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La biographie de Jérôme-Adolphe Chicoyne – Épisode 19

C’est en France que J.A. Chicoyne réussit à rencontrer plusieurs personnes qui réalisèrent, par la suite, deux grands établissements dans la région des Cantons-de-l’Est : la Trappe de Bethléem, à La Patrie et La Compagnie de Colonisation et de Crédit des Cantons de l’Est, à Woburn et Mégantic. Sans en faire un historique exhaustif, les quelques prochains épisodes tracent les grandes lignes de ces deux établissements dans lesquels J.A. Chicoyne joua un rôle majeur.

L’épisode 19 de la biographie de J.A. Chicoyne commence à raconter l’histoire de la Compagnie de Colonisation et de Crédit des Cantons de l’Est, à Woburn et Mégantic.

Cette série est tirée du livre de Denis Beaulieu:  »Jérôme-Adolphe Chicoyne, avocat, journaliste, agent d’immigration et de colonisation, entrepreneur, développeur, maire, député ».

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Temps de lecture estimé – 12 minutes

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SA DIRECTION DE LA COMPAGNIE DE COLONISATION ET DE CRÉDIT DES CANTONS DE L’EST

Lors de son voyage en Europe, en 1880, Chicoyne devait recruter des colons français et belges pour les terres qui avaient été concédées à la Société de Colonisation de Sherbrooke dans le canton de Woburn, au sud du lac Mégantic. Mais il consacra peu de temps à cette mission officielle[1]. En fait, il chercha davantage à intéresser des investisseurs français aux projets qu’il avait conçus pour Woburn : l’implantation d’une scierie, l’implantation d’un magasin général et l’établissement de colons sur les terres.

Dans son article : Les investisseurs français et le nationalisme canadien-français, John I. Little nous relate l’historique complet de la Compagnie de Colonisation et de Crédit des Cantons de l’Est qui exista de 1881 à 1893. Monsieur Alphonse Cauchon, qui était membre de la Société Historique des Cantons de l’Est, maintenant la Société d’histoire de Sherbrooke, écrivit, en 1936, une brochure qui relatait elle aussi l’histoire de cette compagnie qu’on appelait à cette époque La Compagnie nantaise[2]. En 1975, Jean Bourque, dans sa chronique HISTOIRE par les TEXTES qui paraissait dans le journal L’Écho de Frontenac de Lac-Mégantic, publia l’intégrale de la brochure d’Alphonse Cauchon.

John I. Little écrit[3] :

À Paris, il rencontra G. Mollat, avocat et directeur du journal conservateur L’Espérance du Peuple, qui l’amena à Nantes afin de le présenter au notaire Adolphe Bécigneul et à son oncle Eugène-Marie Peigné. Ce dernier, missionnaire de l’Ordre de l’Immaculée-Conception, avait hérité de la fortune de son père, un marchand de céréales, et projetait de consacrer ses biens à une cause méritoire. Il invita Chicoyne à l’accompagner à Lourdes, où il devait conduire un pèlerinage, et à lui exposer tous les détails de son projet, en cours de route. Le plaidoyer de Chicoyne fut suffisamment fort et patriotique pour convaincre Peigné d’avancer les fonds nécessaires ($20 000.) à la fondation d’une compagnie de colonisation. La seule condition posée par l’abbé Peigné était que son neveu, Eugène Bécigneul (le fils d’Adolphe), accompagnât Chicoyne au Canada pour l’aider à administrer les affaires de la nouvelle société.

De son côté, Alphonse Cauchon écrivit dans sa brochure[4] :

Une société fut fondée à Nantes, sous le nom de La Société de Colonisation des Cantons de l’Est, et un bureau de direction fut constitué comme suit : M. Charles Paumier, ancien notaire, président; MM. Raphael de  la Bégassière, Adolphe Bécigneul, le R.P. Peigné, censeurs; MM. G. Mollat et Adolphe Langlais, administrateurs.

Les 20 000 $ furent remis à J.A. Chicoyne et Eugène Bécigneul le suivit au Canada.

C’est ainsi que lors du retour de J.A. Chicoyne à La Patrie, en compagnie du Père Jérôme et d’Eugène Bécigneul, le journal Le Pionnier de Sherbrooke consacra, le 5 novembre 1880, un long article à son retour triomphal, vantant le dévouement et le patriotisme de J.A. Chicoyne. Il faut dire que c’est son ami, le notaire Élisée Noël, qui écrivit l’article[5].

Dès le mois de décembre, pour le compte de la Compagnie, J.A. Chicoyne acheta de Lemuel Pope qui était le cousin germain du tout-puissant John Henry Pope, député fédéral de Compton et ministre de l’Agriculture, 4 628 acres de terres dans le canton de Woburn, au prix de trois dollars l’acre. Ces terres devaient constituer le ‘’Domaine’’. Au mois d’avril 1881, il acheta, de nouveau dans le canton de Woburn, 9 449 acres de terres de la couronne. John I. Little écrit[6] :

Ces terres jointes à la lisière acquise de Pope suffisaient pour le moment. Il s’agissait maintenant de donner au projet toute la publicité nécessaire. À cette fin, Chicoyne assuma la direction du ‘’Pionnier de Sherbrooke’’. Après neuf mois, il trouva ‘’un bon breton’’ du nom de Pingault pour le remplacer, mais celui-ci passa vite au camp ennemi du ‘’Progrès’’.

Pendant la même période, Chicoyne réussit à transformer la société de colonisation de Mgr Racine en une sorte de filiale de la compagnie, s’en servant comme d’une façade à Québec dans le but d’obtenir des octrois pour une nouvelle route dans Woburn.

