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Émilie Fortin et Pierre-Nolasque (Jack) Tremblay, du Lac-Saint-Jean au Yukon – 1ère partie

Le 6e article de l’hommage à notre confrère Denis Beaulieu qui a dirigé la revue L’Entraide généalogique pendant plus d’une décennie est la première partie de deux volets, publiés dans la revue L’Entraide généalogique au printemps 2017. Il raconte la vie de deux québécois du Lac-Saint-Jean, Émilie Fortin et Pierre-Nolasque (Jack) Tremblay, attirés par la ruée vers l’or du Klondike.

En 2016, Denis et son épouse, lors d’un voyage personnel au Yukon, étaient retournés sur les traces de ce couple historique. Plusieurs photos de Denis accompagnaient l’article original. Quelques-unes sont reproduites ici dans cette version Web.

Temps de lecture estimé – 9 minutes

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Prospecteurs franchissant le col Chilkoot en 1898 (Source: Wikipédia)

Qui n’a pas entendu parler de la ruée vers l’or du Klondike. Ce fut une période de folle aventure au Yukon et principalement à Dawson. Des histoires d’horreur, il y en a eu beaucoup plus que des histoires de fortune. Parmi les réussites, nous pouvons mentionner le cas d’Émilie Fortin et de Pierre-Nolasque (Jack) Tremblay, deux Canadiens français, originaires du Lac-Saint-Jean. Voici leur histoire telle que l’a racontée madame Tremblay et que le Père Marcel Bobilier o.m.i., missionnaire à Dawson, l’a décrite dans son livre Une Pionnière du Yukon, publié en 1948 par la Société historique du Saguenay, à Chicoutimi.

Qui était Émilie Fortin?

Émilie Fortin était la fille de Cléophas Fortin et d’Émilienne Tremblay. Cléophas est né et fut baptisé le 19 juillet 1841 à Saint-Urbain, dans Charlevoix. Le 8 mai 1865, en l’église de Saint-François-Xavier à Chicoutimi, il épousa Émilienne Tremblay, fille de Jean Tremblay et de Josette Dufour. Émilienne Tremblay en était à son deuxième mariage puisque le 17 avril 1860, en cette même église de Chicoutimi, elle avait épousé Guillaume Gauthier, lequel est décédé le 10 novembre 1861; il était âgé d’environ 24 ans.

Acte de baptême d’Émilie Fortin le 7 janvier 1872, paroisse Notre-Dame
d’Hébertville, 1872.
(Source: Généalogie Québec)

Dans son livre Une Pionnière du Yukon, le Père Bobilier écrit : Madame Émilie Tremblay naquit le 4 janvier 1872 à Saint-Joseph-d’Alma, Lac-Saint-Jean, Province de Québec.  Par la suite, toute la littérature au sujet de madame Tremblay, Émilie Fortin, a répété la même information. Toutefois, en vérifiant les registres paroissiaux de la région, nous retrouvons l’acte de baptême d’Émilie Fortin à la paroisse Notre-Dame d’Hébertville, en date du 7 janvier 1872. L’acte mentionne qu’Émilie est née « l’avant-veille », soit le 5 janvier.

Ainsi, Émilie Fortin est née le 5 janvier 1872 à Hébertville, au Lac-Saint-Jean, et fut baptisée le 7 janvier à l’église de Notre-Dame.

Six mois après la naissance d’Émilie, la famille Fortin déménagea à Chicoutimi, où sa mère devint institutrice. Deux ans plus tard, les Fortin quittèrent le Lac-Saint-Jean pour aller s’installer à Québec où ils demeurèrent une dizaine d’années. Émilie fit son école primaire au couvent des Sœurs de la Congrégation de Saint-Roch. En 1887, la famille Fortin émigra aux États-Unis et s’établit à Cohoes, dans l’État de New York. C’est là qu’à l’été de 1893, Émilie, alors âgée de 21 ans, fit la connaissance de Pierre-Nolasque Tremblay. Les fréquentations ne furent pas de longue durée, puisque le 11 décembre 1893, Monseigneur Louis-Marcel Dugas mariait en l’église Saint-Joseph de Cohoes, Pierre-Nolasque Tremblay et Émilie Fortin. Dans les registres de la paroisse Saint-Joseph de Cohoes, nous retrouvons bien leur date de mariage. Pierre-Nolasque était âgé de 33 ans et Émilie, de 21 ans.

Qui était Pierre-Nolasque Tremblay?

Pierre-Nolasque Tremblay était le fils de Philibert Tremblay et d’Éléonore (Léonarde) Potvin qui s’étaient mariés le 5 août 1850 à Les Éboulements, dans Charlevoix. Comme l’indique leur acte de mariage, Philibert Tremblay était « veuf » et Éléonore Potvin « veuve ». En effet, Philibert Tremblay avait épousé Marie Gauthier le 12 janvier 1841 à Les Éboulements; cette dernière décéda le 24 août 1849 et fut inhumée au même endroit le 26 août. De son côté, Éléonore Potvin avait épousé Wenceslas Leuret Rochefort le 9 février 1847 à Baie-Saint-Paul et un garçon, Xavier, était né de ce mariage, le 16 novembre 1847 à Les Éboulements. Par la suite, Wenceslas décéda.

