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La biographie de Jérôme-Adolphe Chicoyne – Épisode 22

Dans ce nouvel épisode, J.A. Chicoyne s’établit à Sherbrooke. C’est ainsi que de 1886 à 1892, il consacra tout son temps au journalisme, en tant que rédacteur du journal Le Pionnier de Sherbrooke et du journal La Colonisation, et à la politique municipale, en tant que conseiller et éventuellement comme maire.

Cette série est tirée du livre de Denis Beaulieu:  »Jérôme-Adolphe Chicoyne, avocat, journaliste, agent d’immigration et de colonisation, entrepreneur, développeur, maire, député ». Elle compte 31 épisodes, échelonnés jusqu’à la fin du mois d’avril.

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Temps de lecture estimé – 15 minutes

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1886-1892, SA DIRECTION DU PIONNIER ET SA MAIRIE DE SHERBROOKE

SON RETOUR À SHERBROOKE

Au printemps 1886, lors de son retour à Sherbrooke, en plus de retrouver sa famille, J.A. Chicoyne revint à ses anciens amours : le journalisme et la politique.

Le 4 mars 1886, il devint, à nouveau, rédacteur du journal Le Pionnier de Sherbrooke. Il le demeura jusqu’au mois d’avril 1889. De plus, de 1886 à 1896, il dirige aussi la ‘’Colonisation’’, de Sherbrooke, revue subventionnée par Ottawa et destinée à faire connaître le Canada dans les pays européens de langue française, et il exécute diverses missions confiées par le gouvernement fédéral[1]. Toutefois, nous n’avons retrouvé aucune information supplémentaire concernant cette revue ou ces missions de J.A. Chicoyne pour le gouvernement fédéral.

En 1886, nous retrouvons sa fille Émélie au pensionnat des Ursulines à Stanstead. Mais cette fois, dans le nouveau couvent qui venait d’être construit en 1884. Elle y fut pensionnaire pendant deux années scolaires : du 3 septembre 1886 au 28 juin 1887 et du 25 septembre 1887 au 26 juin 1888[2]. Elle était âgée de 13 et 14 ans.

Comme nous l’avons vu, depuis 1881, la famille Chicoyne demeurait sur la rue Grove, à Sherbrooke. En 1887, J.A. Chicoyne se présenta comme échevin pour le quartier centre de la ville et fut élu. Pendant quelques années, il représenta ce quartier au conseil de ville, avant d’en devenir maire.

Quelque temps après son retour, le 18 janvier 1887, J.A. Chicoyne acheta de H.B. Brown un lot portant le numéro 157, situé sur la rue Marquette et n’ayant pas de bâtisse dessus[3]. En 1887-1888, il y fit construire une bâtisse à quatre étages avec plusieurs appartements. Au rez-de-chaussée, on retrouvait le journal Le Pionnier de Sherbrooke et le journal La Colonisation et la famille Chicoyne habitait alors à l’étage supérieur.

Afin de financer la nouvelle construction, J.A. Chicoyne vendit à Joseph Gagné, cultivateur et entrepreneur du canton de Marston, chez le notaire J.-Azarie Archambault de Sherbrooke, le 20 février 1888, un terrain avec bâtisse qu’il avait acheté le 4 juin 1886 dans le deuxième rang du canton de Marston. Cette vente lui rapporta 400 piastres plus les intérêts[4]. Le 12 mars suivant, chez le même notaire, il vendit, cette fois, à Zéphirin Gravel, docteur en médecine de Saint-Georges, dans le comté de Beauce, le lot 196, soit l’emplacement de la rue Grove à Sherbrooke, contenant 35 perches de superficie, avec des bâtisses dessus, pour la somme de 1 850 piastres, payable 300 piastres comptant, le reste hypothéqué par J.A. Chicoyne pour trois mois sans intérêt[5]. C’est ainsi qu’en 1888 la famille Chicoyne déménagea sur la rue Marquette. Elle y demeura jusqu’en 1902.

