Nous vous présentons cette semaine un article du regretté Denis Beaulieu qui nous a quitté en juin 2023. Il a été publié dans notre revue L’Entraide généalogique à l’été 2012.
Il traite d’un sujet qui intéressera certainement ceux et celles qui effectuent des recherches généalogiques sur leurs ancêtres, à savoir les actes de donation entre vifs. Le contenu de tels actes notariés nous en dit long sur le mode de vie de nos ancêtres. Il s’agit d’un très long article. Nous vous le présentons donc en deux parties. Voici la deuxième partie.
Temps de lecture estimé – 12 minutes
Cliquez ici pour retourner à la première partie de l’article.
*****
(ndlr) Poursuivons la lecture de cet acte notarié dont nous avons lu la première partie dans un précédent article:
Cette donation ainsi faite à la charge de la rente constituée représentant les droits seigneuriaux sur le dit terrain, ainsi qu’à toutes taxes, impositions, répartitions d’église et travaux à compter de ce jour et à l’avenir, en outre la présente donation est faite à la charge par le dit sr. donataire qui le promet et s’y oblige sous l’hypothèque spéciale du terrain susrendu et par privilège de bailleur de fonds expressément réservé en faveur des dits donateurs, bailles, payes la rente viagère et remplis les charges et obligations ci-après mentionnées, savoir : de fournir et livrer chaque année vingt cinq minots de beau blé loyal et marchand, dix minots à la Toussaint et quinze minots à Noël en suivant, cinq minots de bon et beau blé d’inde à Noël, cinq minots de bonne et belle avoine à la St. Michel, vingt minots de belles et bonnes patates encavées au temps des arrachages, un minot de sel à demande, soixante livres de bon bœuf à Noël, huit livres de laine blanche au printemps à la tonte des moutons, lavées, deux livres de bon thé au besoin, douze livres de cassonnade, de bonne cassonnade à demande et besoin, une livre et demi de poivre à demande et besoin, une velte de bon sirau chez les marchands à demande, une velte de bonne melasse d’une piastre la velte à demande, deux galons d’huile à charbon à demande, dix livres de bon tabac à fumer du pays, une velte de bon whisky, douze livres de bon savon, le tout à demande, de fournir deux vaches laitières remplacées en cas de mort, maladie, stérilité ou autrement à choix, hivernées et pacagées par le dit donataire, prises le premier mai et gardées tant qu’elles donneront du lait, de fournir et hyverner un cochon gros du poids au moins trois cents livres [ un mot ] après la graisse, et le tout à Noël, tué et salé par le dit donataire, fournir et livrer vingt quatre douzaines d’œufs, livrables moitié en printemps et l’autre moitié en automne, douze beaux poulets du printemps à la demande des donateurs et ces derniers auront le droit de les engraisser sur la terre avec leur avoine et du moment que les donateurs abandonneront l’avoine au donataire, ce dernier livrera les poulets gras, de fournir et livrer à chacune de ses deux sœurs Malvina et Emma Chicoine et à Adolphe Chicoine, son frère, à chacun d’eux, une vache ou bien en argent vingt piastres et aussi chacun une moutonne, de chauffer les donateurs avec du bon bois sain et sec, scié et entré dans leur appartement les donateurs se fournissant le poêle, et arrivant le cas où les donateurs laisseraient leur appartement pour aller vivre ailleurs ou que la terre changerait de main, dans ce cas le donataire sera tenu de fournir et livrer douze cordes de bois moitié bois mou moitié bois franc, buchés du printemps et livrables en janvier chaque année au domicile des donateurs pourvu toujours que ce soit dans la paroisse de St. Pie et non ailleurs, aussi scié en bois de poêle, de payer à dame Célina Chicoine épouse de Anselme Gosselin, cent piastres courant dans quatre ans de cette date sans intérêt, de plus de payer encore aux dits Malvina et Emma Chicoine et Adolphe Chicoine à chacun deux cents piastres payables de deux en deux ans à compter du payement fait à la dite dame Gosselin, en commençant par la plus âgée, sans intérêt, et leur vache et mouton livrables en même temps que leur argent, de prendre soin des donateurs tant en santé qu’en maladie aller chercher le prêtre et le médecin et aller les ramener, les frais du médecin seront à la charge des donateurs, quand les donateurs ne pourront plus faire le ménage, le dit donataire sera tenu de leur fournir une fille engagère nourrie et payée par le donataire, de fournir et livrer au besoin et à la demande des donateurs des habillements convenables à chaque saison et suivant leur état, ainsi que des chaussures, bas, coiffes, chapeaux et casques, en un mot les habiller complètement, mais cette servitude de les habiller ne commencera que du moment que les donateurs cesseront de cultiver leur arpent de terre en réserve, de mener et ramener les donateurs avec un bon cheval et bonne voiture à chaque saison pour aller à leurs affaires et promenades, hors le temps des travaux, de nourrir et paccager les chevaux des parents et amis qui viendront visiter les donateurs, atteler et dételer leurs chevaux; les donateurs se réservent le droit de laisser leur partie de maison et la reprendre quand ils voudront, mais pas droit de la souslouer et le droit aussi d’élever des oies à leur profit, sans causer de dommages, de faire inhumer les donateurs à leur décès avec un service à chacun d’eux chanté, sur le corps présent s’il est possible de seconde classe et pareil service à la fin de l’année.
À commencer à payer la dite rente pour les grains avec la récolte de l’été prochain, c’est-à-dire à la St. Michel prochaine, quant aux autres servitudes elles commenceront le printemps prochain et continuer à l’avenir à payer et fournir la dite rente et les dites servitudes aux termes et époques de payement ci-dessus fixés et au décès d’un la dite rente et servitudes diminueront de moitié à l’exception du bois. [ un mot ] l’exception ci-après savoir : s’il arrivait que les donateurs viendraient à mourir d’ici à cinq ans, le donataire sera toujours tenu de payer la dite rente et fournir les dites servitudes, laquelle rente sera pour aider à faire vivre les trois enfants ci-dessous nommées.