Acte de baptême de Pierre Tremblay le 31 janvier 1860 à Saint-François-Xavier, Chicoutimi (Source: Généalogie Québec)

Pierre-Nolasque Tremblay fut baptisé le 31 janvier 1860 à l’église de Saint-François-Xavier à Chicoutimi. L’acte de baptême ne nous dit pas quand Pierre est né. Toutefois, l’inscription sur son monument funéraire indique qu’il est né le 30 janvier 1860. À remarquer aussi que l’acte de baptême ne mentionne que le prénom de « Pierre », on n’y voit pas le prénom de « Nolasque ». De plus, l’acte nous dit que la famille Tremblay vivait dans la paroisse de Saint-Anne de Chicoutimi-Nord.

Selon le Père Bobilier, Pierre-Nolasque n’aimait pas la terre, alors il quitta Chicoutimi à l’âge de 21 ans, soit en 1881. En 1886, il arriva au Yukon où il semble que la fortune lui sourit, car il fut l’un des quatre premiers mineurs du Yukon à trouver 10,000 piastres sur le ruisseau aurifère de Miller, affluent de la rivière Sixtymile.

À l’été de 1893, après sept ans de durs travaux qui lui rapportèrent une petite fortune, Pierre-Nolasque, Jack comme on l’appelait, décida d’aller visiter ses parents et amis du Québec. Comment il fut amené à Cohoes N-Y, nous ne le savons pas, mais chose certaine, c’est là qu’il rencontra la jeune Émilie Fortin. Comme nous l’avons vu, il épousa Émilie le 11 décembre 1893. Toujours selon le Père Bobilier, après un court voyage à Montréal, Québec, Chicoutimi et surtout Saint-Anne, où vivait la famille Tremblay, le jeune couple partait le 5 mars 1894 pour le Yukon, dans un voyage de noces de plus de 5,000 milles.

Leurs premières années de mariage, 1894-1898

Dans le livre du Père Bobilier, madame Tremblay raconte les péripéties de leur long voyage vers le Yukon : Seattle, Vancouver, Skagway, la Chilcoot Pass, le Lac Bennett, le Miles Canyon et les rapides de Whitehorse, le Lac Laberge, la descente du fleuve Yukon, Dawson, Fortymile et finalement Miller Creek. Le voyage jusqu’à Fortymile dura plus de trois mois; ils y arrivèrent le 16 juin 1894.

Carte de Skagway à Fortymile (Source: Marcel Bobilier, O.M.I.)

Le Lac Bennett, à Carcross (Collection Denis Beaulieu)

C’était la deuxième fois que Pierre-Nolasque traversait le fameux col Chilcoot. Pour Émilie, c’était la première fois, mais comme le dit le Père Bobilier : Madame Tremblay ne prétend pas être la première femme blanche qui soit arrivée au Yukon. … Aux Sœurs de Sainte-Anne revient l’honneur d’être entrées les premières en Alaska par l’embouchure du Yukon, en 1888, quand elles fondèrent la mission Holy Cross; … Mais Madame Tremblay est la première femme blanche qui ait traversé la Chaîne de la Côte du Pacifique [les Coast Mountains] par la Chilcoot Pass et soit arrivée dans la région de Dawson en descendant le fleuve Yukon.

Dès qu’ils furent arrivés et installés à Miller Creek, Jack reprit ses travaux miniers. Ici, il faut dire qu’après un an d’absence Jack a pu reprendre les concessions minières sur lesquelles il avait déjà travaillé et qui étaient très riches en or.

Après un an de dur labeur, les résultats des travaux miniers étant très satisfaisants, les Tremblay décidèrent de faire un voyage aux États-Unis et au Québec. Ainsi, au début du mois d’août 1895, ils partirent de Miller Creek pour se rendre d’abord à Fortymile, puis à Seattle. Le voyage de Fortymile à Seattle leur prit trente-huit jours. De la côte du Pacifique, ils se rendirent à Cohoes, dans l’État de New York, où Émilie a pu revoir toute sa famille.

Après quelques semaines à Cohoes, ils allèrent à Montréal et Québec. En janvier 1896, ils passèrent le jour de l’an à Sainte-Anne de Chicoutimi, chez les parents de Pierre-Nolasque. Au mois de février, ils étaient de retour à Cohoes et après quelques mois, Jack désirait retourner à Miller Creek.

Toutefois, la mère d’Émilie étant très malade, le médecin leur conseilla d’attendre, car elle pouvait mourir d’un moment à l’autre. Ils attendirent jusqu’à l’année suivante et quand sa mère décéda au début de 1898, les bruits de la course à l’or du Klondike commençaient déjà à se répandre.

