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La biographie de Jérôme-Adolphe Chicoyne – Épisode 25

Dans ce nouvel épisode, nous racontons les débuts de J.A. Chicoyne comme député provincial du comté de Wolfe. Il y sera député au cours de trois mandats consécutifs entre 1892 et 1904.

Cette série est tirée du livre de Denis Beaulieu:  »Jérôme-Adolphe Chicoyne, avocat, journaliste, agent d’immigration et de colonisation, entrepreneur, développeur, maire, député ». Elle compte 31 épisodes, échelonnés jusqu’à la fin du mois d’avril.

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Temps de lecture estimé – 13 minutes

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CHAPITRE 6

1892-1904, SES TROIS MANDATS DE DÉPUTÉ DU COMTÉ DE WOLFE

Jérôme-Adolphe Chicoyne fut toujours un membre fidèle du Parti conservateur. Toutes ses entreprises et tous ses textes journalistiques reflétèrent la politique et la philosophie du Parti conservateur.

En tant qu’avocat et journaliste, J.A. Chicoyne s’intéressa activement à la politique. Régulièrement, il participa aux campagnes électorales, qu’elles fussent fédérales, provinciales ou municipales, générales ou partielles. Déjà, en 1876, il fut maire à La Patrie, en 1886, maire à Mégantic, de 1889 à 1895, échevin de la ville de Sherbrooke et, à deux reprises, en 1890 et 1892, maire de Sherbrooke.

Le 16 mai 1890, de nouvelles élections provinciales furent décrétées. J.A. Chicoyne se présenta à l’investiture du Parti conservateur dans le comté de Compton. Malheureusement pour lui, le conservateur John McIntosh, député du comté depuis 1886, l’emporta facilement. John McIntosh fut réélu député de comté de Compton et ce, jusqu’en 1894.

Le 23 décembre 1891, des élections provinciales furent de nouveau décrétées et le scrutin était prévu pour le 8 mars 1892. Toutefois, aux élections municipales de Sherbrooke, J.A. Chicoyne fut réélu pour un autre mandat d’échevin et, le 28 janvier, il fut choisi pour un deuxième mandat en tant que maire.  Au même moment, le député conservateur du comté de Richmond-Wolfe, Jacques Picard, qui terminait son mandat et qui ne voulut pas se représenter, dirigea une délégation du comté en vue de solliciter la venue de J.A. Chicoyne comme représentant conservateur dans cette élection au niveau du comté. Son opposant, le libéral S.E. Adams, s’était présenté à l’élection de 1890, mais c’est J. Picard qui remporta les élections. De nouveau, il tenta sa chance en 1892.

J.A. Chicoyne accepta de faire le saut en politique provinciale et le 8 mars 1892, il fut élu député du comté de Wolfe. Il le fut aussi le 11 mai 1897 et le 7 décembre 1900. Aux élections du 25 novembre 1904, J.A. Chicoyne ne se représenta pas comme député et se retira à Saint-Hyacinthe.

Voyons maintenant quelles furent les réalisations significatives de J.A. Chicoyne au cours de ses trois mandats de député.

SON PREMIER MANDAT

Aux élections de 1892, le comté de Richmond-Wolfe fut scindé en deux comtés : celui de Richmond et celui de Wolfe. C’est dans le comté de Wolfe que J.A. Chicoyne se fit élire comme député, ainsi qu’aux deux autres élections suivantes. Dans le Journal des campagnes du 25 février 1892, J.B.G. Millette écrivait :

Je vous souhaite d’élire M. Chicoyne dans votre comté; vous aurez en lui un représentant qui fera honneur au comté, et qui par son honnêteté, son érudition et son expérience dans la politique, sera en position de faire valoir vos droits et de sauvegarder vos intérêts envers et contre tous. Je ne partage peut-être pas toutes ses idées politiques, mais cela ne m’empêche pas de reconnaître en lui un patriote comme il nous en faut à Québec.