Ainsi, J.A. Chicoyne fut rédacteur en chef du Pionnier, du mois de juin 1881 jusqu’au 5 janvier 1882, et c’est Émile Pingault qui le remplaça le 12 janvier jusqu’au 28 décembre 1882. Il utilisa Le Pionnier afin de promouvoir la compagnie de colonisation et le développement des affaires dans la région du lac Mégantic.

Le 13 juin 1881, la Législature provinciale sanctionnait l’acte par lequel était incorporée La Compagnie de Colonisation et de Crédit des Cantons de l’Est.

John I. Little écrit[7] :

Comme directeur général, Chicoyne était en charge des opérations locales, mais aucune décision ou résolution d’importance ne pouvait être effective sans l’assentiment d’au moins deux des trois censeurs, élus chaque année. Le siège social de la compagnie étant à Sherbrooke, la majorité des administrateurs résidaient dans les Cantons de l’Est, ce qui assurait un large contrôle au niveau local.

Les neuf membres du premier bureau de direction (où figurait Chicoyne comme vice-président) étaient tous des notables des Cantons de l’Est ou de Nantes :

Charles Paumier (Président) – Ancien notaire à Nantes

J.-A. Chicoyne (Vice-président) – Avocat de Sherbrooke

M.-G. Mollat – Avocat de Nantes

Adolphe Langlais – Arbitre de commerce à Nantes

Jacques Picard – Propriétaire de terres à Wotton et notaire; Député provincial de Richmond-Wolfe

H.-C. Cabana – Avocat et ex-maire de Sherbrooke

Élisée Noël – Notaire de Sherbrooke et agent de colonisation du gouvernement provincial

William Murray – Homme d’affaires sherbrookois et vice-président de la Compagnie Typographique, propriétaire du Pionnier

Eugène Bécigneul – Assistant directeur.

À l’été de 1881, J.A. Chicoyne alla à Nantes pour présenter ses prévisions de dépenses et tenter de faire augmenter le capital de la compagnie. Il réussit à le faire porter à 50 000 $. À la fin du mois de septembre, il était de retour à Sherbrooke et les 20 000 $ investis par le révérant Père Peigné avaient déjà été dépensés en achats de lots et en travaux d’aménagement. Toutefois, la vente des nouvelles actions amena de nouveaux capitaux à la compagnie. John I. Little écrit[8] :

Cette entrée de capitaux donna à Chicoyne toute latitude. Non seulement voulut-il réaliser son programme, mais il élargit ses objectifs. Au lieu d’établir la scierie à Channay, tel que prévu, il décida de la construire au terminus du chemin de fer, au lac Mégantic. Pour un montant de $17 280, il acheta 37 acres de terres, dont 12 pour la scierie et 25 pour la spéculation. Il acheta aussi 106 acres à l’embouchure de la rivière Arnold afin d’y aménager un quai pour le vapeur qui devait remorquer les billes flottantes, depuis Woburn jusqu’à la scierie du lac Mégantic. S’étant engagé à fournir plus de deux millions de pieds de bois, Chicoyne commença la construction d’un moulin qui ne devait pas être un moulin à scie ordinaire. L’usine à vapeur et la scie circulaire devaient à eux seuls coûter $13 500. De plus, on devait ajouter un assortiment d’autres scies, afin de pouvoir utiliser tout le bois provenant du défrichement. Enfin, le bâtiment devait abriter un moulin à farine de $5 000. Malheureusement, l’avenir allait démontrer qu’un investissement aussi considérable comportait trop de risques.

En avril (1882), quand Chicoyne organisa l’arrivée de pionniers dans Woburn, il y eut transfert à sa compagnie de 2 000 acres de terres de la Couronne provenant de la réserve de la Société de colonisation de Sherbrooke. Ces terres devaient servir de pâturage pour une fabrique de fromage suisse, qui, à son tour, servirait de marché à la production laitière dans Woburn. Chicoyne envisageait aussi la construction à Channay d’une petite scierie à l’usage des colons.

Photo de Mégantic prise au début de 1900. À l’extrême gauche, on aperçoit la cheminée des Moulins nantais. Source: Bibliothèque municipale de Lac-Mégantic, collection privée.

À Mégantic, lorsqu’on parlait du moulin à scie, du moulin à farine et du magasin de la compagnie, on parlait des Moulins nantais ou de la Compagnie nantaise. Dans le canton de Woburn, lorsqu’on parlait de Channay, on parlait du village qui plus tard fut rebaptisé Saint-Augustin-de-Woburn. Le nom de Channay fut donné en souvenir du village de Channay en France, d’où venaient les ancêtres de J.A. Chicoyne.


[1] LITTLE, John I. op. cit. p. 21

[2] CAUCHON, Alphonse. Lac Mégantic – La Compagnie nantaise – Le chemin de fer 1879-1939, Causeries devant la Société Historique de Sherbrooke, le 18 mai 1936, Imp. Le Messager, Sherbrooke, 29 p.

[3] LITTLE, John I. op. cit. p. 21.

[4] CAUCHON, Alphonse. op. cit. p. 3.

[5] Le Pionnier, Sherbrooke, Le mérite reconnu, 5 novembre 1880.

[6] LITTLE, John I. op. cit. p. 26.

[7] LITTLE, John I. op. cit. p. 23.

[8] LITTLE, John I. op. cit. pp. 28-29.

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L’épisode 20 continuera de raconter l’histoire de la Compagnie de Colonisation et de Crédit des Cantons de l’Est, à Woburn et à Mégantic.

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