Leur retour en pleine ruée vers l’or, 1898

Après un voyage d’adieux à Chicoutimi, en mars 1898, ils reprirent la route pour le Klondike et lorsqu’ils arrivèrent à Skagway et au pied du col Chilcoot, des milliers de chercheurs d’or et d’aventuriers les avaient déjà précédés, des milliers d’autres tentaient de traverser le col et encore des milliers allaient les suivre plus tard. C’est pendant qu’ils campaient au pied de la dernière côte qu’eut lieu la fameuse avalanche de Pâques 1898 qui ensevelit soixante-quatorze personnes.

Madame Émilie Tremblay dans l’Eldorado, en 1898. À la tête du cheval :
Edmond Tremblay, neveu de Jack Tremblay, en arrière : Télesphore Simard
de la Baie-Saint-Paul
(Source: Société historique du Saguenay)

Pour avoir une très bonne idée de cette période historique, je vous suggère d’aller sur Google, de taper la ruée vers l’or et de lire l’article d’une quarantaine de pages présentée par Wikipédia. Tout y est!

Au cours de ce second voyage, des parents de Cohoes et du Saguenay s’étaient joints aux Tremblay. En plus des provisions pour dix-huit mois, Jack et Émilie apportèrent plus de 8 000 kilos de marchandises diverses, dont 3 400 kilos de tabac, 150 paires de bottes sauvages et différents articles répondant aux besoins des chercheurs d’or. Vingt-deux chiens de traîneau aidèrent Jack et son groupe à transporter tout ce matériel au-delà des montagnes. Ils arrivèrent à Dawson, au confluent de la rivière Klondike, alors que la fièvre de l’or battait son plein.

À leur arrivée à Dawson, il était déjà trop tard pour prendre des concessions sur les ruisseaux les plus riches et en particulier sur la Bonanza. De plus, après plus de deux ans et demi d’absence, il semble bien que Jack ait perdu tous ses droits de concessions minières à Miller Creek.

Voici comment madame Tremblay décrit le travail de son mari au cours des années suivantes :

De 1898 à 1913, mon mari courut les montagnes et les vallées du Klondike, en prospecteur et exploiteur de mines. Il travailla surtout sur l’Eldorado et le Bonanza qui étaient les meilleurs ruisseaux aurifères de toute la région. L’Eldorado fut le plus riche de tous.

Durant l’hiver de 1898-1899, Jack fut surintendant de l’exploitation de la concession numéro 17, en haut de l’Eldorado, dont la richesse lui donna un nom fameux. Cette concession appartenait à Narcisse Picotte et Jim Hall. Il recevait un salaire de 5,000 piastres par an. Plus tard, sur mes conseils, Jack acheta des concessions sur le numéro 14 d’en haut du Bonanza et y mina à son compte pendant plusieurs années.

Je dois avouer que nous n’avons pas eu beaucoup de chance, surtout durant les dernières années. Nous avons trouvé de l’or, oui, mais souvent nous n’en avons trouvé que pour couvrir nos dépenses. Il est vrai que nous ne vivions pas chichement et que nous n’avons jamais manqué de rien. La vie de plus a toujours été très chère dans le Nord, par suite de la distance et des frais de transport.

Durant toutes ces années, monsieur et madame Tremblay accueillirent tous les missionnaires qui venaient dans la région. Leur maison était l’hôtellerie des prêtres. Monseigneur Bunoz décerna même à Madame Tremblay le titre de Mère des prêtres et elle le mérita bien des fois, nous dit le Père Bobilier.

De plus, avant de venir s’installer à Dawson, lorsqu’elle était en région, sur les concessions minières, madame Tremblay a agi à bien des reprises comme garde-malade et sage-femme et même marraine pour les enfants qu’elle mettait au monde.

En 1906, monsieur et madame Tremblay, ayant fait quelques économies, firent un voyage de quatre mois en Europe. Ils visitèrent la France, la Belgique et l’Italie. À leur retour, ils passèrent quelque temps au Saguenay et à Cohoes avant de faire, pour la troisième fois dans le cas de madame Tremblay, le voyage de retour jusqu’à Dawson.

Monsieur et madame Tremblay en 1906 (Source: Marcel Bobilier, O.M.I.)

À leur retour, Jack Tremblay poursuivit, pendant encore quelques années, ses travaux de prospecteur et de mineur.

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La deuxième partie de cet article sera publiée demain.

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2 réponses à « Émilie Fortin et Pierre-Nolasque (Jack) Tremblay, du Lac-Saint-Jean au Yukon – 1ère partie »

  1. Avatar de gillesbsamsonoutlookcom
    gillesbsamsonoutlookcom

    Encore un autre article qui capte mon attention et suscite mon intérêt. Merci!

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