En 1892, dans le comté de Wolfe, 3 185 électeurs étaient inscrits. De ce nombre, 2 202 se sont prévalus de leur droit de vote; 1 181 ont voté pour J.A. Chicoyne et 1 021 pour S.E. Adams. J.A. Chicoyne l’emporta par 160 votes de majorité. Le comté de Wolfe comprenait les municipalités suivantes : Ham-Sud, Saint-Camille, Wotton, Saint-Adrien, Ham-Nord, Saint-Fortunat, Wolfestown, Disraeli, Stratford, Garthby, Lac Weedon, Weedon Centre, Weedon, Dudswell (incluant Bishop’s Crossing, Lime Ridge et Marbleton)[1].

Jérôme-Adolphe Chicoyne, le député. Source: BAnQ. [5].

Les conservateurs firent élire 51 députés avec 52 % des votes alors que les libéraux n’en firent élire que 21, avec 44 % des votes. Il y eut aussi un conservateur indépendant. C’est donc un gouvernement conservateur qui prit la direction de la province, ainsi, J.A. Chicoyne était membre du parti au pouvoir.

Ici, il faut noter qu’à cette époque, à l’assemblée législative, il n’y avait pas de Journal des débats qui était compilé comme aujourd’hui. Ce sont les principaux journaux qui rapportaient le plus fidèlement possible ce qui se disait et faisait à l’assemblée législative. D’ailleurs tous les débats d’avant 1964, ont été reconstitués à partir des journaux. Toutefois, il est bien évident que les journalistes faisaient de leur mieux, mais beaucoup d’éléments, de discours et de décisions leur ont échappé. Afin de connaître les principaux dossiers dont J.A. Chicoyne s’occupa, je me suis principalement référé au Journal des campagnes qui parut de 1882 à 1901 à Québec, et au journal Le Canada, publié de 1903 à 1954 à Montréal.

Le tout premier dossier auquel il s’attarda, fut la question de l’émigration vers les États-Unis. On se rappellera qu’à l’âge de 13 ans, J.A. Chicoyne avait lui aussi émigré aux États-Unis dans l’espoir de faire fortune. Mais il en était revenu bredouille. Ses parents, eux aussi, avaient émigré pendant un certain temps, aux États. Donc, J.A. Chicoyne fut très sensible à cette question. À la séance du 22 juin 1892 :

M. Chicoyne propose qu’un comité spécial soit nommé pour s’enquérir des causes de l’émigration de nos compatriotes des campagnes vers les villes. Cette motion est adoptée.

Les membres de ce comité devront présenter leur rapport à la prochaine session[2].

Ce comité fut confié à J.A. Chicoyne, en tant que président, et c’est lui qui en rédigea le rapport. Il connaissait bien le problème de l’immigration vers les États-Unis et vers les grandes villes du Canada. De plus, toute son expérience d’agent d’immigration lui servit dans ce dossier.

En 1893 et 1894, il s’opposa fermement au projet d’abolition du Conseil législatif et régulièrement il se prononça sur les questions touchant les finances publiques, la colonisation, la réforme des institutions politiques, les affaires municipales, la fiscalité et le droit civil.

Au printemps de 1895, après trois ans de présence comme député provincial et six ans comme échevin de la ville de Sherbrooke, J.A. Chicoyne songea sérieusement à abandonner la politique provinciale et municipale. Deux événements ont contribué à l’amener à envisager une telle démission.

À Sherbrooke, au début de l’année 1895, il fut réélu échevin du quartier Centre. Cependant, le maire fut nul autre que Louis-Charles Bélanger, son adversaire et son concurrent de toujours, tant au niveau politique qu’au niveau journalistique. Ainsi, il se désintéressa de la politique municipale et aux élections de 1896, il ne se représenta pas comme échevin.

L’autre événement qui pesa lourd dans la balance fut la donation, le 17 juillet 1895, de sa maison de la rue Marquette à Sherbrooke aux Sœurs Adoratrices du Très Précieux Sang de Notre Seigneur Jésus Christ qui arrivèrent de Saint-Hyacinthe au mois de septembre 1895. Voici comment Mgr Paul LaRocque, deuxième évêque de Sherbrooke, annonça l’événement dans sa lettre pastorale du 15 août 1895[3] :

Nos ressources pécuniaires très limitées, comme vous le savez, ne nous permettaient pas, au début même de notre carrière épiscopale, de faire les frais d’une nouvelle fondation. Si Dieu la veut, cette fondation, Nous disions-Nous; s’il la juge utile au bien des âmes, il saura bien nous venir en aide, lui dont les ressources sont infinies.

