Nous vous présentons cette semaine un article du regretté Denis Beaulieu qui nous a quitté en juin 2023. Il a été publié dans notre revue L’Entraide généalogique à l’été 2012.
Il traite d’un sujet qui intéressera certainement ceux et celles qui effectuent des recherches généalogiques sur leurs ancêtres, à savoir les actes de donation entre vifs. Le contenu de tels actes notariés nous en dit long sur le mode de vie de nos ancêtres. Il s’agit d’un très long article. Nous vous le présentons donc en deux parties. La deuxième portion sera publiée dès jeudi.
Temps de lecture estimé – 10 minutes
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En faisant des recherches pour compléter la biographie de Jérôme Adolphe Chicoyne qui était né à Saint-Pie, le 22 août 1844, du mariage de Jérôme Chicoine et de Dorothée Deslandes dit Champigny, je suis tombé sur un acte notarié extrêmement intéressant. Cet acte fut rédigé le 20 février 1875, chez le notaire Hilaire R. Blanchard de Saint-Hyacinthe. Jérôme Chicoine et sa femme, Dorothée Deslandes dit Champigny, y procédaient à une donation entre vifs, en faveur de leur fils Alfred, frère cadet de Jérôme-Adolphe. Cet acte fut enregistré au bureau d’enregistrement du district foncier de Bagot, sous le numéro 11476 RB, le 24 septembre 1878, trois ans après avoir été rédigé (1).
La donation entre vifs était une coutume répandue depuis longtemps et consistait pour les parents à faire don de tous leurs avoirs à l’un de leurs enfants, à condition que celui-ci s’occupe d’eux jusqu’à la fin de leurs jours.
Lorsque la donation était bien faite, un acte notarié officialisait et enregistrait toutes les dispositions. Si elle était mal faite et non notariée, généralement la chicane ne tardait pas à se déclarer, entre les donateurs et le donataire et entre le donataire et ses frères et sœurs. À ce moment, c’était le cauchemar pour les parents qui n’étaient pas plus avancés. Ainsi, dans un tel acte notarié, comme c’est le cas ici, le notaire s’obligeait à dresser un inventaire complet des avoirs des parents et une liste exhaustive de toutes les servitudes et obligations du fils envers ses parents. Cet inventaire nous donne une bonne idée de la richesse des parents, tandis que les servitudes et obligations nous décrivent le mode de vie que les parents espéraient avoir pour le reste de leurs jours.
Il est bien évident qu’à la lecture d’un tel acte, nous rencontrons plusieurs expressions, mots et façons de dire qui sont d’une autre époque et qui viennent des vieilles coutumes françaises. Ces mots bizarres ne sont pas toujours des erreurs d’orthographe. Toutefois, en raison du fait que tous les actes notariés étaient transcrits par le registraire du bureau d’enregistrement du district foncier, il est fort possible que certaines fautes et erreurs ont pu être commises, mais celles-ci, même s’il y en a, ne changent pas l’idée générale du document.
Avant de passer à la transcription de l’acte de donation, arrêtons-nous sur les parents Chicoine et leur famille. Jérôme Chicoine dit Dozois est né le 20 septembre 1814 à Verchères. Il épousa, le 1er octobre 1839 à Saint-Hyacinthe, Dorothée Deslandes dit Champigny, fille d’Amable Deslandes dit Champigny et Marie Marguerite Coiteux. Après le mariage, Jérôme et Dorothée allèrent vivre à Verchères où leur premier fils, Joseph, naquit le 30 août 1840 et fut baptisé le lendemain. L’année suivante, Jérôme Chicoine acheta une terre dans le rang Saint-François à Saint-Pie, aujourd’hui le rang du Bas-Petit-Saint-François. C’est là que naquirent neuf autres enfants : Célina, le 30 mai 1842, Jérôme-Adolphe, le 22 août 1844, Alfred, le 16 octobre 1846, Isaïe-Antoine, le 25 septembre 1848 et décédé le 13 mai 1853, Valérie, le 22 janvier 1851, Hormidas, le 19 août 1853 et décédé le 24 décembre 1855, Michel Adolphe, le 11 décembre 1855, Malvina, née entre 1856 et 1860, et Emma, le 4 octobre 1860. Ces neuf enfants furent tous baptisés à l’église de Saint-Pie.
Le 4 mars 1863, chez le notaire Bachand de Saint-Liboire, Jérôme Chicoine acheta d’Antoine Petit une terre de deux arpents de front sur trente de profondeur, située dans le rang Grand-Saint-François de Saint-Pie (2). Le 21 février 1865 (3), chez le notaire Meunier, Jérôme Chicoine vendit sa terre du rang Bas-Petit-Saint-François à Onézime Deslandes dit Champigny et déménagea sa famille sur sa terre du rang Grand-Saint-François. C’est là que Jérôme et Dorothée vécurent le reste de leurs jours et que le 20 février 1875, ils firent don de leurs avoirs à leur fils Alfred. Voici maintenant la transcription de cet acte de donation entre vifs. Je tiens à faire remarquer que dans tous les documents et les registres paroissiaux, le nom Chicoine est toujours écrit avec un « i », tandis que Jérôme Adolphe et sa famille l’ont généralement écrit avec un « y », Chicoyne.