Mais quel fut le projet de J.A. Chicoyne en construisant une bâtisse d’une telle ampleur, pour Sherbrooke à cette époque ? Sûrement une autre de ses idées de grandeur ou serait-ce qu’il avait le nez fin et qu’il avait prévu ce qui allait arriver ? Plus tard, nous verrons de ce qu’il est advenu de cette bâtisse. Plus bas, nous voyons deux photographies de cette bâtisse, une ancienne et une récente, qui est toujours située sur la rue Marquette à Sherbrooke, aux numéros 161 et 163.

J.A. Chicoyne fut toujours membre du Parti conservateur et, à partir de 1867, il participa activement à toutes les campagnes électorales. De retour à Sherbrooke, il prit part à toutes les activités du parti et, de 1879 à 1891, il présida le Club Cartier de Sherbrooke, un club politique dévoué au Parti conservateur. Ainsi, le journalisme et la politique occupèrent tout le temps de J.A. Chicoyne à Sherbrooke. Heureusement, au cours de ces quelques années, toute la famille put vivre ensemble.

C’est ainsi que de 1886 à 1892, à Sherbrooke, J.A. Chicoyne consacra tout son temps au journalisme, en tant que rédacteur du journal Le Pionnier de Sherbrooke et du journal La Colonisation, et à la politique municipale, en tant que conseiller et maire.

Regardons maintenant ce que fut le journal Le Pionnier de Sherbrooke et le rôle que J.A. Chicoyne y joua. Après, nous regarderons son action en tant que conseiller et maire de Sherbrooke.

     Maison Le Pionnier, rue Marquette à Sherbrooke, vers 1890. Source: Société d’histoire de Sherbrooke. [6]

Maison Chicoyne, rue Marquette à Sherbrooke, en 2011. Source: Denis Beaulieu. [7]

Son travail au journal Le Pionnier

Le journal Le Pionnier de Sherbrooke fut fondé le 13 octobre 1866 par deux avocats de Sherbrooke, Hubert-Charron Cabana et Louis-Charles Bélanger. Ils en furent, tous deux, les éditeurs et propriétaires jusqu’au 24 juillet 1874. Par la suite, voici qui furent les éditeurs-propriétaires du journal : H.-C. Cabana, du 31 juillet au 9 octobre 1874, H.-C. Cabana et Gabriel-G. Caron, du 16 octobre 1874 au 17 mars 1876, H.-C. Cabana, du 24 mars 1876 au 3 mai 1878, la Compagnie Typographique des Cantons de l’Est, du 10 mai 1878 au 26 avril 1901, la Société coopérative de publication, du 26 avril au mois de juillet 1901, L.-G. Robillard, du 4 août 1901 au 16 février 1902 et finalement, la Société coopérative du Pionnier, du 23 février au 11 mai 1902[8].

À partir du moment où J.A. Chicoyne arriva dans les Cantons-de-l’Est, en 1875, il collabora avec le rédacteur et directeur du journal, H.-C. Cabana. Régulièrement, il lui soumit des articles sur la colonisation, le rapatriement et le développement des cantons. En juin 1881, J.A. Chicoyne devint le directeur et rédacteur du Pionnier et il le demeura jusqu’au 5 janvier 1882, moment où il fut remplacé par son « ami », Émile Pingault, lequel, à la fin du mois de décembre 1882, passa au journal concurrent, Le Progrès de l’Est. J.A. Chicoyne revint comme directeur et rédacteur du journal le 4 mars 1886 et il le demeura jusqu’au mois d’avril 1889.

