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La biographie de Jérôme-Adolphe Chicoyne – Épisode 23

Dans ce 23e épisode de la biographie de J.A. Chicoyne, il devient maire de Sherbrooke… et rapidement député provincial de la circonscription de Wolfe alors que fort de ses 5,000 habitants, Sherbrooke avait récemment obtenu le statut de Cité.

Cette série est tirée du livre de Denis Beaulieu:  »Jérôme-Adolphe Chicoyne, avocat, journaliste, agent d’immigration et de colonisation, entrepreneur, développeur, maire, député ». Elle compte 31 épisodes, échelonnés jusqu’à la fin du mois d’avril.

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Temps de lecture estimé – 15 minutes

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SES DEUX MANDATS À LA MAIRIE DE SHERBROOKE

J.A. Chicoyne, maire de Sherbrooke, 1890[1]

En 1852, comme la population atteignit et dépassa 2 000 habitants, le territoire de Sherbrooke fut promu au rang de « Ville » sous le nom de Town of Sherbrooke. La nouvelle municipalité fut séparée des cantons d’Ascot et d’Orford. Mais ce n’est que le 24 décembre 1875 que Sherbrooke, glorieuse de ses 5 000 âmes, prit le nom de « Cité » et on remplaça le terme de conseiller par celui d’échevin. C’est à ce moment que le territoire passa de trois quartiers (Nord, Est et Centre-Sud) à quatre quartiers (Nord, Sud, Est et Centre). Toutefois, le nombre d’échevins resta inchangé, soit sept dont deux pour le quartier Nord, un pour l’Est, un pour le Sud et trois pour le Centre. L’élection des échevins se faisait, à chaque année, le deuxième lundi de janvier dans chacun des quartiers. Par la suite, le maire était choisi parmi les échevins et élu par eux. C’est pourquoi nous retrouvons un maire différent à chaque année, jusqu’en 1892.

En 1889, la charte de la Cité de Sherbrooke fut modifiée et le nombre d’échevins passa de sept à onze dont trois pour le quartier Nord, trois pour le Centre, trois pour le Sud et deux pour l’Est. Mais ce n’est que trois ans plus tard que la charte fut de nouveau modifiée et que le mode d’élection du maire et que les capacités d’échevin et d’électeur furent redéfinies[2].

Le 17 janvier 1880, H.-C. Cabana, avocat, directeur du journal Le Pionnier et échevin depuis quatre ans, fut élu maire de Sherbrooke. C’était le premier maire francophone à être élu à Sherbrooke. En 1885, il fut de nouveau élu maire. Au cours des années suivantes, trois autres avocats canadiens-français furent élus maires de la cité : Louis-Edmond Panneton en 1888, Jérôme-Adolphe Chicoyne en 1890 et 1892 et Louis-Charles Bélanger en 1895.

En 1890, J.A Chicoyne fut choisi comme maire parce qu’Andrew Paton qui avait été proposé, préféra se retirer, invoquant l’intérêt de l’alternance. Mais on ne peut pas parler d’alternance systématique des maires français et anglais[3].

C’est ainsi que J.A. Chicoyne qui fut échevin en 1889 et qui se représenta en 1890, fut choisi maire de Sherbrooke pour la première fois. Il le fut du 27 janvier 1890 au 22 janvier 1891. On se rappellera qu’il avait été maire de la municipalité des Cantons unis de Ditton, Chesham et Clinton et maire, pendant quelques mois, de Mégantic. Mais cette fois, c’était un poste un peu plus prestigieux que les deux précédents.

Voici ce que la Société d’histoire des Cantons de l’Est, en 1983, a relevé comme significatif sous le premier mandat du maire Chicoyne[4] :

Pour la première fois, le rôle d’évaluation dépasse trois millions.

Le Département des chemins recommande ‘’l’adoption dans la confection des trottoirs de matériaux plus durables que le bois’’, dans les quartiers les plus fréquentés de la ville.

Plusieurs nouveaux règlements sont adoptés pour améliorer les conditions d’hygiène dans la construction et l’entretien des latrines, ainsi que pour la garde des cochons et le transport du purin.

Des améliorations sont apportées à l’Hôpital civique pour les maladies contagieuses. Les Sœurs Grises s’occupent des patients, moyennant cinq dollars par jour, peu importe le nombre de malades.

Le 13 décembre, la British American Land Co. vend à la Ville au coût de 2 500 $, un terrain, coin Ball et Gillespie, pour aménager un parc; ce parc prendra le nom de Racine, en l’honneur du premier évêque de Sherbrooke.

Un pont est construit sur la rivière Magog, à l’extrémité nord de la rue Belvédère, par J. Gordon and Son, au coût de 5 865,93 $.