L’an mil huit cent soixante et quinze, le vingtième jour de février après-midi. Devant nous Mtre. Hilaire R. Blanchard, soussigné, notaire public pour la Province de Québec, au Canada, résident à St. Hyacinthe dans le district de St. Hyacinthe et Sr. Zotique Marchesseault, étudiant en droit de St. Hyacinthe le Confesseur, témoin pour ce exprès requis et aussi soussigné.
Sont comparus Sieur Jérôme Chicoine cultivateur de la paroisse de St. Pie et Dame Dorothée Deslandes son épouse qu’il autorise bien et dûment pour l’effet des présentes.

Monsieur Jérôme Chicoyne et sa femme Dorothée née Deslandes dit Champigny (4).
Lesquels ont reconnu et confessé, par les présentes, avoir donné, cédé, quitté, transporté et délaissé dès maintenant et à toujours et promettent garantir de tous troubles, dons, douaires, dettes, hypothèques, évictions et autres empêchements quelconques à titre de donation entre vifs, pure, simple et irrévocable et en la meilleure forme que donation puisse se faire et valoir, à sr. Alfred Chicoine leur fils, cultivateur de la paroisse de St. Pie, à ce présent et acceptant donation pour lui et ses ayant cause à l’avenir, une terre sise et située en la paroisse de St. Pie, dans le grand rang St. François, de deux arpents de front sur trente arpents de profondeur, plus ou moins, tenant devant au chemin de la reine, en profondeur, aux terres du rang St. Dominique, d’un côté à un nommé DuPaul et d’autre côté à Misaël Authier, avec une maison et autres bâtisses dessus construites, et en outre les animaux, meubles et objets mobiliers suivants, savoir : un cheval, cinq vaches, trois taures, dix moutons, quatorze volailles, une wagine propre, une wagine de travail, une autre wagine, un tombereau, un berlo, une traine, deux sleighs, un harnois propre, un harnois de travail, deux paires de traits, deux robes de cariole, une charrue, deux herses à dent-fer, un crible, un godendard, une petite scie, une hache, quatre pelles, deux à trois fourches de fer, une pioche à terre neuve, un demi minot, un vent, une brouette, un poêle double, un lit garni tel qu’il est, une table, un banc, des sceaux, un garde-manger, huit chaises, deux sceaux, deux cuvettes, une cuve, trois douzaines de terrines fer blanc, un saloir, trois pots à beurre, une douzaine et demi d’assiettes, douze tasses à thé et soucoupes, douze couteaux, douze fourchettes, et douze cuillères, un sucrier, un pot au lait, une théière, trois chaudrons, un canard, un miroir, deux fers à repasser, deux nappes, douze essuit mains, une armoire à linge, un rouet, un métier avec ses agrès, tout le foin actuel et en argent trente piastres.
Le donateur cède et abandonne au dit donataire acceptant, toutes ses hardes et linges de corps à son décès pourvue que le donataire survive au donateur, afin de ne pas laisser entre les mains d’étrangers, quant aux ustensiles de cuisine ci-dessus, les donateurs s’en réservent la jouissance leur vie durant et de plus prendre après le décès des donateurs un poêle simple.
Ainsi que le tout ce poursuit comporte et étend de toutes parts, circonstances et dépendances que le dit donataire dit bien savoir et connaître pour l’avoir vu et visité dont il est content et satisfait sans aucune réserve par les dits donateurs que celles-ci-après mentionnées savoir : Les dits donateurs font réserve pour leur vie durant de la moitié de la maison actuelle où résident les donateurs du côté du chemin et du haut en bas, droit dans toutes les autres bâtisses de la dite terre à leur besoin sans causer de dommages, droit de prendre de l’eau au puits et de cuir au four, de prendre en réserve un arpent de terre à la frontière de la terre, rentouré, labouré, hersé et sumé par le donataire, à la demande des donateurs et aussi la moitié du jardin actuel du côté du chemin et sumé au besoin ainsi que bêché; les donateurs se réservent le droit de cultiver à leur profit leurs abeilles comme ils l’entendent, mais ils encoureront tous les risques et dommages à l’égard des étrangers et non pas envers le dit donataire ou ses représentants.
Pour du dit terrain et dépendances, jouir, user, faire et disposer par le dit donataire et ayant cause en toute propriété en vertu des présentes et commencer la jouissance dès ce jour les donateurs s’en démettant et dessaisissant à son profit et consentant qu’il en soit aussi en possession par le porteur d’une expédition des présentes.
Note: La deuxième partie de cet article sera publiée jeudi.
Références
(1) BUREAU DE LA PUBLICITÉ DES DROITS. Contrat # 11476 RB, 20
février 1875, Circonscription foncière de Bagot, Saint-Hyacinthe.
(2) BUREAU DE LA PUBLICITÉ DES DROITS. Contrat # 914 RB, 4 mars
1863, Circonscription foncière de Bagot, Saint-Hyacinthe.
(3) BUREAU DE LA PUBLICITÉ DES DROITS. Contrat # 2433 RB,
19 septembre 1865, Circonscription foncière de Bagot, Saint
Hyacinthe.
(4) COLLECTION ANDRÉE BENOÎT ET RICHARD FLIBOTTE. Saint
Hyacinthe, Photo tirée de l’album personnel de J.A. Chicoyne, p. 48.
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