Plateforme de publication d'articles de la Société de généalogie des Cantons-de-l'Est portant sur des sujets liés à la généalogie, à l'histoire et au patrimoine.


L’engouement de nos aïeux pour la photographie – 1 de 2

Nous vous présentons cette semaine un article très intéressant, en deux parties, portant sur les débuts de la photographie. Ce type de documents enrichit grandement de nos jours les recherches généalogiques concernant nos ancêtres. L’auteur est André Lafontaine et son article a été publié dans L’Entraide généalogique il y a plus de 20 ans, soit en 2001. Son angle d’approche se concentre dans la région de Coaticook, près des frontières américaines.

La deuxième partie de l’article vous sera présentée ce jeudi.

Temps de lecture estimé – 10 minutes

*****

La nature, on le sait, a horreur du vide. En histoire, comme dans bien d’autres domaines, l’absence de connaissances et d’informations crédibles laisse un vide que les légendes et les mythes, tel du chiendent, auront tôt fait d’envahir. Reconnaissons que ces deux plaies ont la vie dure.

C’est connu : nos ancêtres ont le dos large. Ils ont été abondamment diffamés. Un chercheur, Louis D. Durant (1), s’emploie à réfuter nombre de ces calomnies et à faire voir aux aïeux sous leur vrai jour. Certains ont voulu en faire des gens rustres et sans culture. C’est mal les connaître. Ils avaient apporté de France l’amour des belles choses, le sens de l’entraide et de l’hospitalité, deux qualités qui étaient alliées à une exquise politesse. Les visiteurs étrangers des XVIIIe et XIXe siècles en seront à la fois charmés et surpris. Combien différent de l’accueil qu’on nous fait chez Oncle Sam, diront-ils.

Fréquemment, comme pour s’excuser de n’avoir pas su conserver les photos anciennes provenant de leurs prédécesseurs, les gens diront :  »Vous savez, autrefois, les habitants, avec leur trâlée d’enfants, n’avaient pas d’argent à consacrer à ces histoires de photos ». On veut nous faire croire qu’ils étaient trop arriérés et incultes pour seulement songer à utiliser la nouvelle invention qui avait vu jour et qui s’appelait la photographie. En ce qui regarde leur prétendue pauvreté, il faut dire qu’elle était toute relative. C’est que de nos jours, on est misérable de ce qui faisait le bonheur de nos grands-parents. Quant à leur supposé manque d’intérêt pour la photographie, nos recherches chez un certain nombre de familles des cantons d’Auckland et de Hereford, étalées sur plusieurs années, nous ont fait découvrir en cette matière un monde d’une richesse insoupçonnée. Par ailleurs, chacune de ces familles n’en déplorait pas moins la perte d’une partie importante de son patrimoine photographique. C’est dire que durant la première partie du XXe siècle, ces gens, supposément incultes, pauvres et quoi encore, tiraient fierté de beaux albums de photos. Albums qu’on remisait soigneusement et qu’on sortait seulement pour les grandes occasions, telle l’arrivée de la parenté des États.

La photographie a été inventée par Niepce, un Français, vers 1820 (la plus ancienne photographie connue remonte à 1822). La rapidité avec laquelle la photographie s’est répandue dans tout l’Occident est certainement l’un des aspects les plus fascinants de son histoire. Ainsi, à peine quelques semaines après la divulgation du procédé de Daguerre le 19 août 1839 à Paris, les premiers daguerréotypes à être produits en terre américaine sont présentés au public. À Québec et à Montréal, il sont introduits à I’automne 1840. Quant aux Cantons-de-l’Est, dès 1843 cette région était régulièrement visitée par des photographes itinérants venant de la Nouvelle-Angleterre.

Depuis un siècle et demi, l’histoire du monde s’écrit en images, et le Québec y participe pleinement. Notre passé photographique est aussi riche que celui de n’importe quel autre pays industrialisé. Partout, dans les patrimoines de famille, les musées régionaux et les dépôts d’archives, ces narrations du temps passé s’accumulent, enrichissant ainsi la mémoire visuelle collective.

Malheureusement, le language de l’image n’a pas encore acquis ses lettres de noblesse. Les photographies subissent donc les assauts du temps et des éléments, le poids de l’ignorance et de l’indifférence. Une incommensurable source de renseignements est en train de mourir de mort lente. Partout le matériel photographique se perd: ignorance de la fragilité, de la valeur historique de ces vieux souvenirs.

II faut lire les journaux du milieu du XIXe siècle pour comprendre l’engouement qu’ont ressenti nos prédécesseurs envers cette incroyable merveille : la technique de «mise en boîte du réel». Pour nos aïeux, la photographie sert à fixer «hors du temps» les êtres pour lesquels on a de la tendresse. Les choses qui suscitent le respect.

Entre 1843 et 1860, vingt-six photographes itinérants, des Américains pour la plupart, se rendent dans la région de Stanstead et Sherbrooke. On peut imaginer que la partie sud du canton de Hereford, déjà peuplée d’anglophones, reçut la visite de ces artistes de la lumière.

