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Le comté de Sherbrooke vers 1838

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Cet article a été écrit par l’un de nos membres, Jacques Gagnon (#1983) en 2015 (Vol. 38-1), actif comme auteur depuis de nombreuses années et qui fut aussi en son temps rédacteur de notre revue L’Entraide généalogique.

Temps de lecture estimé – 10 minutes

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Le comté de Sherbooke vers 1838

Les amateurs d’histoire locale et régionale connaissent bien les illustrations des Cantons-de-l’Est réalisées par W. H. Bartlett pour le Canadian Scenery édité à Londres en 1842. Mais ont-ils déjà eu l’occasion de lire les pages que N. P. Willis a consacrées à notre région dans ce même ouvrage?

D’abord quelques mots sur ces deux collaborateurs. Bartlett est un illustrateur britannique, né à Londres en 1809, qui s’est rapidement spécialisé dans le dessin de voyage dont était friand le public victorien. Il a effectué de nombreux périples dans les Îles britanniques, l’Europe occidentale, le Proche-Orient et l’Amérique du Nord pour satisfaire cet engouement. Quant à N. P. Willis, né à Portland, Maine, en 1806, il deviendra le journaliste américain le mieux payé de son époque, fondateur du Home Journal (l’actuel Town and Country), mais aussi poète et dramaturge.

Les deux hommes se rencontrent à Londres, sans doute en 1835, et Bartlett accepte d’illustrer les deux ouvrages que Willis prévoit écrire sur les États-Unis et le Canada (1). À cette fin, Bartlett effectuera trois séjours aux États-Unis et au Canada en 1836-1837, 1838 et 1841.

Le Canadian Scenery paraît deux ans après l’American Scenery. Ses deux volumes contiennent 12 chapitres et quelque 119 illustrations. Les Eastern Townships constituent le troisième chapitre du deuxième volume (p. 14 à 16) avec sept illustrations de Bartlett (2) . Mais il faut bien constater que les Cantons-de-l’Est n’y comptent que pour trois paragraphes sur cinq, les deux autres étant consacrés au Bas-du-fleuve et à la Beauce. En voici la traduction effectuée par L. de Bauclas dès 1843 sous le titre de Canada pittoresque (vol. II, pp. 19-20).

Le comté de Sherbrooke embrasse la plus grande partie du territoire de S.-François, immédiatement au midi de celui des Trois-Rivières auquel on le regarde souvent comme réuni. Se trouvant tout-à-fait hors de la ligne des seigneuries, on l’a divisé en vingt-neuf territoires, qui renferment beaucoup d’excellentes terres. Le sol est coupé et varié, tantôt s’élevant en montagnes couvertes de bois, tantôt baigné par des rivières et des ruisseaux, et n’offrant pas ces nombreux marais qu’on remarque dans la plus grande partie des districts de l’ouest. La seule partie colonisée est celle qui avoisine Stanstead dans le comté de Montréal, mais la compagnie Anglaise Américaine [British American Land Company] a des projets de culture pour les autres parties. À la vérité, Oxford [Orford], qu’on trouve en premier lieu, est si montagneux qu’il est presqu’impossible de le rendre fertile : il ne renferme que 320 habitans. Mais, à l’ouest Ascot qui en a 1 800, au midi Compton qui en a 2 020, à l’est Eaton qui en compte 1 500, sont, en général, de beaux pays, où l’on trouve des bois, des collines, et des courans d’eau commodes pour l’établissement des moulins.

Le premier de ces trois districts a pour chef-lieu Sherbrooke, ville du comté, et centre de tout le commerce des environs. Elle a 350 habitans, trois églises, et une fabrique d’étoffe de coton. La compagnie territoriale dont je viens de parler en a fait le centre de ses opérations. Elle a établi une nouvelle route jusqu’à Port S.-François, et la distance entre les deux endroits n’est plus que de soixante-dix milles : au moyen d’un relai placé à moitié route, on peut faire le voyage en un jour. Elle a aussi fait réparer les routes qui conduisent à Québec et à Montréal, toutes deux éloignées de cent milles environ. Dans les districts d’Eaton et de Compton, on trouve des villages du même nom. Clifton et Newport, au sud d’Eaton, quoique montagneux, possèdent aussi d’excellentes terres ; et cependant leurs populations réunies ne s’élevaient pas, en 1831, à plus de 188 habitans.

