dois vous dire que le Gouvernement ne voit aucune objection à la mise à exécution de vos plans, surtout maintenant que d’après les termes mêmes de votre lettre, votre mission est à la veille d’être terminée puisque dans deux mois il n’y aura plus de lots à prendre dans votre canton.
J’ai l’honneur d’être
Monsieur,
Votre très obéissant serviteur
S. Lesage
J.A. Chicoyne Ecr.
Agent d’Implantation
Assistant commissaire, La Patrie
Tout au cours de l’été 1876, J.A. Chicoyne s’occupa ardemment à installer les derniers colons sur les quelques lots qui restaient encore disponibles et entreprit l’ouverture et l’achèvement des chemins de communications et le défrichement de Woburn.
Le 25 septembre 1876, J.A. Chicoyne reçut des ordres de Québec, S. Lesage lui envoya cette lettre[5] :
Département de l’Agriculture et des Travaux Publics
Québec, 25 septembre 1876
Cher M. Chicoyne
À la suite d’un assez long entretien sur votre colonie, ie avec l’Hon. Premier, j’ai reçu instruction de vous dire de suspendre jusqu’à nouvel ordre tout ce que vous pourriez avoir de commencé pour Woburn, soit route soit défrichement. Il faut aussi suspendre pour le moment les travaux du chemin du Dépôt. Le seul chemin que nous nous proposons de faire maintenant est celui qui doit relier la route de Chesham avec le chemin Bury-Mégantic. Lorsque l’Hon. Premier ira visiter le chemin Bury-Mégantic (aussitôt qu’il sera terminé) il vous donnera des instructions pour prolonger la route de Chesham, à travers Marston, jusqu’à l’endroit où elle rencontre le chemin Bury-Mégantic.
Nous partons de Montréal le 27 pour Philadelphie M.M. de Boucherville, Raps, Garneau, Baker et moi. Nous serons de retour vers le 12.
Si vous avez encore besoin d’argent adressez vous à M. Gagnon notre secrétaire, mais soyez aussi modéré que possible.
Bien à vous,
S. Lesage
À la lecture de ces nouveaux ordres, J.A. Chicoyne sentit bien que le début de la fin était proche. En effet, le 31 octobre suivant, le Gouvernement mit fin à l’Acte de Repatriement[6]. Parce que trop onéreuse et plus ou moins efficace, la loi sur le rapatriement fut abolie après moins de deux ans d’opération. Pourtant la loi avait fait ses preuves et tout le canton de Ditton était développé et les cantons de Chesham et d’Emberton étaient passablement défrichés.
À partir de ce moment, J.A. Chicoyne n’était plus « l’agent de colonisation », son contrat prit fin avec le gouvernement. Toutefois, il demeura à La Patrie où il continua d’assumer ses fonctions de Juge de paix et de maire. En tant que maire de la municipalité des Cantons unis de Ditton, Chesham et Clinton, il n’échappa pas aux petites polémiques partisanes qui visaient à le dénigrer. Dans plusieurs articles du journal Le Progrès de l’Est et dans plusieurs lettres au rédacteur du Pionnier de Sherbrooke, les gens attaquaient son patriotisme, son dévouement et son « œuvre de la colonisation ».

J.A. Chicoyne, maire des Cantons unis (Collection privée Andrée Benoît et Richard Flibotte).
Jamais J.A. Chicoyne n’a mis à exécution ses projets de scierie et de magasin général, il se contenta d’exercer sa profession d’avocat et de Juge de paix, et peut-être de cultiver son jardin, en compagnie de sa femme et de sa fille.
Une de ses principales occupations à La Patrie, au cours de cette période, fut l’achat et la vente de lots et de terrains, avec ou sans bâtisses, maisons et dépendances. En effet, lors de l’expropriation des terrains requis pour les rues du village de La Patrie, en janvier 1878, on constate que J.A. Chicoyne était propriétaire d’une vingtaine de lots dans le village. Il était un propriétaire foncier important du village, l’un des sept propriétaires touchés par l’expropriation. Les six autres propriétaires étaient Alfred Gendreau, Jean-Baptiste Rousseau, Léon Rancourt, Alexis Bourret, Jean-Baptiste Gagnon et la Corporation Épiscopale[7].
J.A. Chicoyne a toujours fait le négoce de lots et de terrains à Saint-Hyacinthe, à La Patrie et à Mégantic. Dans les bureaux de la Publicité des droits de ces diverses municipalités, les anciens bureaux d’enregistrement, nous avons retrouvé une foule de contrats à son nom, soit pour l’achat, soit pour la vente, « d’emplacements » comme il est généralement écrit.
Ainsi, en 1877 et 1878, il demeura avec sa famille à La Patrie. Sa femme Caroline semblait reprendre des forces et sa santé s’était grandement améliorée. Sa petite fille, Émélie, maintenant âgée de quatre ans, faisait l’objet d’une grande attention de la part de ses parents, de crainte de la perdre comme les autres enfants précédents.
[1] COMITÉ DU 125eDE LA PATRIE. op. cit., p. 58.
[2] SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DES CANTONS DE L’EST. Les maires de Sherbrooke 1852-1982, Sherbrooke, Société d’histoire des Cantons de l’Est, 1983, p. 87.
[3] CENTRE D’HISTOIRE DE SAINT-HYACINTHE. Fonds Jérôme-Adolphe-Chicoyne : CH008/000/000/003.016 : 29 avril 1876, document contenant une correspondance de Jérôme-Adolphe Chicoyne adressée à C.B. de Boucherville, Commissaire de l’Agriculture et des Travaux Publics, et portant sur les projets futurs de J.-A. Chicoyne. 3 p.
[4] CENTRE D’HISTOIRE DE SAINT-HYACINTHE. Fonds Jérôme-Adolphe-Chicoyne : CH008/000/000/003.022 : 12 mai 1876, lettre de S. Lesage à J.A. Chicoyne concernant la réponse du gouvernement à ses projets futurs, 1 p.
[5] CENTRE D’HISTOIRE DE SAINT-HYACINTHE. Fonds Jérôme-Adolphe-Chicoyne : CH008/000/000/003.021 : 25 septembre 1876, lettre de S. Lesage à J.A. Chicoyne concernant l’arrêt des travaux de développement des chemins, 1 p.
[6] BROCHU Claude et FORGET Bernard. Projet Aménagement touristique et Embellissement (Historique de La Patrie), Équipe « Perspectives-Jeunesse » de La Patrie, La Patrie, 1972, p. 35.
[7] CENTRE D’HISTOIRE DE SAINT-HYACINTHE. Fonds Jérôme-Adolphe-Chicoyne : CH008/000/000/002.004 : 25 janvier 1878, document contenant l’acte d’expropriation des terrains requis pour la mise en place des rues du village de La Patrie. 6 p.
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Dans le prochain épisode, J.A. Chicoyne diversifie ses activités et se rapproche de Sherbrooke.
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