Un premier photographe à Coaticook

D’origine irlandaise, né en 1840, Marcellus Daniel Kilburn fut, croyons-nous, le premier photographe à exercer son métier à Coaticook. À Stanstead, en 1874, lorsqu’il épouse Catherine Prish, il déclare habiter Coaticook et exercer le métier d’artiste. En 1906, devant le notaire Chagnon, après plus de 32 ans de métier, il se donne encore le titre «d’artiste».

Artiste, lui et ses collègues le furent en effet. Leurs photos, lorsqu’elles ont été bien conservées, possèdent une gamme de tons très étendue, beaucoup plus étendue que la plupart des photos d’aujourd’hui. Presque toutes les familles des cantons d’Auckland et de Hereford eurent recours à un moment ou l’autre aux services de Kilburn.

À l’époque où il ouvrit son studio, les photos les plus populaires et les moins dispendieuses étaient du type ferrotype ou tintype qu’on désigne de nos jours photos sur zinc. Elles datent généralement des années 1860 à 1890. Elles se vendaient seize pour 50 cents. Seize, c’est le nombre de photos (2-1/4 x 3-1/2) qu’on imprimait sur la feuille de métal. Le photographe les découpait grossièrement avec des ciseaux pour les remettre au client. À l’occasion, on colorait le visage de la personne. Ainsi le photographe pouvait exercer ses talents d’artiste et prétendre que ses photos sont de couleurs. Généralement, ceux qui ont conservé ces ferrotypes sont dans l’impossibilité de les identifier.

David Beloin et Amanda Lefebvre, East Hereford, le 2 septembre 1901.

Kilburn fut un photographe prospère. En 1883, il faisait l’acquisition d’une propriété de douze pièces sur la rue Cutting, près de la rue Main. En 1892, son studio est au numéro 12, rue Cutting. Ses photos, type cabinet (4-1/4” x 6-1/2”), sur carton épais, sont toujours bien identifiées: «M. D. Kilburn, Coaticook, Qué». Elles sont fort répandues. On en trouve même en vente chez des antiquaires de la région. À son décès le 5 novembre 1909, son fils John Prindle aurait prit la relève du père comme photographe. Mais nous n’avons relevé aucune photo portant son nom. Nous savons qu’il émigra à St-Johnsbury au Vermont.

Ndlr: la suite de l’article sera publiée ce jeudi.

Référence générale:
Bernard BELLEAU, “Secure the shadow & the substance fades” : Les photographes itinérants dans les Cantons de l’Est. c. 1843-1862», Revue d’études des Cantons de l‘Est, printemps 1993, no 2, p. 29-41

Notes:

  1. Louis D. DURAND, Paresseux, ignoranrs, arriérés, Édition du Bien Public, 1955. Le lecteur pourra aussi se référer aux deux ouvrages de Philippe AUBERT DE GASPÉ, Les Anciens Canadiens, 1864, 359 p.; Mémoires, 1866, 435 p.
  2. André LAFONTAINE,  »Recherches sur la famille Breault », L’Entraide généalogique, vol. 18, p. 12-23
  3. André LAFONTAINE,  »Une vieille photo “ressuscitée”  », L’Entraide généalogique, Sherbrooke, vol 15, no 2, p. 47-49
  4. Marithé ROY, Visages du Québec, Montréal, 1980, p. 90

*****

Cliquez ici pour retourner à la page d’accueil du site pour lire ou relire d’autres articles.

__________

L’Entraide numérique est un site Web de publication d’articles publié par la Société de généalogie des Cantons-de-l’Est (SGCE) ayant pour objectif le partage des connaissances de nos membres. Il se veut un complément à notre revue L’Entraide généalogique. Ce site Web publie deux fois par semaine, soit les lundis et jeudis, sur des sujets liés à la généalogie, à l’histoire ou au patrimoine québécois. Le site est ouvert à tous, membres et non-membres de la SGCE.



Laisser un commentaire

Armoiries de la Société

À PROPOS DE NOUS

Bienvenue sur L’Entraide numérique, la nouvelle plateforme numérique de publication d’articles de la Société de généalogie des Cantons-de-l’Est. Nous publions deux fois par semaine, les lundis et jeudis.

Nos collaborateurs publient sur des sujets variés liés de près ou de loin à la généalogie, à l’histoire et au patrimoine.

POUR NOUS JOINDRE:

redaction@lentraidenumerique.ca

L’Entraide numérique est toujours à la recherche de bonnes histoires à raconter à nos lecteurs. Que ce soit pour un sujet lié à l’histoire, à la généalogie ou au patrimoine régional, n’hésitez pas à nous envoyer votre article ou encore à nous contacter pour en discuter davantage.

ACCÉDEZ AUX Articles PAR THÈME:

LIENS UTILES:

ARCHIVES PAR MOIS :

ABONNEZ-VOUS À NOTRE INFOLETTRE