L’heureux événement que Nous vous annonçons aujourd’hui, N.T.C.F. [Nos Très Chers Frères], Nous invite à répéter avec reconnaissance la parole de nos Saints Livres : ‘’In Ipso speravit cor meum, et adjutus sum, J’ai espéré en lui, et il m’a secouru (Ps. 27.7).

Ce secours tout providentiel, Nous sommes heureux de le reconnaître et de le proclamer, il Nous vient de la générosité d’un citoyen de notre ville épiscopale. Sa vertueuse épouse n’a pas voulu rester étrangère à la douce jouissance que procure l’accomplissement d’une bonne et grande œuvre. Tous deux, d’un commun accord, mus par un même sentiment de foi, se sont dépouillés d’un immeuble de grande valeur, pour y installer, selon notre désir, une fondation des ‘’sœurs du Précieux Sang’’. Qu’il Nous soit permis d’invoquer les bénédictions du ciel sur ces généreux donateurs, en témoignage de la reconnaissance dont Nous sommes rempli à leur égard !

Mais pourquoi une telle générosité de la part de M. et Mme Chicoyne ? Il faut se rappeler ce que J.A. Chicoyne écrivit dans ses mémoires au sujet des Sœurs du Précieux Sang :

Ce fut le 14 septembre 1861 que le monastère du Précieux-Sang prit naissance, sous les auspices du Rév. Messire Raymond. Quatre jeunes demoiselles seulement se trouvaient dans cette communauté à l’époque de sa fondation : c’était Delles Aurélie Caouette (ma cousine), Supérieure, Euphrasie Caouette, Sophie Raymond et Mary Hamilton; aujourd’hui elle possède plus de vingt professes. Je fus le premier qui ait servi la messe dans leur chapelle; je remplis cette charge durant deux années entières.

Voilà donc pourquoi il fut si généreux : la supérieure, Aurélie Caouette, était sa « cousine ».

Toutefois, deux ans plus tard, le 16 octobre 1897, les Sœurs durent rétrocéder la maison à J.A. Chicoyne parce qu’elles furent incapables de satisfaire aux conditions financières qu’il avait posées lors de la donation. Le contrat de rétrocession, passé chez le notaire Ernest Sylvestre de Sherbrooke, spécifiait que les Sœurs consentaient à la résiliation pure et simple de la donation qu’avaient faite J.A. Chicoyne, sa femme Caroline Perrault et sa fille Émélie Chicoyne[4].

Cependant, le journal Le Pionnier de Sherbrooke continua toujours d’avoir pignon sur rue à la même place, rue Marquette.

De plus, J.A. Chicoyne, n’étant plus propriétaire, devenait inadmissible à la fonction d’échevin municipal. C’est pourquoi il devait laisser la politique municipale, à ce moment-là.

Je présume que ses électeurs qui le réclamaient toujours, désiraient ardemment qu’il vienne s’établir dans le comté de Wolfe. Pressé de tous les bords, J.A. Chicoyne sembla vouloir réorienter sa carrière.


[1] Journal des campagnes, 17 mars 1892.

[2] Journal des campagnes, 30 juin 1892.

[3] LAROCQUE, Paul Mgr. Mandements, Lettres pastorales, circulaires et autres documents, Tome quatrième, Sherbrooke, Imprimerie de ‘’Le Progrès de l’Est’’, 1901, pp. 93-94.

[4] BUREAU DE LA PUBLICITÉ DES DROITS. Contrat # 131 RB, 16 octobre 1897, Circonscription foncière de Sherbrooke, Sherbrooke.

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Dans le prochain épisode, nous poursuivrons l’histoire de la carrière de député provincial de J.A. Chicoyne pour le comté de Wolfe. Il y fut député pendant trois mandats consécutifs entre 1892 et 1904.

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