Madame Denise Dodier-Jacques avait écrit dans L’Entraide généalogique une série d’articles connue sous le nom Les Vieux Métiers. Cette série a été publiée il y a une trentaine d’années, en 20 épisodes échelonnés entre 1990 et 1996. Peu d’entre nous se rappellent donc de cette série qui a marqué. Pas moins de quatre de ces articles s’étaient mérités le prix Raymond-Lambert du meilleur article.
Nous avons retrouvé l’ensemble de cette série de 20 articles. Nous vous les présenterons au cours des prochains mois. Voici aujourd’hui le 6e article de cette série qui nous familiarise avec le pelletier.
Cet article avait d’ailleurs valu à son autrice le prix Raymond-Lambert (avant son nom officiel) du meilleur article de l’année 1993.

Madame Denise Dodier-Jacques (photo de la revue L’Entraide généalogique 1993 no. 16-1).
Temps de lecture estimé – 10 minutes
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LE PELLETIER
Est-ce l’approche de l‘hiver qui m’a fait choisir de vous parler du métier de pelletier ou la lecture d’un acte notarié fait en 1723 par M. Louet, notaire royal? Un peu des deux, mais c’est la lecture de l’inventaire de la veuve Dupré, épouse en première noces de Jacques Dodier et en secondes noces de feu Pierre Dupré, seigneur et capitaine de milice, qui en est la cause. Dans la longue énumération des items de cet inventaire, nous en retrouvons plusieurs au sujet de peaux d’animaux. Du côté des animaux sauvages il y a: 5 peaux d‘ours, dont 2 d‘été; 30 livres de castor d’été; une robe de castor ‘’vieille’’; une robe de castor gras; des ‘’méchantes’’ martres et loutres; plus loin 17 livres de castor sec d‘été. Que faisait-on de toutes ces pelleteries? Elles étaient troquées contre des marchandises, ou bien vendues à des intermédiaires qui les revendaient à des traitants européens.
Le pelletier est la ‘’personne qui achète et prépare les peaux et qui fait le commerce des fourrures’’, telle est la définition du Petit Robert.
Le métier de pelletier est parmi le plus vieux du monde quant à la matière employée. Probablement que le premier vêtement de l‘homme fut fait d’une peau de bête, signe de sa prédominance sur les autres êtres vivants que de se confectionner un habit avec la peau d’un autre vivant. L‘homme dut s’en trouver fort aise car depuis, la fourrure lui est restée un morceau de choix pour se vêtir.
La fourrure occupe une place d‘honneur dans l‘histoire de l’antiquité. En plus de servir contre les rigueurs du climat, elle fut utilisée comme ornement, et plus encore comme un symbole de rang social de l‘homme. Les Égyptiens considéraient la peau de panthère ou de guépard comme un signe de puissance. Chez les Assyriens, les princes s‘habillaient de peaux de tigre, de lion, de léopard. D’autres peuples faisaient de la fourrure un instrument de culte. Dans la bible on peut voir une description d’un tabernacle garni de peau de chèvre; des prêtres, pour officier, revêtaient les peaux des animaux sacrifiés au temple.
L‘histoire de la colonie française en Amérique du Nord se développe autour du commerce des pelleteries. Les Amérindiens viennent alors troquer le produit de leurs chasses là où les Européens s’installent. Bientôt les Français décident de se rendre au-devant des Amérindiens, tandis que les Anglais établissent des postes de traite et attendent l’arrivée des chasseurs. La traite des pelleteries se fait un peu partout dans le nord de l’Amérique. Elle demeure pendant plus de 2 siècles, une des principales activités commerciales. Vers le milieu du 18’ siècle, elle représente 70% de la valeur des exportations. Presque tous les animaux à fourrure sont objets de traite. Sous le régime français, c’est par millions que les peaux de castor sont expédiées en France. La vente de la fourrure est l’apport le plus important à l’économie du pays. Sous le régime anglais, ce commerce s’intensifie et même au début du 19“ siècle, il occupe un bon rang. A la fin du même siècle, les fourrures tout en fournissant une bonne part du revenu, accuse une importance sans cesse décroissante. La valeur de la production annuelle, dans les années 50, est d’environ 12 millions de dollars.