La partie nord-ouest du comté a Melbourne avec 1 280 colons, et Shipton, sur le Nicolet, avec 1 900. Ces deux endroits sont regardés comme les plus beaux du territoire de S.-François, et leur population augmente rapidement : Shipton a Richmond, village assez important ; et, dans Melbourne, il s’en élève un autre à peu près pareil. Windsor et Stoke possèdent, dit-on, les mêmes avantages ; et cependant à peine s’en occupe-t-on, car le premier ne compte que 220 habitans, et le second en a encore beaucoup moins. Brompton, à l’ouest, dont le sol est inégal et pierreux, a néanmoins quelques bonnes parties de terrain, et compte 350 habitans ; tandis que Dudswell, à l’est de Windsor, également montagneux, en a 342.

Sherbrooke, W.H. Bartlett (Société d’histoire de Sherbrooke)

Toute la partie sud-est de ce grand comté, contenant les territoires de Garthby, Stratford, Whitton, Adstock, Marston, Chesham, Emberton, Hampden, et Bury, avec certaines portions de Weedon, Singwick [Lingwick], Ditton, Auckland et Hereford, compose la vaste étendue de terrain achetée par la compagnie territoriale. On ne s’en occupait pas auparavant, et elle était habitée seulement par quelques individus isolés, qui avaient profité de l’abandon où elle était pour s’y établir. Le sol en est très varié. La partie centrale, suivant un rapport fait dernièrement, est trop montagneux [sic] pour qu’on soit tenté de la coloniser. Mais le sol s’abaisse successivement dans différentes directions jusqu’au S.-François et à son tributaire Le Salmon, et jusqu’au lac Megantie [Mégantic]. Toute cette partie en pente est couverte de beaux bois, et offre le double avantage de la culture et du pâturage. Le Salmon, qui, en se dirigeant vers le nord, traverse presque tout le district, a des rives magnifiques et fertiles, dont une partie, d’environ dix milles de longueur, est appelée les Prairies, à cause de sa belle verdure. La rivière, ainsi qu’une foule de petits ruisseaux qu’elle reçoit, est rapide et coupée par des chutes qui interrompent la navigation, mais qui conviennent à l’établissement de moulins. C’est ici que la compagnie a résolu de commencer la colonisation ; et, à environ un mille de la chute principale, elle a bâti un petit village, qu’on nomme Victoria. Dans l’été de 1836, plusieurs centaines d’ouvriers ont été occupés à établir une route depuis cet endroit jusqu’à Sherbrooke.

On connaît la suite. La colonisation de Victoria, dans le canton de Bury, se révèle rapidement un échec et la BALC doit interrompre ses travaux routiers. Elle doit même en 1841 rétrocéder au gouvernement plus de la moitié de ses terres pour payer ses dettes (3). Cependant, Alexander Galt, nommé commissaire de la compagnie en 1844, choisit de concentrer ses efforts sur l’industrialisation de Sherbrooke et sa liaison ferroviaire avec Montréal et Portland, Maine (4). Ce qui assure à la fois la prospérité de la ville et la fortune politique de Galt. Malheureusement, W. H. Bartlett, de retour en Amérique en 1852, n’est pas revenu dans la région pour illustrer ces nouveaux progrès.

RÉFÉRENCES

1.  A. M. Ross, William Henry Bartlett, Artist, Author and Traveller, Toronto and Buffalo, University of Toronto Press, 1973, p. 26. Le professeur Ross est aussi l’auteur de l’article sur Bartlett dans le Dictionnaire biographique du Canada.

2.  Mills at Sherbrooke on the River Magog ; Bridge at Sherbrooke ; Pass of Bolton, Eastern Townships ; Scene on the River St. Francis near Sherbrooke ; Orford Mountain ; Lake Memphremagog ; Outlet of Lake Memphremagog.

3.  J.-P. Kesteman, P. Southam et D. Saint-Pierre, Histoire des Cantons-de l’Est, Sainte-Foy, IQRC et PUL, 1998, pp. 228 et 238.

4.  G. Laperrière, Les Cantons-de-l’Est, Québec, INRS et PUL, 2009, pp. 50-51

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