Nous continuons aujourd’hui notre nouvelle chronique sur »Les Vieux Pays », provenant des archives de notre revue L’Entraide généalogique à la Société de généalogie des Cantons-de-l’Est. Au cours des mêmes années pendant lesquelles nous avions publié la série »Les vieux métiers » de Denise Dodier-Jacques au début des années 1990, Michel Thibault avait initié une autre série intitulée »Les vieux pays ». Nous laissons à Monsieur Thibault le soin de nous la présenter dans son introduction plus bas sur cette page.
Nous vous rappelons que nous continuons toujours de publier la série »Les vieux métiers » de Madame Dodier-Jacques sur notre site. Nous en sommes présentement à un peu plus de la moitié de sa série de 20 articles. Cette nouvelle série consacrée aux vieux pays comptera 12 épisodes au cours des prochains mois.
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Cette nouvelle chronique a pour but de faire connaître les pays d‘origine de nos ancêtres, ces »provinces » ou régions dont on connaît souvent les noms sans toutefois trop bien savoir s’il s’agit d’une entité administrative (gouvernement, généralité, etc…) ou purement géographique ( »pays »). Nous allons essayer d’en préciser quelque peu la nature, les origines, et les particularités, en mettant une certaine emphase sur les régions moins connues ou plus complexes.
LA NAVARRE
Henri IV, roi de France et de Navarre: qui d’entre nous ne s’est pas interrogé au sujet de cette énigmatique Navarre dont le «bon roi Henri» aurait été le souverain? Pour ceux qui se posent toujours la question, voici un aperçu.
Le royaume de Navarre fut formé vers le début du 9e siècle par un seigneur basque nommé Inigo Arista, dans une région du nord de l’Espagne à la limite d’une influence musulmane périclitante. Appelé Royaume de Pampelune, d’après sa capitale (Pamplona, en espagnol), il prendra le nom de Navarre vers la deuxième moitié du 12e siècle. La plus grande partie du pays se trouve au sud des Pyrénées, d’où il s’étend jusqu’à la vallée de l’Ebre; mais il comprend également, du côté nord, la Basse-Navarre, appelée officiellement Tierra de Allién Puertos.

La Navarre, au nord de l’Espagne, juste à la frontière avec le sud de la France.
La population navarraise est cosmopolite, de langue euskarienne (basque) dans le nord, espagnole dans le sud. Parmi ces gens subsistent des minorité maures (musulmanes) et juives, notamment à Tudèle; elles sont protégées par les rois de Navarre alors qu’on les persécute ailleurs. On y trouve également des communautés de «Francos» – i.e. des «Francs» (Gascons et autres Français).
La situation géographique de ce petit royaume est très stratégique: état tampon coincé entre la Castille, l’Aragon et l’Aquitaine (française ou anglaise, suivant l’époque), il domine par ailleurs les voies de communication principales des Pyrénées occidentales, ce qui est d’une importance considérable pendant les siècles où le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle est le plus important en Europe, sans oublier les raisons commerciales et politiques habituelles.
La Navarre changera plusieurs fois de dynastie, suite à la succession de filles à défaut de fils. Ainsi, le mariage de Blanche de Navarre au comte Thibault 1 (IV de Champagne) en 1234. C’est depuis cette époque que le français s’ajoute à l’espagnol comme langue administrative du royaume. C’est d’ailleurs depuis ce moment que presque tous les rois successifs de Navarre seront d’origine française.

En 1484, la Navarre passe à la maison d’Albret par l’union de l’héritière Catherine à Jean d’Albret. Les d’Albret sont parmi les seigneurs les plus puissants de France, puisqu’ils possèdent, outre le royaume souverain de Navarre, le Béarn, le comté de Foix, la plus grande partie de la Gascogne (Albret, Armagnac), le Périgord et le Limousin, pour n’en nommer que les plus gros morceaux.
Cependant, si la famille royale est bien nantie de terres, le royaume lui-même est condamné. En 1512, les “Rois catholiques”, Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille, envahissent et occupent en permanence toute la partie de la Navarre qui est située au sud des Pyrénées. Le mariage de Ferdinand et d’Isabelle et leur succession aux couronnes des deux royaumes d’Aragon et de Castille avaient créé le royaume d’Espagne. Le couple royal a ensuite étendu cette Espagne à ses limites ultimes par la conquête de Grenade (dernier état musulman de la péninsule ibérique) en 1492. En cette même année, il décrète l’expulsion des juifs et des musulmans de tous ses domaines et finance les explorations d’un navigateur génois nommé Christophe Colomb, avec les résultats que l’on sait.
Impérialistes convaincus, Ferdinand et Isabelle prennent donc les grands moyens pour éliminer cette enclave sous influence française de la péninsule. Malgré les efforts répétés de ses souverains légitimes, la Navarre méridionale demeurera espagnole, annexée formellement à la couronne de Castille par Charles Quint en 1530.
Du royaume de Navarre, il ne subsiste que la petite province basque de Basse-Navarre, pas plus étendue qu’une M.R.C. des Cantons-de-l’Est. La capitale en est Saint-Jean-Pied-de-Port. Cependant, il s’agit toujours d’un royaume souverain, ce qui permet à son héritier ultime, Henri III, de s’intituler roi de Navarre, même s’il demeure vassal de France pour l’immense majorité de ses territoires. Henri III de Navarre devient Henri IV de France en 1589, suite à l’extinction de la lignée des Valois-Angoulême. Sorti vainqueur de la guerre civile qui l’oppose à la Ligue catholique des Guise, il pourra instaurer la paix générale et la tolérance religieuse en France et, on le sait, entreprendre un peu d’expansion outre-mer en y envoyant explorer un certain Samuel de Champlain, entre autres.
En 1607, Henri IV réunit officiellement l’héritage des d’Albret au domaine royal, à l’exception du Béarn et de la Navarre. Mais en 1620, sous le règne de Louis XIII, ces deux territoires sont formellement annexés et le dernier vestige du royaume de Navarre cesse d’exister. Au niveau civil, le pays sera éventuellement rattaché à la Généralité d’Auch, créée en 1716, mais le Gouvernement du Béarn et Navarre subsistera jusqu’à la Révolution. À cette époque, il formera, avec le restant du Pays Basque français, le département des Basses-Pyrénées (aujourd’hui, Pyrénées-Atlantiques).
Quant à la Haute-Navarre, elle forme toujours la province espagnole de Navarra, avec la même capitale de Pamplona, tout comme il y a près de 1200 ans, à l’époque où le guerrier légendaire Inigo Arista affichait son indépendance vis-à-vis des Maures.
Bibliographie sommaire
- Allières, J. : Les Basques, 1977, P.U.F., Que sais-je?
- Bordonove, G. : Les rois qui ont fait la France: Henri IV, 1981, Éd. Pygmalion, coll. Marabout Université
- Cerati, M. : Marguerite de Navarre, 1981, Éd. du Sorbier
- Pemoud, R. : La formation de la France, 1966, P.U.F., Que sais-je?
- Tucoo-Chala, P. : Histoire du Béarn, 1970, P.U.F., Que sais-je?
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