Le travail du pelletier se situe entre le chasseur et le fourreur. Le pelletier achète les peaux de castors, de rats musqués, de visons, d’hermines, de renards, de lynx. Ensuite, il prépare les fourrures pour la vente, ce qui nécessite plusieurs opérations: lavage, dégraissage, assouplissement, teinture, brossage, peignage, lustrage. Les peaux entières sont classées par lots selon leur sorte, leur qualité de poil, fourni ou soyeux, leur couleur. Le vison est classé par sa couleur et sa provenance. Les peaux sont vendues tannées, d‘autres non, pour les fourreurs qui préfèrent choisir eux-mêmes leur tanneur. Les chasseurs laissent leurs peaux de bête en consignation chez le pelletier qui les vend à l’enchère, moyennant une commission pour les frais.

Inventaire de la veuve Dupré (L’Entraide généalogique 1993, 16-1)
Les fourrures sont utilisées par le fourreur qui en confectionne des manteaux, chapeaux, cols, étoles et pelisses. Il taille les peaux et les assemble par une fine couture. L’outillage servant à ce travail s’est modifié depuis l’âge de pierre! Maintenant on utilise entre autres des couteaux, aiguilles, cardes, pinces à bloquer, brocheuses, clous, machines à tailler les peaux et à coudre la fourrure.
On peut parler des fourrures et oublier les coureurs des bois qui parcouraient les forêts pour négocier les peaux de bêtes directement avec les Amérindiens. Ces coureurs des bois ‘’sont toujours des jeunes gens dans la force de l’âge, la vieillesse n’étant pas capable des fatigues de ce métier. Il y en a qui sont de bonne famille, d‘autres ne sont que de simples habitants; d’autres enfin qui n’ont aucune profession et qu’on appelle volontaire: le désir de gagner est commun à tous ces hommes’’. Les coureurs des bois portent un costume qui se reconnaît facilement. Il se déplace habituellement dans un canot d’écorce et parcourt plusieurs kilomètres par jour. Sa nourriture se compose de biscuits, pois, blé d‘inde et eau-de-vie, ou bien de produits de sa chasse, lorsque ses vivres viennent à manquer. La liberté est l’aspect le plus intéressant de la course des bois. Certains coureurs ont trouvé un moyen facile de s’enrichir: ils échangent de l’eau-de-vie contre des peaux de castor. ‘’Les coureurs des bois rendaient aussi de précieux services en servant d’intermédiaires entre les Français et les Indiens. Ils contribuèrent largement aux découvertes’’. (Tiré de: Histoire du Canada par Farley et Lamarche).
Au début de la colonie, les Amérindiens troquent leurs fourrures en échange d’objets comme des fusils, ‘’couvertes’’, poudre à fusil, vêtements, petit miroir, aiguille et même contre de l’eau-de-vie. En 1665, un fusil valait six castors, une couverte blanche de Normandie, 6 castors, ces prix étant fixés par Tracy. La qualité de la fourrure varie selon les saisons; il y a des peaux de castor sec ou gras; des peaux de castor d‘hiver sec ou gras. Cette dernière catégorie est la préférée des pelletiers, le poil étant plus résistant et plus soyeux.
Le travail du pelletier n’a pas beaucoup changé, il continue d’acheter, de préparer, puis de revendre ses fourrures.
On peut aussi tenir pour certain que la fourrure aura toujours une place que ce soit contre les rigueurs du climat ou comme ornement …
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE:
- Nos racines, l’histoire vivante des Québecois, Montréal, éd. Laffont, 1979, vol. 2, Un pays à bâtir, p. 130 à 141.
- Encyclopédie Grolier, tome V, la société Grolier ltée, Montréal, 1954, p. 74 à 80.
- Histoire 1534-1968, Montréal, éd. Renouveau Pédagogique inc. 1968.
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