Plateforme de publication d'articles de la Société de généalogie des Cantons-de-l'Est portant sur des sujets liés à la généalogie, à l'histoire et au patrimoine.


Les vieux métiers – Le fromager

Madame Denise Dodier-Jacques avait écrit dans L’Entraide généalogique une série d’articles connue sous le nom Les Vieux Métiers. Cette série a été publiée il y a une trentaine d’années, en 20 épisodes échelonnés entre 1990 et 1996. Peu d’entre nous se rappellent donc de cette série qui a marqué son époque. Pas moins de quatre de ces articles s’étaient mérités le prix Raymond-Lambert du meilleur article de l’année.

Nous avons retracé les 20 épisodes en question qui vous sont présentés graduellement au fil des prochains mois. Ce douzième article intitulé Le fromager a été publié il y a plus de 30 ans, soit au début de 1994. Il reflète donc l’état des choses à cette époque.

Madame Denise Dodier-Jacques (photo de la revue L’Entraide généalogique 1996 no. 19-1)

Temps de lecture estimé – 13 minutes

*****

LE FROMAGER

La fabrication du fromage n’est pas une invention nouvelle, elle remonte à l’antiquité. Bien sûr, les méthodes d‘alors employées par ces artisans-fromagers n’étaient pas les mêmes qu’aujourd‘hui. Ils ont amélioré peu à peu leurs techniques de travail. Qu’ils s’appellent Abraham Dodier, Polycarpe Dodier ou bien Valère Dodier, les artisans fromagers ont appris les rudiments de leur métier de façon traditionnelle.

Plusieurs légendes existent au sujet de la découverte du fromage, les unes plus belles que les autres, dont celle-ci: «La veille au soir, elle avait laissé une calebasse pleine de lait dans un coin de la caverne. Ce matin, elle y retrouvait une sorte de gâteau blanc baignant dans un liquide jaunâtre. Le lait avait  »tourné ». C‘était normal, mais elle ne pouvait pas le savoir. Elle eut peur… On peut, sans grand risque de se tromper, supposer en effet que la première fée du logis paléolithique à qui survint semblable mésaventure fut effrayée; elle se sentit, par ailleurs, comme Perrette devant sa cruche renversée, «en grand danger d‘être battue». La première surprise passée, elle essaya sans doute de limiter les dégâts en présentant ce mets inattendu de façon appétissante à son chasseur de mammouth. Puis, ayant réussi, elle s’exerça tant bien que mal à renouveler le phénomène. C‘est probablement ainsi que le fromage commença sa carrière » .(1)

Mais en réalité on n’en sait rien, sinon que depuis très longtemps, l’homme sait faire cailler le lait et traiter ce caillé. Les Grecs et les Égyptiens fabriquaient des fromages avec le lait des moutons, des chèvres et des juments. Les Romains en faisaient plusieurs variétés, quelques-unes aromatisées avec des herbes ou des épices. Pour sa part, Aristote décrivait dans ses oeuvres les méthodes de préparation du fromage. Plusieurs personnages, Henri IV, Louis XIV et Napoléon 1er, ont vanté le fromage mais ce n’est qu’au milieu du 19e siècle qu’il obtint une place de choix dans l’alimentation.

Les techniques de fabrication du fromage furent transmises au Canada par les premiers colons venus de France.

Au temps de nos ancêtres, la consommation du  »caillé » ou fromage blanc était bien répandue car c’était l’aliment le plus recherché tant au point de vue économie d’argent et de main-d’oeuvre, qu’au point de vue nourriture.

Sur les fermes où il y a abondance de lait écrémé, la fabrication artisanale du fromage fournit un aliment bon marché et, dans certains villages il est une source de revenus.

Certaines familles de l’Île d’Orléans fabriquaient, dans les années 1950, »un genre spécial de fromage dont le procédé se transmet de génération en génération, depuis peut-être trois cents ans ». (2)

Le fromage est un produit alimentaire obtenu par la coagulation du lait privée ou non de sa matière grasse, suivie ou non de fermentation. Le fromager peut utiliser des produits pour donner un caractère personnel à ses fromages. Il peut aussi les parfumer.

L’amélioration dans le traitement du lait par l’artisan-fromager, a permis une diversité de fromages. Pourtant l’ingrédient de base est toujours le même, le lait de vache, de brebis ou de chèvre. Nous retrouvons sur le marché une grande variété de fromages qui peuvent se regrouper en 4 grandes familles: les pâtes fraîches, les pâtes molles, les pâtes à pâte pressée et les fromages à pâte fondue. Nos fromagers fabriquent d’excellents produits. Les plus connus sont: le camembert, le brie, le roquefort, le parmesan, le cheddar, très apprécié des Québécois.

En prenant l’exemple d’une fromagerie de pâtes molles, on peut supposer qu’un fromager transforme 2 litres de lait, après égouttage et salage, en un fromage non affiné de 400 grammes.

Le fromager doit aimer les tâches manuelles, être précis, avoir l’odorat bien développé, être propre, avoir le sens de l’observation et des responsabilités. Ce métier a plusieurs exigences, entre autres apprendre à contrôler les étapes de sa fabrication, s’assurer de la qualité de ses produits ainsi que du respect des mesures d’hygiène.

Le fromager travaille habituellement dans une fromagerie tandis que l’artisan produit ses fromages chez lui. Les lieux sont propres, bien aérés, éclairés, parfois un peu humide. À la fin du XIXe siècle, des petites fromageries sont d’abord localisées dans les rangs, puis, l’arrivée de la mécanisation entraîne leur centralisation dans les villages. Elles sont des propriétés privées ou collectives.