Finalement, J.A. Chicoyne acheta Le Pionnier de Sherbrooke, au mois de mai 1902, et il en fut le directeur et le rédacteur. Quelques jours après son acquisition, il ferma définitivement le journal[9]. Voici ce que nous disent André Beaulieu et Jean Hamelin au sujet du journal Le Pionnier :

/ … /

Toutefois, il appartient à cette dernière, à travers l’histoire du Pionnier de Sherbrooke, d’avoir insisté sur la communauté d’intérêts et de buts qui unissent tous les Canadiens. C’est dans cette option fondamentale d’un Canada uni et fort où toute idée d’indépendance est écartée que se trouve l’essentiel du message du programme de H.-C. Cabana et L.-C. Bélanger, propriétaires-rédacteurs du Pionnier. Le journal, écrivent-ils,

‘’entend faire connaître les Canadiens-français à leurs compatriotes, afin de prouver à ces derniers que, loin de vouloir faire bande à part, ils veulent au contraire que suivre en tout et partout la voie de la modération et de la conciliation; qu’ils désirent ardemment la disparition complète de ces déployables (sic) préjugés de race et de religion, dont les conséquences sont parfois si funestes; qu’ils déploient grandement ces brûlants appels au fanatisme religieux et national, qui ne servent qu’à la dissension et à la discorde, sans certainement produire aucun bien, alors les plus sensés diront d’un commun accord : notre défiance est mal fondée, n’écoutons plus ces écrivailleurs écervelés … unissons-nous une bonne fois, et comme un seul homme travaillons de tout cœur, à l’ombre du glorieux drapeau britannique, au bonheur du Canada (13 octobre 1866)’’.

Bien sûr, le programme du Pionnier ne se résume pas à cette profession de foi; il appartient, par ailleurs, à une religion, la catholique; il est attaché à un parti politique, le Parti libéral-conservateur. En dépit de ces choix seconds, le Pionnier ne perdra jamais de vue ses promesses de modération et d’attachement au Canada ‘’notre patrie’’ à tous, quelle que soit l’origine ethnique de ses membres; il évitera les prises de positions brutales face à la presse anglaise des Cantons de l’Est.

Ce que nous venons de dire fait du Pionnier un franc partisan du projet de Confédération. Aucune hésitation quant à l’application de la nouvelle constitution puisque tous et chacun y verront leurs droits confirmés; elle apportera en outre avec elle ‘’l’ère de la liberté, du progrès et de la grandeur (2 février 1867)’’.

À la veille de la ratification du Bill de l’Amérique du Nord britannique, le Pionnier se réjouit de la largesse de vues de l’Angleterre et fustige les libéraux, ‘’ces prophètes de malheur’’, qui n’auront plus qu’à enterrer leurs prétentions à la démocratie totale et à l’annexion. C’est dans des formules lapidaires du type de ‘’la Confédération c’est la paix; la démocratie, c’est le trouble’’ que le Pionnier indique qu’il croit fermement au Canada de l‘avenir.

C’est la vie quotidienne des Cantons de l’Est qui, laborieusement, s’inscrit dans les pages du Pionnier. Le journal relate les efforts de la colonisation et de l’agriculture; il suit pas à pas l’évolution des travaux de chemin de fer à lisses; il enregistre le pouls de la vie politique municipale. Par ailleurs, le Pionnier s’arrête aux questions de libre-échange et de protection et à leur influence sur la vie économique régionale; il suit attentivement encore la crise religieuse européenne et son influence directe sur le milieu canadien. Enfin, le journal n’est pas exempt d’un certain moralisme antihumaniste qui répond à la maxime si répandue alors dans la presse catholique : ‘’les principes avant les hommes’’.

Le Pionnier eut longtemps pour rival le Progrès, journal fondé en 1874 par L.-C. Bélanger qui venait de laisser le Pionnier. Les deux journaux professaient le même credo, mais ils différaient d’opinion sur la politique locale : le Pionnier était plus sensible aux aspirations des Francophones établis dans les Cantons de l’Est. Durant l’hiver 1874-1875, les divergences d’opinion s’accentuèrent, si bien que l’on parût s’acheminer vers une sérieuse rupture à l’intérieur de l’organisation du Parti conservateur à Sherbrooke. Les leaders du parti intervinrent-ils ? Il y a lieu de le croire, car en janvier 1876 les deux groupes se réunirent chez L.-C. Bélanger et décidèrent de fusionner les deux journaux. La fusion eut lieu le 3 mai 1878 : les abonnés du Progrès reçurent alors le Pionnier et les deux fondateurs du Pionnier gardèrent le contrôle du journal. Une compagnie à fonds social de $10,000, ‘’composée de plusieurs des principaux hommes politiques de la ville et de nos cantons, ainsi que d’un certain nombre du dehors’’, fut mise sur pied pour amalgamer les deux journaux.

