Cette chronique traite du patrimoine toponymique de la Ville de Sherbrooke. Ces chroniques régulières nous viennent de Jean-Marie Dubois, membre émérite de la Société de généalogie des Cantons-de-l’Est, et de Gérard Coté, membre de la Société d’histoire et du musée de Lennoxville-Ascot.
Aujourd’hui, nous prenons la direction de l’est de la Ville de Sherbrooke, pour retourner aux origines du parc Adrien-Cambron. Un parc en l’honneur d’un Sherbrookois qui a participé à la mise au point de la bombe atomique.

Source: Commission de toponymie du Québec.
Temps de lecture estimé – 12 minutes
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Adrien-Cambron, Parc
Ingénieur chimiste (1894-1952)
Adrien Cambron est né à Sherbrooke, le 6 mars 1894. Il est le sixième des sept enfants de Célina Dubreuil (Stoke 24-03-1865—Sherbrooke 12-10-1929) et d’Émile (Jacques-Mathieu) Cambron (Namur, Belgique 05-09-1848—Sherbrooke 01-03-1919), maraîcher. Adrien fait ses études primaires à l’école Saint-Jean-Baptiste (fermée en 1981), de 1900 à 1907, puis son cours classique au Séminaire Saint-Charles-Borromée (Séminaire de Sherbrooke depuis 1959), de 1907 à 1916. Il commence son baccalauréat en chimie en 1916 à l’École polytechnique de Montréal puis à l’Université McGill, mais l’interrompt en 1917 pour s’engager volontairement dans l’Aviation royale du Canada, mais ne se rend pas outre-mer. Devenu sous-lieutenant, il est démobilisé en décembre 1918.
Le 11 septembre 1921, il épouse Émilia Roy (Notre-Dame-du-Lac 17-11-1898—Montréal 30-12-1992) en l’église de Notre-Dame-du-Lac (Témiscouata). Le couple a trois enfants : Michel (Montréal 26-06-1922—20..), Émile (New York 24-04-1925—Hudson 08-08-1982) et Hélène (Ottawa 19-10-1933—20..). En 1919, Adrien Cambron revient à l’Université McGill et termine son baccalauréat en génie chimique en 1921, puis sa maîtrise dans le même domaine en 1923. De 1923 à 1926, il effectue des travaux de recherche sur la synthèse de produits organiques pour la Roessler and Hasslacher Chemical Co., à Perth Amboy, au New Jersey. En 1926, il retourne à l’Université McGill et, en 1928, il obtient son doctorat en chimie organique, avec une thèse sur la vulcanisation du caoutchouc, plus précisément sur l’addition de souffre au caoutchouc pour le rendre moins cassant. Il serait le premier Québécois francophone à obtenir un tel doctorat. Il revient travailler pour Roessler and Hasslacher Chemical Co., de 1928 à 1930. En 1930, il devient chercheur associé au Département de chimie du Conseil national de recherches du Canada (CNRC), où il se spécialise en pétrochimie. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il effectue des travaux sur les combustibles, l’oxygène d’éthylène et le caoutchouc synthétique.
De 1942 à 1950, il est chef de la Section de chimie appliquée du Département de chimie du CNRC, puis codirecteur, avec George Sweny, jusqu’à son décès en 1952. Durant son mandat de codirecteur, sa division réussit à développer un catalyseur à l’argent qui puisse produire directement de l’oxyde d’éthylène, une importante matière première de l’industrie chimique.
De 1942 à 1946, Adrien Cambron agit aussi comme secrétaire du Comité directeur du Projet RDX (Research Department Explosive) réalisé dans le cadre d’une collaboration anglo-américano-canadienne visant le développement d’un nouvel explosif puissant appelé à remplacer le TNT dans la fabrication des bombes militaires ; le RDX sera éventuellement fabriqué par la Shawinigan Chemical ltd.
En 1944 et 1945, il collabore au projet nucléaire anglo-canadien de l’Université de Montréal (Montreal Laboratory), réalisé en collaboration avec le Projet Manhattan (bombes atomiques sur le Japon), pour développer un procédé d’extraction du plutonium. En effet, une plaque de bronze installée sur le bâtiment principal de l’Université de Montréal le mentionne parmi les Canadiens impliqués dans le Centre de recherches nucléaires dont les activités sont gérées par le CNRC. En tant que membre du Combined Intelligence Objectives Subcommittees (CIOS), à la fin de la guerre en août 1945, il participe à une mission en Allemagne pour se rendre compte de l’état d’avancement de l’industrie pétrochimique allemande, en ramener aux Alliés les idées novatrices et même voir à recruter des scientifiques.

Autoportrait d’Adrien Cambron. Courtoisie d’Hélène Cambron, Montréal.
En reconnaissance de ses travaux et pour son dévouement à la cause des Alliés, en 1946, il reçoit la Médaille de l’Ordre de l’Empire britannique. Il fait partie de la Société Royale du Canada depuis 1948, de l’Institut de chimie du Canada, de la London Chemical Society et de l’American Chemical Society. Il est détenteur de 17 brevets d’invention et il a publié une vingtaine d’articles scientifiques. Outre son travail, il est aussi président pendant plusieurs années du bureau de direction de l’Orchestre philharmonique d’Ottawa. Il a aussi une passion pour la photographie (voir son auto-portrait) et le tennis.
Il décède à Ottawa, le 22 février 1952 d’une leucémie. Il est inhumé avec son épouse dans le cimetière de la Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal.