Mosaïque du conseil municipal de la Cité de Sherbrooke, en 1890[5]

En 1891, c’est Israël Wood qui fut choisi maire.

L’année suivante, en 1892, J.A. Chicoyne qui était toujours échevin du quartier Centre fut choisi à nouveau comme maire de Sherbrooke. Voici comment Amédée Gaudrault, dans sa brochure sur Les Maires de Sherbrooke[7], nous décrit cette élection. Il faut se rappeler qu’à cette époque, L.-C. Bélanger était un adversaire et un concurrent de J.A. Chicoyne.

Chicoyne, journaliste et ancien agent des Terres dans le district, fut réélu maire en 1892, peu de temps après avoir défait L.-H. Guay dans le Centre, au cours d’une lutte qui n’eut rien d’acrimonieux, disait le ‘’Pionnier’’ du 22 janvier 1892. À la mairie, Bryant proposa d’abord l’élection de Chicoyne, secondé par Odell. Même si c’était ‘’le tour d’un Canadien français’’, Demers, secondé par Bélanger, présenta un amendement proposant l’élection de Murray. Ce dernier, dit le ‘’Pionnier’, protesta contre sa candidature et exprima le désir que le choix du maire soit fait unanimement. Le vote fut de 7 à 2 contre l’amendement et pour la motion principale. Chicoyne et Murray s’abstinrent de voter.

Après l’élection de Chicoyne, le ‘’Progrès’’ publiait un article satyrique intitulé : ‘’Le Soleil Levant’’. On y disait que M. Chicoyne avait frappé une bonne veine depuis quelque temps. ‘’Il a été élu maire par un vote quasi unanime. Maintenant il est réclamé à grands cris par la population du comté de Wolfe, à la veille des élections provinciales’’. On ajoutait que de ce train, Chicoyne serait bientôt premier ministre et qui sait, premier président de la république canadienne ? Chicoyne était conservateur. Le ‘’Progrès’’ laissait entendre que le ‘’mouvement spontané de Wolfe avait été inspiré par Panneton pour enlever à Chicoyne tout prétexte de pousser sa candidature en ville’’. Aux élections provinciales, Panneton l’emporta par 11 voix sur Broderick dans Sherbrooke et Chicoyne, par 160 voix sur Adam, dans Wolfe.

J.A. Chicoyne fut choisi maire de Sherbrooke, le 28 janvier 1892. Au même moment avait lieu une élection générale au niveau provincial. S’étant présenté comme député du comté de Wolfe, il remporta la victoire et fut élu député le 8 mars suivant. Ainsi, il cumula les deux fonctions tout au cours de l’année 1892. Voici ce que la Société d’histoire des Cantons de l’Est nous dit au sujet de son second mandat[8] :

Au niveau municipal, sous le second mandat de Chicoyne, le Conseil de ville est préoccupé de conserver les industries déjà établies à Sherbrooke. Mis au courant que la Corset Co. désire quitter la ville pour Saint-Hyacinthe où on lui offre des avantages, le Conseil charge un comité d’étudier la question. Finalement, le Conseil accorde à la compagnie une exemption de taxes pour dix ans et une subvention de 15 000 $, à condition que l’entreprise demeure à Sherbrooke et construise un édifice en brique.

Le Conseil se félicite de l’essai des trottoirs de pierre fait l’année précédente. Il souhaite qu’une partie du budget puisse être chaque année affectée à l’extension de ces travaux.

Les travaux d’égouts se poursuivent aussi. À cet effet, la ville emprunte 10 000 $. Ces travaux sont justifiés par la lutte à faire aux maladies contagieuses; 42 cas sont encore signalés dans la ville en 1892, dont 11 cas mortels.

L’aide de la Ville aux indigents consiste toujours dans la distribution de bois de chauffage. Le Conseil décide que dorénavant cette aide ne sera accordée que sur recommandation du clergé ou un membre d’un comité de secours.

L’année 1892 marquant le centenaire de l’ouverture des Eastern Townships, il est projeté de célébrer ce centenaire par l’érection d’un monument fait de pierres portant le nom du premier colon de chaque municipalité des Cantons de l’Est. Le 6 septembre, le lieutenant-gouverneur de la province, Sir Adolphe Chapleau, pose au parc Victoria la pierre angulaire du monument projeté.

L’année 1892 voit aussi la fondation de l’Union musicale de Sherbrooke qui cessera ses activités en 1896 mais les reprendra en 1921.