/ … /

Qui était ce monsieur H.-C. Cabana auquel s’associa J.A. Chicoyne, tant au niveau d’un bureau d’avocats qu’au niveau du journal Le Pionnier ?

H.-C. Cabana naquit à Verchères, le 14 juin 1838. Il était le fils de Lambert Charron dit Cabana, cultivateur, et de Marie-Louise Anphil (Handfield, Enfield). Le 13 août 1866, il épousa à Compton, Mary Esther Carr. Ils eurent cinq enfants.

Admis au barreau le 7 octobre 1862, il fut l’un des premiers avocats canadiens-français à pratiquer à Sherbrooke. Il exerça d’abord sa profession dans le cabinet ‘’Cabana & Bélanger’’. Après juillet 1874, lors du départ de L.C. Bélanger, il exerça seul sa profession. Il fut nommé bâtonnier du district de Saint-François et, par la suite, protonotaire.

En 1866, il fonda, avec Louis-Charles Bélanger, Le Pionnier, le premier journal francophone de Sherbrooke. Il demeura mêlé au journal, d’une manière ou d’une autre, jusqu’en 1885.

À Sherbrooke, H.-C. Cabana participa activement à la politique municipale. De 1876 à 1885, il fut échevin du quartier Centre et maire de la ville en 1880. Il fut le premier maire francophone de Sherbrooke.

À plusieurs reprises, il présida le Bureau des commissaires d’écoles de la ville de Sherbrooke et il s’en occupa pendant 36 ans. Il présida aussi, à trois reprises, la Société Saint-Jean-Baptiste de Sherbrooke. Il fut membre et aussi président de plusieurs autres organismes de Sherbrooke.

Hubert-Charron Cabana décéda à Sherbrooke, le 9 juin 1901, quelques jours avant d’atteindre ses 63 ans. Ses funérailles ont lieu trois jours plus tard à la cathédrale et il fut inhumé au cimetière Saint-Michel de Sherbrooke.

Dans le Dictionnaire biographique du Canada, Volume 13, nous retrouvons la biographie qu’a écrite Jocelyn Saint-Pierre concernant H.-C. Cabana[10].

À Sherbrooke, le pont Wolfe, sur la rue Belvédère Nord, fut rebaptisé le Pont H-C Cabana, en son honneur.


[1] DESCHÊNES, Gaston. op. cit.

[2] MAISON PROVINCIALE DES URSULINES. Service des archives, Québec, 2010.

[3] BUREAU DE LA PUBLICITÉ DES DROITS. Contrat # 822 RB, 30 juin 1902, Circonscription foncière de Sherbrooke, Sherbrooke.

[4] BUREAU DE LA PUBLICITÉ DES DROITS. Contrat # 13861 RB, 20 février 1888, Circonscription foncière de Compton, Cookshire.

[5] BUREAU DE LA PUBLICITÉ DES DROITS. Contrat # 63 RB, 12 mars 1888, Circonscription foncière de Sherbrooke, Sherbrooke.

[6] Société d’histoire de Sherbrooke, The Dominion Illustrated, volume V, no 113, 30 août 1890, p. 153.

[7] Denis Beaulieu. 2010.

[8] BEAULIEU, André, et Jean HAMELIN. La Presse Québécoise des origines à nos jours, Tome deuxième, 1860-1879, Québec, Les Presses de l’Université Laval, c1975, p. 85.

[9] BEAULIEU, André, et Jean HAMELIN. op. cit. p. 85.

[10] SAINT-PIERRE, Jocelyn. Cabana, Hubert-Charron, Dictionnaire biographique du Canada, Volume XIII de 1901 à 1910, Québec, Les Presses de l’Université Laval, c1994, pp. 157-158.

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Dans le prochain épisode, J.A. Chicoyne devient maire de Sherbrooke.

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