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Émilie Fortin et Pierre-Nolasque (Jack) Tremblay, du Lac-Saint-Jean au Yukon – 2e partie

Dans la deuxième partie de cet article que nous avons scindé en deux volets pour les besoins du Web et qui a été publié dans la revue L’Entraide généalogique en 2017, Denis continue de raconter la vie de ces deux québécois du Lac-Saint-Jean, attirés par la ruée vers l’or du Klondike.

En 2016, Denis et son épouse, lors d’un voyage personnel au Yukon, étaient retournés sur les traces de ce couple historique. Plusieurs photos de Denis accompagnaient l’article original. Quelques-unes sont reproduites ici dans cette version Web.

Voici l’hyperlien de la première partie pour ceux et celles qui l’auraient manquée.

Temps de lecture estimé – 10 minutes

*****

Dawson, de 1913 à 1935

Comme le raconte madame Tremblay, en 1913, comme nous avions perdu beaucoup d’argent dans des spéculations minières et que mon mari se faisait déjà vieux , ils déménagèrent à Dawson où elle ouvrit un petit commerce de nouveautés, sur la troisième avenue, au coin de King’s Street. C’est là qu’ils vécurent jusqu’au décès de Pierre-Nolasque, en 1935. Puis elle y vécut seule jusqu’en 1940. Madame Tremblay avait commencé sa carrière de commerçante durant la course à l’or en 1898. Comme nous l’avons vu plus haut, les Tremblay avaient apporté une grande quantité de marchandises que madame Tremblay vendit dès son arrivée à Dawson, sur la rive du fleuve. Le magasin, MADAME TREMBLAY’S STORE, fonctionna de vingt-cinq à trente ans et est demeuré l’un des points caractéristiques du vieux Dawson.

À gauche: Le magasin de Madame Tremblay, elle est à gauche, (Source: Société historique du Saguenay). A droite: Le magasin de Madame Tremblay, aujourd’hui, à Dawson (Collection Denis Beaulieu)

Comme elle le dit, elle n’a pas fait fortune, pas plus que dans les mines, mais ils ont toujours vécu dans une modeste aisance. Ils avaient un petit yacht et, chaque fin de semaine, ils traversaient le fleuve Yukon pour aller séjourner quelques heures à leur maison d’été de Sunnydale.

Monsieur et madame Tremblay n’ont pas eu d’enfant. Toutefois, en 1906, à leur retour d’Europe, ils adoptèrent une des nièces de madame Tremblay qui avait six ans et qui était la fille d’une de ses sœurs demeurée veuve avec neuf enfants. Lorsque sa nièce eut terminé ses études, elle retourna dans sa famille, à Schenectady, aux États-Unis, et se maria.

Sûrement qu’au cours de ses années à Dawson, Jack n’est pas resté assis à se croiser les bras. Il a probablement gardé une petite concession sur un ruisseau pas trop loin afin de demeurer occupé durant les belles journées d’été.

De son côté, madame Tremblay participa activement à la vie communautaire de Dawson et ses œuvres de charité furent nombreuses. Pendant plusieurs années elle s’occupa de l’arbre de Noël et lorsqu’elle vint s’installer à Dawson, elle prit charge du bazar et du repas annuel tenu chaque automne au profit des œuvres de l’église catholique St. Mary’s. Elle s’occupa continuellement de ramasser des aumônes qui étaient distribuées aux plus nécessiteux.

Durant la première Grande Guerre, elle tricota 263 paires de chaussettes pour les soldats, sans compter toutes celles qu’elle donna aux pauvres ou à ceux qui lui étaient chers.

En 1922, Madame Tremblay fonda la société Ladies of the Golden North et elle en fut nommée la première présidente. En 1927, elle est devenue aussi présidente de la société Yukon Women Pionneers. Enfin, elle fut membre à vie de la société Daughters of the Empire. En 1937, pour tous les services rendus à la communauté, madame Tremblay reçut la médaille commémorative du couronnement de Sa Majesté le Roi George VI.

Le 16 juillet 1935, Pierre-Nolasque (Jack) Tremblay décéda; il était âgé de 75 ans. Selon le Père Bobilier, jusqu’à sa mort, il était le plus ancien résident de cette partie du Yukon, un « sourdough » et pionnier de la première heure, doué de toutes les qualités du cœur, qui font le parfait gentilhomme du Nord. Il faisait partie de l’ordre fraternel des Aigles et était membre de l’ordre des Pionniers du Yukon, dans lequel il était entré à Fortymile en 1894. Le 18 juillet, ses funérailles eurent lieu à l’église catholique St. Mary’s à Dawson. Les journaux de l’époque firent son éloge en l’appelant The Grand Old Man of the Yukon.