Enfin, deux vieux problèmes touchant la ville sont réglés cette année-là. Le premier concerne l’habitude des enfants de glisser dans les rues et sur les trottoirs, ce qui constitue une source de dangers pour les piétons. Le second a trait à quatre maisons ‘’mal famées’’ qui sont fermées; la maîtresse de l’une d’elles est poursuivie en justice, les trois autres choisissant plutôt de quitter la ville.

En 1893, 1894 et 1895, J.A. Chicoyne continua, à titre d’échevin, de représenter le quartier Centre au conseil de ville de Sherbrooke. C’est donc dire qu’il possédait toujours sa maison de la rue Marquette et que toute la famille demeurait à Sherbrooke. Même si au cours de ces années, il fut député du comté de Wolfe, il résida toujours à Sherbrooke.

L’Hôtel de ville de Sherbrooke, Carré Stracona, en 1890[6]

Toutefois, que ce soit à Sherbrooke pendant deux ans, à Mégantic pendant quelques mois ou à La Patrie pendant deux ans, la carrière de maire ne sembla pas contenter les aspirations de J.A. Chicoyne. Cependant, chaque fois, il a rempli ses fonctions honorablement.

Quant à sa fonction de rédacteur et de journaliste, J.A. Chicoyne en fit bien plus une occupation d’appoint qu’une véritable carrière. Tout au long de ses activités, il utilisa les journaux pour promouvoir soit la colonisation, soit le développement économique, soit sa politique municipale, soit son patriotisme conservateur. Il alla jusqu’à fonder le journal La Colonisation pour promouvoir la colonisation et, en 1902, il acheta le journal Le Pionnier de Sherbrooke.

Quant à son poste d’agent du gouvernement pour l’immigration et la colonisation, par chance que le gouvernement de cette époque fut conservateur, car il n’aurait sûrement pas travaillé pour un gouvernement libéral. À La Patrie, il consacra beaucoup d’énergies et de sacrifices personnels pour réussir à mettre en application l’Acte du rapatriement.

En tant qu’homme d’affaires, que ce soit à La Patrie en 1878-1879 ou à Mégantic de 1881 à 1885, on ne peut pas dire que J.A. Chicoyne eut la bosse des affaires. À chaque fois qu’il tenta de démarrer une entreprise quelconque, le projet n’a pas réussi à prendre son envol ou à durer quelque temps. Même dans le cas de la compagnie nantaise, ce fut une faillite complète de l’entreprise.

Finalement, toujours considéré comme membre du barreau, J.A. Chicoyne, même si à l’occasion il exerça sa profession, il se servit de son titre d’avocat pour accéder à diverses fonctions pour lesquelles il consacra beaucoup de ses énergies au nom du patriotisme et dans lesquelles il rechercha aussi un certain prestige.

Ainsi de 1868 à 1892, J.A. Chicoyne fut avocat, agent d’immigration et de colonisation, journaliste et rédacteur, homme d’affaires, échevin et maire.

En 1892, lors de son élection comme député du comté de Wolfe, il y trouva sa véritable vocation : député provincial à Québec. Il excellera dans cette fonction et voilà ce que nous verrons dans un prochain épisode.

Mais avant d’en venir à sa fonction de député, je me dois de relever ici une contribution majeure que J.A. Chicoyne apporta à la petite histoire de la ville de Sherbrooke : l’histoire du Rocher au pin, l’îlot du Pin solitaire.


[1] Collection de la Société d’histoire de Sherbrooke, IS4 PN 4.1a/351.

[2] KESTEMAN, Jean-Pierre. Histoire de Sherbrooke, Tome 2 : De l’âge de la vapeur à l’ère de l’électricité, Sherbrooke, Éditions GGC, c2001, p. 152.

[3] KESTEMAN, Jean-Pierre. op. cit. p. 156.

[4] POTHIER, Louisette, dir.. Les maires de Sherbrooke 1852-1982, Sherbrooke, La Société d’histoire des Cantons de l’Est, 1983, p. 89.

[5] Société d’histoire de Sherbrooke, The Dominion Illustrated, 30th August, 1890, p. 138, Sherbrooke.

[6] Collection de la Société d’histoire de Sherbrooke, Fonds de la famille  Jame-Riddle-Sangter, IP318 PN 1.1g/1.

[7] GAUDRAULT, Amédée. Les Maires de Sherbrooke, Sherbrooke, La Tribune, 1954, p. 19.

[8] POTHIER, Louisette, dir.. op. cit. pp.93-94.

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Dans le prochain épisode, avant de raconter en détail sa nouvelle carrière de député provincial du comté de Wolfe, on racontera l’histoire célèbre du Pin Solitaire sur la rivière Saint-François à Sherbrooke, telle que racontée dans le journal de l’époque, Le Pionnier. Le journal La Tribune ne verra le jour qu’en 1910.

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