Ce parc de quartier d’un peu plus de 1,7 ha jouxte, sans clôture, les emplacements de jeux de l’école primaire Laporte, devenue un pavillon de l’école des Avenues en 2016. Le parc est situé à l’emplacement du prolongement prévu de la 8e Avenue Nord, au nord de la rue Papineau, entre le terrain de l’école, la 7e Avenue, la 10e Avenue et la rue Langlois, construites en 1948. Lors de sa réunion du 1er décembre 1958, le conseil municipal de Sherbrooke attribue le nom de Cambron à ce parc puisqu’il se trouve dans le secteur de la ville où Adrien Cambron est né.
On commence à aménager le terrain du parc la même année et les courts de tennis ainsi qu’une patinoire vers 1961. Vers 1962, on aménage un terrain de baseball, on construit un petit bâtiment de service à l’ouest des tennis et la patinoire temporaire y est installée chaque hiver, au moins jusqu’en 1972. Le 26 février 1981, la Ville agrandit le parc d’une parcelle de 0,5 ha au sud-est pour un total de 1,7 ha en signant un bail de 20 ans pour la somme d’un dollar avec la Commission des écoles catholiques de Sherbrooke (maintenant Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke).
En 1983, le petit bâtiment de service est remplacé par le bâtiment actuel et le parc est équipé de jeux pour les jeunes enfants.
Le conseil attribue le nom actuel lors de sa réunion du 5 septembre 2000. Le toponyme est officialisé par la Commission de toponymie du Québec, le 5 juin 2001. Depuis 2012, c’est un des parcs qui offre un mur aux graffiteurs. Le bail de la parcelle sud-est de 0,5 ha de superficie du parc est venu à échéance en 2000. La Ville acquiert cette parcelle en 2022 du Centre de services scolaire de la Région-de-Sherbrooke. En 2021 et 2022, la Ville réaménage le terrain de balle.
Renseignements
Allard, Ghislain (2012), Des murs offerts aux graffiteurs. Le Journal de Sherbrooke, vol. 9, no 44, 11 juillet 2012, p. 3.
Anonyme (1945), Un Sherbrookois, M. A. Cambron, a travaillé à la mise au point de la bombe atomique. La Tribune, 16 août 1945, p. 1.
Anonyme (1952), Mort d’un savant, ancien Sherbrookois, La Tribune, 23 février 1952, p. 2.
Anonyme (1984), Paroisse St-Jean-Baptiste 1884-1984. Les Albums Souvenirs Québécois, Sherbrooke, p. 81.
Avery, Donald H. (1998), The science of war: Canadian scientists and Allied military technology during the Second World War. University of Toronto Press, Toronto, p. 113-117 et 176-202.
Bail de location par la Ville de Sherbrooke du lot 731pt appartenant à la Commission des écoles catholiques de Sherbrooke signé le 26 février 1981.
Conseil national de recherches du Canada : Fonds sur les activités de recherche d’Adrien Cambron, dont une courte biographie, Ottawa.
Coté, Gérard et Dubois, Jean-Marie (2018), Visages estriens : Sherbrooke, Adrien Cambron. La Tribune, vol. 109, no 34, 31 mars 2018, p. W19.
Coté, Gérard et Dubois, Jean-Marie (2019), Lieutenant Adrien Cambron (1894-1952). In Dubois, Jean-Marie et Samson, Gilles (réd.) Visages estriens – Hommage à nos militaires. Vol. 1, Société de généalogie des Cantons-de-l’Est, Sherbrooke, p. 72-73.
Coté, Gérard et Dubois, Jean-Marie (2019), Adrien Cambron (1894-1952): A Townshipper chemical engineer involved in the Manhattan Nuclear Project in 1944-1945. The Record, 8 avril 2019, p. 2.
Coté, Gérard et Dubois, Jean-Marie (2022), La famille Cambron de Sherbrooke [Émile et Adrien]. L’Entraide généalogique (Société de généalogie des Cantons-de-l’Est), vol. 45, no 2, printemps 2022, p. 17-21.
Encyclopédie Wikipédia (2012) RDX : http://fr.wikipedia.org/wiki/RDX, consulté le 14 août 2012.
Généalogie Québec (2012), Famille Cambron, Fichier Connolly : http://www.genealogiequebec.com/, consulté le 13 août 2012.
Maass, Otto (1952) Adrien Cambron (1894-1952). Proceedings of the Royal Society of Canada, 3e série, vol. 46, p. 79-80.
Mercier, Jean (1964), Autour de Mena’sen. Apostolat de la Presse, Sherbrooke, p. 181.
Photographies aériennes du Gouvernement du Canada de 1945, 1972, 1982, 1984 et 1987 et du Gouvernement du Québec de 1956, 1959, 1960, 1962, 1963, 1966, 1971, 1978, 1979, 1980 et 1988, conservées à la cartothèque Jean-Marie-Roy de l’Université de Sherbrooke.
Renseignements par courriels à Jean-Marie Dubois d’Hélène Cambron-Bruderlein (fille d’Adrien), Montréal, et d’Antoine Théorêt, PhD (chimie-physique), Magog, août 2012.
Renseignements sur le terrain de baseball par Alexandre Gagné, de la Division des parcs et espaces verts de la Ville de Sherbrooke, à Jean-Marie Dubois, le 29 novembre 2022.
Sabourin, Gilles (2020), Montréal et la bombe. Les éditions Septentrion, Québec, p. 201 (nommé p. 75).
Gérard Coté (Société d’histoire et du musée de Lennoxville-Ascot) et Jean-Marie Dubois (Université de Sherbrooke)
23 septembre 2023
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