La fabrication du fromage demandent plusieurs outils: des cuves, des bacs, des moules en bois, (en fer, en plastique ou en osier), des faisselles, des toiles à beurre ou mousseline pour le caillé, des bains à saumure, un hâloir (endroit ventilé), des brosses, des clayettes, des étagères, des caves d’affinage, un tranche-caille, une presse hydraulique et des thermomètres.

Faire du fromage de façon traditionnelle implique quatre principaux stades: – la coagulation ou caillage du lait par acidification, soit par l’action de la présure (ferment extrait de la caillette des jeunes ruminants) ou par un extrait commercial; – l’égouttage, opération importante à maîtriser, car, de cette opération dépendent la texture et l’évolution du caillé; – le moulage, avec ou sans pression, est l’opération qui donne sa forme au fromage et permet l’évacuation des résidus de petit-lait; – l’affinage, c’est l’achèvement de la maturation des fromages, cette opération demande toute l’habileté du fromager.

Le fromage fait avec du lait écrémé sûr se prépare facilement, rapidement et sa fabrication en petite quantité n’exige aucun appareil spécial. Autrefois, on en fabriquait dans la plupart des fermes. La préparation de ces fromages à la pie est très simple. En effet, il s’agit de laisser reposer le lait quelques heures dans un endroit frais pour que la crème ait le temps de monter avant la coagulation. On enlève la crème. Plus tard, après 18 ou 24 heures lorsque le lait est caillé, on enlève le petit-lait. Le caillé est déposé dans des moules en osier, en fer battu ou en terre pour l’égouttage qui se fait assez rapidement. Le gâteau restant dans le moule forme le fromage mou, à la pie ou encore le fromage blanc que l’on assaisonne avec du sel, des épices, des herbes. Ce fromage ne peut être conservé que quelques jours au froid.

Le petit-lait (lactosérum) qui s’égoutte du lait caillé peut être employé comme ingrédient dans une garniture pour tarte. On peut aussi en faire un breuvage avec une addition de sucre et de jus de citron, que l’on coule et refroidit avant de servir.

L’art de la fabrication de fromages a beaucoup évolué, nous n’en sommes plus à l’événement de la calebasse de lait. Les gens intéressés à la fabrication de fromages peuvent suivre le cours de niveau collégial  »technologie alimentaire : produits laitiers » à l’Institut de technologie agro-alimentaire de St-Hyacinthe.

Les fromagers produisent des fromages qui varient tant par la nature du lait que par le mode de fabrication. Les habitudes alimentaires des consommateurs changent, les fromagers doivent s’adapter. De nouveaux fromages font leur apparition régulièrement. En effet, un premier fromage cheddar agrobiologique apparaîtra bientôt dans les magasins.

Selon l’article de B. Gosselin en 1991, les canadiens consommaient environ 7 kg de fromage annuellement comparativement à 3 kg, 10 ans plus tôt. Au rythme où va la consommation du fromage, le métier de fromager ne disparaîtra certainement pas!

Bibliographie
(1) Bérard, Léone, Le livre des fromages et de leurs à-côté, Éd. La Courtille, France, 1978.

(2) La cuisine raisonnée, Québec, L‘Action Sociale limitée, p. 128-129, p. 389-391.

Autres sources
*Evette, Jean-Luc, La fromagerie, Presse universitaire de France, 1975.

*Encyclopédie Grolier, tome V, La Société Grolier ltée, 1954, p. 151.

*Document fourni par la Société québécoise de développement de la main-d’oeuvre de l’Estrie.

*Métiers d‘art et de traditions, Larousse, Imprimerie Maury, France, 1986.

*Mathey H, Thuot A.M., Colinet C., Pour réussir le fromage, Éd. 1985, traduction française, Paris, 1987.

*Gosselin, Bertrand, Le fromage. un mets préhistorique.

*Prince, Gérald, 10 producteurs laitiers du Centre du Québec lancent un fromage biologique, article publié dans La Tribune, 17 novembre 1993.

*****

Cliquez ici pour retourner aux articles précédents de cette série.

Cliquez ici pour retourner à la page d’accueil du site pour lire ou relire d’autres articles.

__________

L’Entraide numérique est un site Web de publication d’articles publié par la Société de généalogie des Cantons-de-l’Est (SGCE) ayant pour objectif le partage des connaissances de nos membres. Il se veut un complément à notre revue L’Entraide généalogique. Ce site Web publie deux fois par semaine, soit les lundis et jeudis, sur des sujets liés à la généalogie, à l’histoire ou au patrimoine québécois. Le site est ouvert à tous, membres et non-membres de la SGCE. On peut s’y abonner sur la page d’accueil du site et ainsi recevoir une infolettre qui vous envoie l’intégralité de chaque article dès sa publication.

Cette image a un attribut alt vide ; le nom du fichier est image-1.png


Laisser un commentaire

Armoiries de la Société

À PROPOS DE NOUS

Bienvenue sur L’Entraide numérique, la nouvelle plateforme numérique de publication d’articles de la Société de généalogie des Cantons-de-l’Est. Nous publions deux fois par semaine, les lundis et jeudis.

Nos collaborateurs publient sur des sujets variés liés de près ou de loin à la généalogie, à l’histoire et au patrimoine.

POUR NOUS JOINDRE:

redaction@lentraidenumerique.ca

L’Entraide numérique est toujours à la recherche de bonnes histoires à raconter à nos lecteurs. Que ce soit pour un sujet lié à l’histoire, à la généalogie ou au patrimoine régional, n’hésitez pas à nous envoyer votre article ou encore à nous contacter pour en discuter davantage.

ACCÉDEZ AUX Articles PAR THÈME:

LIENS UTILES:

ARCHIVES PAR MOIS :

ABONNEZ-VOUS À NOTRE INFOLETTRE