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Saint-Edmond de Coaticook

Voici un nouvel article sorti des archives de la revue L’Entraide généalogique, publié en 2019, (Vol. 42, no. 3) et qui raconte l’histoire d’une des paroisses des débuts de Coaticook, celle de Saint-Edmond.

Temps de lecture estimé – 10 minutes

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SAINT-EDMOND DE COATICOOK

Recherche: Sachel Cardi-Bissonnette

On ne peut pas parler seulement de la paroisse catholique de Saint-Edmond de Coaticook sans ignorer les différentes, nombreuses et très influentes communautés anglophones protestantes qui ont fortement marqué la région de Coaticook. Depuis le milieu du 19e siècle, la ville et sa région sont devenues principalement francophones et catholiques. De cette réalité sont apparues les magnifiques et imposantes églises, les croix de chemin et les cimetières qui contribuent aujourd’hui encore à la beauté de ce coin du Québec, si familier et pourtant bien unique. Aujourd’hui, ce lieu-dit est considéré comme site patrimonial, cité en exemple depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur le patrimoine culturel en 2012. Ce secteur Saint-Edmond reste à la fois un témoin de l’histoire encore récente du Québec, même s’il a perdu en grande partie sa demande religieuse. Et aussi à cause de son indissociabilité d’avec son patrimoine religieux.

Église Saint-Edmond de Coaticook

Avant d’identifier la nature de la paroisse, parlons de la ville autour de laquelle elle s’est construite. Coaticook est située sur d’anciennes terres abénaquises, comme bien des villes et territoires au Québec. Ce sont ces mêmes Abénaquis qui léguèrent à la ville (ou plutôt à sa rivière éponyme) le nom de Coaticook, de Koatikeku ou « rivière de la terre du pin ». Terre de chasse et de pêche, la région est très peu habitée avant le 19e siècle. (Répertoire du patrimoine culturel du Québec, 2018).

C’est au début de ce siècle qu’arrive la première vague de migrants occidentaux. Contrairement au Haut-Canada (l’Ontario d’aujourd’hui), cette vague d’anglo-saxons protestants ne contient qu’une minorité de loyalistes, ces Américains ayant décidé de fuir la Nouvelle-Angleterre suite à la victoire des États-Unis contre la Grande-Bretagne lors de la Guerre d’indépendance américaine (1775-1783). La majorité de ces pionniers sont en fait des fermiers de la Nouvelle-Angleterre cherchant dans les Cantons-de-l’Est des terres fertiles et bon marché. Ce qu’ils trouvent en abondance.

Un tel agriculteur, Richard Baldwin, part de Barnston Pinacle sur la frontière entre le Vermont et l’Estrie, et défriche une terre sur le site actuel de la Caisse populaire de Coaticook. Le peuplement autour du futur chef-lieu se fait de manière similaire aux autres hameaux de la région avec sa communauté anglo-protestante, ses magasins généraux, ses artisans et ses lieux de culte évangéliques et atypiques. Vers 1835, une première vague d’arrivants franco-catholiques s’installe dans la localité. Coaticook se démarque déjà des autres hameaux de sa région par son dynamisme. Cela provient notamment de la richesse de ses terres, de la puissance de la rivière du même nom permettant l’utilisation de moulins hydrauliques qui, en ce début de révolution industrielle, fournissent l’énergie nécessaire une économie manufacturière, que ce soit la transformation du bois ou l’industrie textile.

Le vrai coup de départ du développement de la ville est donné en 1853, lorsque celle-ci est connectée à la fameuse voie ferroviaire du Grand Tronc reliant Longueuil à Portland au Maine, jouxtant Montréal au passage. Privée d’un accès au fleuve SaintLaurent, la principale voie commerciale au Québec, la connexion à ce chemin de fer devient très importante car il relie non seulement la future ville à Montréal, capitale industrielle et économique du Québec, mais aussi au gigantesque marché de la Nouvelle-Angleterre.

En 1864, le village de Coaticook est officiellement incorporé. Un premier hôtel de ville est bâti. Son économie suit le rythme de celle de Sherbrooke. Les entreprises de cardages et les crèmeries prospèrent étant donné la quantité abondante de matières premières locales (la laine des moutons et le lait des vaches laitières). C’est en 1940 qu’est fondée la fameuse laiterie de Coaticook par Arthur Bédard, Arthur St-Cyr et Henri Gérin.

L’essor industriel de la ville est manifeste de 1853 aux années 1960 : c’est une période qui pourrait être appelée l’âge d’or industriel de Coaticook. Les scieries et moulins à farine de l’époque préindustrielle laissent place à d’imposantes manufactures comme celle de Belding Corticelli, qui marque toujours le paysage de la ville et est immanquable pour quiconque arrive à Coaticook par le nord. Ce bâtiment particulier était l’emplacement d’une production importante d’articles de soie. En 1940, la manufacture a commencé la production de divers articles militaires, des bottes de fantassins à des cordes de parachute.

Le barrage Penman’s est quant à lui une des œuvres très esthétiques qui ont exploité et exploitent toujours le pouvoir hydraulique de la rivière Coaticook. Comme à Sherbrooke, c’est ce même pouvoir hydraulique qui a emmené plusieurs industries à s’installer et se développer dans la ville, jamais très loin de la rivière.

