Nous continuons aujourd’hui cette nouvelle chronique sur »Les Vieux Pays », provenant des archives de notre revue L’Entraide généalogique à la Société de généalogie des Cantons-de-l’Est. Au cours des mêmes années pendant lesquelles nous avions publié la série »Les vieux métiers » de Denise Dodier-Jacques au début des années 1990, Michel Thibault avait initié une autre série intitulée »Les vieux pays » pour mieux connaître les origines européennes de nos ancêtres. Voici aujourd’hui le troisième épisode de cette série.
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LES DEUX LUXEMBOURG
L’ancien duché de Luxembourg est aujourd’hui divisé entre deux états souverains: à l’est, le Grand-Duché de Luxembourg, à l’ouest, la province belge du même nom.
C’est en 1060 qu’un dénommé Conrad, descendant des anciens comtes des Ardennes, prit le titre de comte de Luxembourg. Le comté sera érigé en duché en 1354 par l’empereur d’Allemagne Charles IV. La ville dont le pays prenait le nom deviendrait une des places fortes les plus impressionnantes d’Europe, le “Gibraltar du nord”; ses fortifications ne seront démantelées qu’en 1867. Le nom original en était Lucilinburg (petite forteresse), devenue Lützelburg, puis Luxemburg (en allemand), Luxembourg (en français) ou encore Letzeburg (en luxembourgeois).
L’importance stratégique de l’endroit n’a rien d’étonnant, puisque le pays en a toujours été un de transition: c’est là que se rencontrent les Ardennes et le plateau de Lorraine, les langues française et allemande, voire l’Europe occidentale et l’Europe centrale.

Cédé vers 1440 à Philippe le Bon, duc de Bourgogne, le duché de Luxembourg passera dans la succession des Habsbourg avec le restant de ce qu’on appelait les “Pays-Bas” (Belgique, “Hollande”) par le biais du mariage de Marie de Bourgogne et de Maximilien de Habsbourg en 1477. Vers 1555, lors de la division de l’héritage de Charles Quint, les Pays-Bas deviendront espagnols. Cependant, l’intolérance religieuse des autorités espagnoles envers la Réforme protestante mènera à la révolte et à l’indépendance des Provinces-Unies du nord, soit le Royaume des Pays-Bas d’aujourd’hui, que nous appelons habituellement, mais à tort, la Hollande. En effet, la Hollande réelle n’est qu’une région restreinte du pays.
La sécession des “Hollandais” ne laissait à l’Espagne que ce qui constitue la Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg actuels. Restés très catholiques, le sud des Pays-Bas ne voyait aucun intérêt à s’associer aux calvinistes du nord.
Au cours du 17” siècle, les guerres de Louis XIV verront l’annexion à la France de plusieurs villes de la région. La ville de Luxembourg fut elle-même capturée en 1684; elle ne fut rendue à l’Espagne qu’au traité de Rijswick en 1697.
Les réaménagements du traité d’Utrecht en 1713 (le même qui laissait à la Grande-Bretagne l’Acadie, Terre-Neuve et la baie d’Hudson) incluèrent la cession des Pays-Bas espagnols à l’Autriche. Près d’un siècle plus tard, le Congrès de Vienne réorganisait l’Europe suite aux péripéties de l’aventure napoléonienne: après avoir été annexés à la France, les Pays-Bas autrichiens étaient cédés au Royaume du Pays-Bas, la “Hollande”. Le caractère indépendant des méridionaux catholiques et l’attitude impérialiste qu’ils percevaient chez les calvinistes du nord aboutirent à la révolution de 1830. En 1831, deux nouveaux états souverains sont créés: le Royaume de Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg. De plus, l’ancien Luxembourg est désormais divisé: la plus grande partie, de langue surtout française est située à l’ouest, forme la province belge de Luxembourg. Le Grand-Duché ne conserve que l’est, de langue allemande. Par ailleurs, il perd aussi tous ses territoires situés à l’est des rivières Moselle, Sûre et Our ce qui lui donne une frontière physique définie avec l’Allemagne.
Ce Grand-Duché réduit obtenait ainsi son indépendance, tout en conservant pendant quelque temps le roi des Pays-Bas comme souverain. En 1890, cependant, la succession passera à la maison de Nassau-Weilburg et le mariage de la grande-duchesse Charlotte à Félix de Bourbon-Parme au début du XXe siècle fera de ses successeurs des Bourbon, descendant en ligne directe de Louis XIV.
Aujourd’hui, donc, le Luxembourg francophone forme la province la plus grande et la plus méridionale de la Belgique et plus précisément de la Wallonie. Quant au Grand-Duché, le dernier état à caractère monarchique dont le souverain ne porte pas le titre de roi, reine ou de prince(sse), il possède 3 langues officielles dont le français et l’allemand étaient reconnus tels dès 1830. En 1939, on leur ajoutait le luxembourgeois (“Letzeburgesch”), le dialecte moyen-allemand qui est la langue naturelle du pays.
Il importe donc aux généalogistes de se rappeler que tel ancêtre “luxembourgeois” peut bien avoir été originaire de la Belgique ou de l’Allemagne, voire même de la France d’aujourd’hui, puisque le Luxembourg historique était considérablement plus étendu que le Grand-Duché actuel.
Bibliographie sommaire:
- Davenport, William W.: Belgium, The five little countries of Europe, American Geographical Society, Around the World Program, 1963.
- Dhondt, Jean: Histoire de la Belgique, Presses Universitaires de France, Collection »Que sais-je? », 1968.
- Encyclopedia Britannica, 1968: Belgium.
- Encvclopedia Britannica, 1968: Luxemburg.
- Guides Verts Michelin: Belgique et Grand-Duché de Luxembourg, 3e édition, 1983.
- Henrot, Thérèse: Belgique; Ed. du Seuil, Coll. Petite Planète, 1958
- Sherman, Charles L.: The five little countries of Europe, American Geographical Society, Around the World Program, 1963.
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