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La biographie de Jérôme-Adolphe Chicoyne – Épisode 21

L’épisode 21 continue de raconter l’histoire de la Compagnie de Colonisation et de Crédit des Cantons de l’Est, à Woburn et à Mégantic. Les choses tournent mal et c’est la fin de l’implication de Chicoyne dans la compagnie. Cependant, cela n’empêchera pas la faillite.

Il deviendra ensuite maire de Mégantic en 1886 mais ce sera un mandat de très courte durée.

Cette série est tirée du livre de Denis Beaulieu:  »Jérôme-Adolphe Chicoyne, avocat, journaliste, agent d’immigration et de colonisation, entrepreneur, développeur, maire, député ». Elle compte 31 épisodes, échelonnés jusqu’à la fin du mois d’avril.

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Temps de lecture estimé – 11 minutes

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Au début de 1885, J.A. Chicoyne entreprit son quatrième voyage en Europe. Mais à son retour, ce fut le début de la fin. Voici comment John I. Little explique les événements qui ont amené J.A. Chicoyne à démissionner de la compagnie[1] :

Les opérations de coupe et de sciage du bois étaient forcément réduites en hiver. Chicoyne pouvait donc s’absenter pour six mois pendant cette saison sans nuire au bon fonctionnement de la compagnie. Il demanda et obtint une subvention fédérale pour un voyage en Suisse, où il pourrait recruter d’autres fromagers immigrants. Mais le but réel de son déplacement en Europe était de stimuler le développement de la compagnie en convainquant l’abbé Peigné d’autoriser une nouvelle émission d’actions. Il y parvint sans difficulté : à elle seule, une riche connaissance de Peigné était prête à investir $50 000.

On pouvait croire que la compagnie allait connaître des jours meilleurs, mais la malchance s’acharnait sur Chicoyne. Soudainement, les actionnaires de Sherbrooke lui retirèrent leur appui en soumettant un rapport spécial. Dans ce rapport, ils accusaient Chicoyne d’avoir délibérément placé la compagnie dans une position financière précaire en retirant tous les fonds avant son départ pour l’Europe.

Les faits auxquels réfère ce rapport spécial, Chicoyne les a ainsi rapportés. Dans le rapport du 25 novembre 1884, il aurait voulu insister sur le fait que de nouveaux fonds étaient promptement nécessaires. Mais les autres directeurs soutenaient que l’entreprise pouvait survivre, même difficilement, sans une nouvelle injection de capitaux. Pour sauver la paix, Chicoyne avait abdiqué, mais il avait fait tout en son pouvoir pour procéder à une nouvelle demande de fonds en France. Avec le temps, les directeurs sherbrookois avaient réalisé toute la gravité de la situation. Dans le but de masquer l’erreur qu’ils avaient faite lors du rapport de novembre, ils prévinrent Nantes que Chicoyne avait soustrait d’un coup $3 302 qui lui revenaient en salaire. Ce faisant, prétendaient-ils, il avait placé la compagnie dans une mauvaise position financière.

Pour sa part, Chicoyne soutenait que la compagnie n’avait en réalité que $173.42 en réserve lors du rapport de novembre et qu’il avait vendu pour plus de $3 000 de bois avant son départ pour l’Europe. Avec cette somme, il avait acquitté quelques factures de la compagnie et n’avait pris pour lui-même que le montant dont il avait besoin pour régler ses affaires (environ $1 000) avant son voyage. Il pouvait faire la preuve que la caisse était dans le même état quand il avait quitté le Québec que lors de la rédaction du rapport de novembre.

Tout naturellement, le rapport de mars eut un effet désastreux sur la vente d’actions en France. Chicoyne écrivit à sa femme que ce rapport était tombé ‘’comme un obus prussien parmi ces têtes françaises si spirituelles, à idées si généreuses, mais en même temps, il faut le dire, si légères et si facilement échauffées’’. En fait, le comité nantais lança ses actions mais connut peu de succès.

Le pauvre Chicoyne avait certes raison de se montrer amer. Ses propres ‘’compagnons d’armes’’ l’avaient frappé durement au moment même où il se préparait à ‘’monter à l’assaut des actionnaires dans le but si noble de sauver une entreprise bonne et solide en elle-même et si utile à notre patrie’’. Cependant, Chicoyne avait sa part de responsabilité. Comme administrateur, il aurait dû exposer bien clairement aux directeurs sherbrookois la position financière de la compagnie et il n’aurait pas dû signer le rapport exagérément optimiste. D’autre part, il s’était montré bien autocrate en décidant, de son propre chef, de sauver la compagnie par une nouvelle demande de fonds en France.