La célèbre demeure d’Arthur Osmore Norton, un riche industriel ayant fait fortune dans la production à grande échelle de crics pour les trains, est construite en 1912 sur la rue de l’Union, au sud de la ville. De style Queen Anne, le nouveau Château Arthur-Osmore-Norton devient en 1975 le musée Beaulne et est ouvert au public depuis 1976.

Il va sans dire que le développement de la paroisse de Saint-Edmond de Coaticook suit le développement de la ville elle-même, à une exception majeure près, qui est bien québécoise…

 Au début des années 1860, une trentaine d’années après la première arrivée sérieuse de colons francophones dans la région, la communauté catholique de Coaticook est desservie par le prêtre missionnaire Edmond Gendreau. Sans être reconnue encore par Rome, la paroisse naissante se dote en 1863 d’une première chapelle.

Cinq ans plus tard, Jean-Baptiste Chartier (1832-1917) est nommé premier curé résident : c’est la fondation officielle de la paroisse Saint-Edmond de Coaticook. Rapidement vient l’inauguration du cimetière et du presbytère. Une fois les besoins spirituels des catholiques locaux satisfaits, il faut s’occuper de leurs besoins en éducation. Gardons en tête qu’au Québec d’avant 1960, l’éducation est avant tout une affaire d’église. L’éducation séculière laïque est encore dans la province très pratiquante une idée saugrenue, situation qui d’ailleurs satisfait pleinement l’Église. (Originis, 2018)

Un couvent pour jeunes filles est fondé par le curé Chartier en 1870. Sa direction est confiée à une congrégation religieuse, les Sœurs de la Présentation de Marie. Le couvent est érigé en face de la chapelle : la rue Saint-Jacques nord devient le centre de la vie religieuse catholique de Coaticook. C’est d’ailleurs un centre qui gagne en fidèles au fur et à mesure que la commune elle-même grandit. Avec les nouvelles manufactures viennent des vagues successives de fermiers catholiques venant de tous les coins du Québec. Et tous réclament ses services religieux. Le « troupeau » se développe à un point tel qu’en 1883, les autorités paroissiales obtiennent l’autorisation pour ériger un nouveau lieu de culte plus grand, en face de la chapelle, près du couvent. (Répertoire du patrimoine culturel du Québec, 2018)

Cette nouvelle église, dont les plans sont réalisés par l’architecte Adolphe Lévesque, est consacrée le 24 octobre 1888, et deviendra sans doute une des icônes les plus célèbres (avec raison) de la municipalité : l’église Saint-Edmond. L’école Saint-Michel est bâtie en 1931 sur l’emplacement de l’ancienne chapelle.

Comme partout au Québec, la Révolution tranquille des années 1960 vient vider les églises et déposséder les autorités religieuses d’une immense partie de leurs ressources et de leur autorité. Suivant le mouvement rapide de laïcisation du secteur de l’éducation, l’école Saint-Michel est convertie en immeuble à bureau, où siégera plus tard, et siège toujours, la MRC de Coaticook. (Répertoire du patrimoine culturel du Québec, 2018)

Le couvent d’en face, appelé Collège Rivier depuis 1990, est cédé à une administration laïque en 1992. L’administration religieuse aura duré remarquablement longtemps dans ce contexte, 30 ans après le début d’un mouvement massif de sécularisation!

Tout le patrimoine religieux bâti de la ville n’est pas pour autant perdu! En 2010, le secteur Saint-Edmond est constitué site du patrimoine par le gouvernement du Québec, statut qui se confirme en 2012 avec la Loi sur le patrimoine culturel.

Les employés de la MRC et les élèves de l’école La Frontalière de Coaticook peuvent toujours très aisément admirer ces magnifiques bâtiments à chaque jour de l’année. Le collège Rivier, l’église Saint-Edmond, le cimetière et l’édifice de la MRC sont toujours charmants, particulièrement pendant une chaude journée d’été, bien que leur signification religieuse ait laissé la place à une valeur patrimoniale très puissante.

Bibliographie

Québec, ministère de la Culture et des Communications, « Site patrimonial de la Paroisse de Saint-Edmond », sur le site Répertoire du patrimoine culturel du Québec, [http://www. patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?-methode=consulter&id=171874&type=bien#. Wz0tI9VKjIU], (consulté le 4 juillet 2018).

« Coaticook (Saint-Edmond) », sur le site Originis, [https://www.originis.ca/paroisse_coaticook_saint_ edmond.html], (consulté le 4 juillet 2018).

Table de Concertation Culturelle de la MRC de Coaticook, Patrimoine en action, Coaticook, MRC de Coaticook, 2014, 15 p.

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Une réponse à « Saint-Edmond de Coaticook »

  1. Avatar de Rolande Courtemanche
    Rolande Courtemanche

    votre article sur le acrimonie religieux de Coaticook est très intéressant. Bien écrit. Cela donne le goût d’aller visiter Coaticook.

    bravo,

    rolande Courtemanche

    J’aime

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