Monsieur Jérôme Chicoyne et sa femme Dorothée née Deslandes dit Champigny (1).
Le donataire viendra résider avec les donateurs en mars prochain et vivront chacun à leur appart. Les donateurs fourniront la semence le printemps prochain au donataire et ce dernier s’oblige de payer aux deux aviseurs Petit Beauchemin ce qui leur est dû en capital et intérêt ce que ce dernier dit-il connaître. Le donateur cède et abandonne au dit donataire sa boutique de forge et tous les outils qu’il y aura ainsi que tous les autres outils à bois, pour en prendre possession qu’après le décès du donateur.
La donatrice donne à ses deux filles ci-dessus nommées toutes ses hardes et linge de corps sans réserve excepté que le dit donataire prendra son lit garni tel que ci-dessus.
Il est entendu que comme Adolphe Chicoine a un poulin qui lui est donné par ses dits père et mère il sera hiverné avec le foin susdonné, le dit Adolphe Chicoine prendra un harnois des dimanche quand il prendra son cheval ainsi qu’un sulky et une paire de [ un mot ].
Se réservent expressément les dits donateurs le droit de demander la résolution de la présente donation, faute par le donataire d’en payer le prix et la dite rente et de fournir les charges et obligations.
Et pour l’exécution des présentes les dites parties ont élu domicile en leur demeure susdite, auxquels lieux, etc.
Fait et passé en la cité de St. Hyacinthe, en l’étude de Mtre Blanchard, sous le numéro treize mille huit cent quatre vingt trois de ses minutes et ont les parties signé avec nous, excepté le dit donataire qui a déclaré ne le savoir de ce enquis, le dit sr. témoin a signé avec nous lecture faite.
(Signé) Jérôme Chicoine Dorothée Deslandes, G. Z. Marchesseault, H. R. Blanchard N.P.
Vraie copie de la minute demeurée en l’étude du soussigné (Signé) H. R. Blanchard N.P.
La clause concernant la possibilité d’un décès dans les cinq années suivant la donation ne s’appliqua pas. En effet, le donataire, Alfred, a dû payer la rente et fournir les servitudes pendant encore une quarantaine d’années. Le père Jérôme Chicoine décéda subitement le 14 avril 1905, à l’âge de 90 ans, et fut inhumé le 17 avril dans le cimetière de Saint-Pie, soit trente ans après avoir fait cette donation. La mère, Dorothée Deslandes, décéda quant à elle le 21 avril 1914 à Saint-Hyacinthe, à l’âge de 93 ans, et fut inhumée dans le cimetière de Saint-Pie, le 23 avril, soit près de quarante ans après la donation. Fait à remarquer, la mère d’Alfred et de Jérôme-Adolphe vécut pas mal plus longtemps que ce dernier et l’enterra même en 1910.
Voici une petite précision qui nous aide à comprendre mieux ce que voulait dire une velte de sirop, une velte de mélasse et une velte de whisky. La velte, de l’allemand dialectal Vertel, est une unité de mesure prémétrique française de volume pour des liquides. Une velte valait 8 pintes, soit environ 7,62 litres.
Dans cet acte de donation, nous voyons que Jérôme Chicoine, en plus d’être cultivateur, était aussi forgeron et qu’il possédait une boutique de forge et des outils. D’ailleurs, celui-ci exerça toujours le métier de forgeron. Dans son acte de mariage, en octobre 1839, le curé écrivait : … Jérôme Chicoine forgeron domicilié en la paroisse de Verchères, … . Sûrement que ce métier, ajouté à celui de cultivateur, lui permit de vivre et de faire vivre sa famille un peu plus aisément. Toutefois, à la lecture de l’inventaire des biens des donateurs, nous ne pouvons pas dire que les Chicoine roulaient sur l’or, mais ils n’étaient pas pauvres et avec toute la nourriture que devait leur fournir leur fils Alfred, ils ne moururent pas de faim, mais bien de vieillesse.
Une chose me semble bizarre et je n’en ai pas encore trouvé la raison, c’est le fait que les parents Chicoine ne laissèrent un petit héritage qu’à quatre de leurs enfants : Célina, Jérôme-Adolphe, Malvina et Emma. Alfred a reçu l’ensemble des avoirs des parents. Qu’en est-il de Joseph, Valérie et Michel-Adolphe ? Étaient-ils décédés à ce moment-là, en 1875 ? Peut-être qu’un jour nous retrouverons un petit bout de papier qui nous aidera à comprendre ce qui s’était passé. À suivre peut-être…
(1) COLLECTION ANDRÉE BENOÎT ET RICHARD FLIBOTTE. Saint
Hyacinthe, Photo tirée de l’album personnel de J.A. Chicoyne, p. 48.
*****
Cliquez ici pour retourner à la page d’accueil du site pour lire ou relire d’autres articles.
__________
L’Entraide numérique est un site Web de publication d’articles publié par la Société de généalogie des Cantons-de-l’Est (SGCE) ayant pour objectif le partage des connaissances de nos membres. Il se veut un complément à notre revue L’Entraide généalogique. Ce site Web publie deux fois par semaine, soit les lundis et jeudis, sur des sujets liés à la généalogie, à l’histoire ou au patrimoine québécois. Le site est ouvert à tous, membres et non-membres de la SGCE. On peut s’y abonner sur la page d’accueil du site et ainsi recevoir une infolettre qui vous envoie l’intégralité de chaque article dès sa publication.






Laisser un commentaire