Ces événements entraînèrent le retrait de Chicoyne. La compagnie n’ayant tout simplement plus le capital nécessaire à la poursuite des opérations, Chicoyne conseilla à l’abbé Peigné sa liquidation à la première occasion favorable. Mais celui-ci envoya plutôt Adolphe Bécigneul à Lac Mégantic, avec $2 800, pour tenter de renflouer l’entreprise. En juin [1885], Chicoyne informait les directeurs de Sherbrooke qu’il ne désirait plus être responsable des affaires de la compagnie autrement que comme un simple membre de l’administration.

Quelques semaines plus tard, il remettait sa démission en tant que directeur général. Quand on l’accusa d’abandonner la compagnie à un moment crucial, il affirma que c’étaient Peigné et Bécigneul qui l’avaient incité à le faire. Mais, en guise de testament, Chicoyne conseilla à la compagnie de se défaire des terres de la Couronne acquises en 1881 (9 449 acres). De cette manière, non seulement la compagnie ne serait pas considérée comme un obstacle à la colonisation, mais elle pourrait investir la somme ainsi récupérée dans la concession de ‘’Toutes-Joies’’ (2 200 acres). En décembre, Chicoyne avait résigné toutes ses fonctions.

Gaston Deschênes, dans sa biographie de J.A. Chicoyne, nous dit : En juillet 1885, Chicoyne démissionne et se retire dans sa villa de Mégantic (Lac-Mégantic), « dans un état de prostration » qui dure un mois[2].

De 1886 à 1893, la compagnie fonctionna tant bien que mal. De telle sorte qu’en 1893, ce fut la faillite complète de l’entreprise.

Lorsque le village de Mégantic fut érigé en municipalité, en 1885, J.A. Chicoyne devint conseiller et, l’année suivante, en 1886, il fut désigné maire de la municipalité. Il fut le deuxième maire de Mégantic. Il est à noter que tout le personnel municipal n’est ni salarié ni engagé à temps plein. Il s’agit de citoyens qui ont une autre profession, qu’on engage à la pièce et qu’on paie à contrat.

De plus, le maire n’est pas choisi par les électeurs. Ce sont les conseillers qui, lors de leur première assemblée de l’année, élisent parmi eux celui qui présidera pour un an les destinés de la ville.

Contrairement aux élections provinciales, les élections municipales sont publiques. Chacun sait pour qui tel ou tel citoyen a voté.

Le pouvoir municipal demeure proche des préoccupations quotidiennes des gens. C’est en fait la municipalité qui répond, avec l’aide de la commission scolaire locale, à la plupart des problèmes : santé, éducation, bien-être social, voirie, développement industriel[3].

En 1886, J.A. Chicoyne ne fut maire de Mégantic que pendant quelques mois et il fut remplacé par A.B. Gendreau qui a été réélu maire en 1887. J.A. Chicoyne décida de quitter Mégantic qui ne lui laissait qu’un souvenir pénible.

C’est ainsi qu’au printemps 1886, il retourna à Sherbrooke. Le développement de Woburn et de Mégantic était terminé pour lui.

La rue Villeneuve, à Mégantic, au début des années 1900. On y voit «le Château Villeneuve». Source: Bibliothèque municipale de Lac-Mégantic, collection privée.


[1] LITTLE, John I. op. cit. pp. 35-37.

[2] DESCHÊNES, Gaston. Chicoyne (Chicoine), Jérôme-Adolphe, Dictionnaire biographique du Canada en ligne, [www.biographi.ca], (Consulté en juin 2011).

[3] CENTRE RÉGIONAL D’ARCHIVES DE LA BIBLIOTHÈQUE DE LAC-MÉGANTIC. [www.bibliomegantic.qc.ca], (Consulté en juin 2011).

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Dans le prochain épisode, J.A. Chicoyne s’établit à Sherbrooke. C’est ainsi que de 1886 à 1892, il consacrera tout son temps au journalisme, en tant que rédacteur du journal Le Pionnier de Sherbrooke et du journal La Colonisation, et à la politique municipale, en tant que conseiller et éventuellement comme maire de Sherbrooke.

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