Acte de sépulture de Nolasque Tremblay, le 18 juillet 1935, paroisse St. Mary’s à Dawson (Source: registre paroissial)

On peut lire sur la plaque apposée sur son monument funéraire :

– At Rest –

The Body of Nolasque Tremblay

Better Known as « The Grand Old Man »

– Jack –

Born in Chicoutimi Que. – January 30-1860

Died in Dawson YT- July 16-1935

† God Bless The One That Everybody Loved †

Monument funéraire de Nolasque Tremblay, à Dawson (Collection Denis Beaulieu) – Note de la rédaction – Le monument plus foncé est celui dédié à Émilie Fortin après sa mort.

Madame Tremblay, de 1936 à 1949

En 1936, un an après la mort de son mari, madame Tremblay alla visiter sa parenté et ses amis des États-Unis et du Canada. Ce voyage dura neuf mois.

Elle quitta Dawson par avion, le 11 décembre 1936, et arriva à Whitehorse, en moins de quatre heures de vol. Le chemin de fer de la White Pass la conduisit à Skagway, à travers la chaîne du Pacifique qu’elle avait gravie deux fois à pied; puis elle s’embarqua sur le Norah qui, quatre jours plus tard, la déposa sur les quais de Vancouver. De là, elle se rendit à Seattle où elle demeura une semaine. Désirant voir le soleil de la Californie, elle partit, quelques jours plus tard, en automobile avec M. et Mme Stewart et M. et Mme B.- W. Gladwin. De retour à Seattle, elle revint à Vancouver où elle prit le train pour se rendre à Montréal où elle s’installa à l’Hôtel de la Reine pendant trois semaines.

Madame Émilie Tremblay en 1937 (Source: Société historique du Saguenay)

Par la suite, madame Tremblay se rendit à Chicoutimi où elle fit un séjour de trois mois chez sa sœur, veuve d’Onésime Gravel, elle aussi ancienne Dawsonnienne. Lorsqu’elle se rendit à Québec, madame Tremblay descendit au Château Frontenac.

Au mois de mai 1937, elle se rendit à Saratoga, dans l’État de New York, où elle rencontra une autre sœur qu’elle n’avait pas vue depuis trente ans. Par la suite, pendant deux mois, elle alla à Schenectady visiter ses parents et amis. À Cohoes, elle demeura chez sa sœur, madame H. Maltais, puis chez sa belle-sœur, madame Marie Fortin, durant trois semaines. Elle en profita pour aller visiter New York.

Après être retournée à Schenectady, elle quitta le 14 août, promettant de revenir dans un autre trente ans… Elle rejoignit Vancouver où elle passa quelques jours. Le 31 août, elle monta à bord du Louise, s’arrêta à Prince Rupert pour saluer son évêque, Monseigneur Bunoz, et arriva à Skagway d’où elle n’a pas eu à traverser la Chilcoot Pass à pied comme en 1894 et 1898. Voici les commentaires de madame Tremblay au sujet de la dernière portion de son voyage :

J’eus certes bien du plaisir à faire ce voyage en chemin de fer de Skagway à Whitehorse, quand je pense aux changements survenus dans le pays depuis que Jack m’y amena… Le voyage sur le fleuve Yukon à bord du vapeur Casca est lui aussi fort agréable, car on a plus à se préoccuper du campement du soir ni à manger des haricots continuellement… Ce voyage, conclut-elle, en arrivant à Dawson, a certainement été merveilleux, mais c’est encore plus beau d’être de retour au Yukon, car le Yukon restera toujours mon vrai pays… ».

Pendant quelques années, madame Tremblay est demeurée seule à Dawson et elle continua de s’occuper de son magasin de nouveautés et de ses œuvres de charité.

Mais, le 23 septembre 1940, le curé de la paroisse St Mary’s de Dawson mariait, dans l’intimité, madame Émilie Tremblay et monsieur Louis Lagrois. Elle était alors âgée de 68 ans et lui de 70 ans. Monsieur Lagrois, originaire de Curran, en Ontario, était lui aussi un ancien pionnier du Yukon qui était arrivé à Dawson en juin 1898.

Acte de mariage d’Émilie Tremblay et de Louis Lagrois, Dawson (Registre paroissial de la paroisse St. Mary’s à Dawson)

Voici comment le Père Bobilier décrit monsieur Lagrois : Monsieur Lagrois, Canadien-Français lui aussi, est un vieillard qui ne porte toutefois pas son âge. Il est encore très alerte et peut couper toute sa provision de bois sur les flancs des collines voisines et cueillir des paniers de fruits sauvages qu’Émilie transformera en délicieuse gelée ou mettra en conserves. … Monsieur Lagrois est un de ces rares mineurs qui ont été assez sages pour mettre un peu d’argent de côté, si bien que ces deux pionniers du Yukon vivent une vie tranquille et heureuse, sans crainte excessive du lendemain. Ils ont aussi une petite maison en ville, où ils viennent passer une semaine ou deux de temps à autre et où leurs amis s’empressent de les visiter.

Le Père Bobilier poursuit : ce mariage mit fin du petit commerce de nouveautés qui était devenu avec les années comme une « institution » du vieux Dawson et le « Madame Tremblay’s Store » fut désormais fermé. Le nouveau couple alla habiter la cabine de Monsieur Lagrois, Aux Fourches, c’est-à-dire au confluent de l’Eldorado avec la Bonanza, à 16 milles de Dawson, non loin du lieu où se fit, en 1896, la fameuse découverte de l’or du Klondike.  

À l’été de 1946, monsieur et madame Lagrois ont été invités à assister à la convention annuelle des Anciens Pionniers du Yukon à San Francisco où on célébra le Jubilé d’or du Klondike et les anciens Sourdoughs.

De retour à Dawson, voici les commentaires que faisait Madame Tremblay-Lagrois au Père Bobilier, en 1947 : Grâce à Dieu, conclut Madame Lagrois, le métier d’explorateurs n’a pas été, même dans le Nord, le lot des hommes seuls. Quand je quittai mon pays, cette vie m’était complètement inconnue. Mais quand j’arrivai sur les concessions de mon mari dans le district de Fortymile, j’en appris bientôt autant que n’importe quel prospecteur ou voyageur qui se soit aventuré dans le Nord. Et j’ajouterai que je n’aurais pas échangé la somme de mes expériences et particulièrement celle du premier voyage au pays de l’or pour la meilleure récompense que le monde extérieur aurait pu m’offrir

Nombreuses furent les difficultés, c’est vrai; difficultés et dangers, qui plus d’une fois, m’amenèrent bien proche de la mort… Il y eut des périodes d’angoisses et des années encore plus longues de dur labeur. Mais au-dessus de tous ces dangers, travaux et angoisses planait la nostalgie naturelle du pays nordique, que tous les efforts d’une vie passée au pays des neiges rendent encore plus cher… .

Conclusion

Voici ce que nous dit madame Angélique Bernard au sujet de madame Tremblay : à l’âge de 75 ans, Émilie déménage à Victoria, en Colombie-Britannique, dans une maison de retraite. Deux ans plus tard, le 22 avril 1949, elle meurt du cancer. Émilie repose aux côtés de son premier mari, Jack Tremblay, dans les terres du Klondike, son pays de prédilection. En reconnaissance de son rôle historique, l’école de langue française de Whitehorse porte, depuis 1985, le nom d’École Émilie-Tremblay.

Quant à monsieur Louis Lagrois, est-il décédé à Dawson à la fin de 1946 ou au début de 1947 avant que sa femme aille à Victoria ou y est-il allé avec elle? Nous ne le savons pas… Dans les registres de la paroisse St. Mary’s, nous ne voyons aucun acte de sépulture de monsieur Lagrois ni de madame Tremblay.

C’est ainsi que la petite francophone Émilie Fortin du Lac-Saint-Jean marqua l’histoire du Yukon.

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2 réponses à « Émilie Fortin et Pierre-Nolasque (Jack) Tremblay, du Lac-Saint-Jean au Yukon – 2e partie »

  1. Avatar de Marie-Paul Langlois
    Marie-Paul Langlois

    Il y eut de grands voyageurs bien avant nous, et dans quelles conditions?

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  2. Avatar de gillesbsamsonoutlookcom
    gillesbsamsonoutlookcom

    Merci pour cette 2e partie.

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